Comment ma femme m'a rendu fou – Dimitri Verhulst
Traduit du néerlandais par Danielle Losman
A 74 ans (septante quatre disent nos amis belges), Désiré Cordier ne peut plus supporter sa femme Monik, qui est on ne peut plus tyrannique et fielleuse. Il choisit une solution originale mais délicate à mettre en œuvre pour retrouver sa liberté d'esprit : simuler la démence sénile et se faire placer dans un établissement spécialisé pour malades d'Alzheimer.
La scène d'ouverture est saisissante, l'auteur ayant choisi la description d'incontinence fécale pour commencer son roman. La fin de vie, c'est aussi cela, n'importe quel(le) aide-soignant(e) vous le dira. Par des retours en arrière, Désiré revient sur ce qui a pourri sa vie : le comportement de sa femme. J'ai trouvé cette description de relation de couple particulièrement réussie, peut-être parce qu'au final, on en connaît tous des comme ça. (enfin moi oui en tout cas!)
J'ai trouvé très touchante la relation qui renaît avec sa fille, mais qui hélas reste morte tant le jeu du mensonge demeure capital.
L'humour est noir, non dénué de tendresse parfois (la fille, le premier amour dans lequel on veut croire un dernier espoir), la vie dans ce Home Lumière d'Hiver justement décrite, le tout est dérangeant, mais assez jubilatoire dans la vengeance choisie, tout autant que ce choix devient dramatique à un moment. Peut-on un jour sortir d'un enfermement quel qu'il soit, autrement que par la fin choisie, plombante, déprimante. Mais qui fait sens.
Une réussite, à lire un jour de moral bien accroché !
Extrait, page 96 : « D'après ce que j'entends dire, de plus en plus d'institutions engageraient avec succès des animaux domestiques dans leurs effectifs. Le prix d'un sac de croquettes pour chien n'est en rien à comparer avec le salaire pourtant misérable d'un travailleur social. Et puis on peut se poser la question de savoir qui apporte le plus à une personne en train de s'éteindre : un petit épicurien content et tranquille sur les genoux, ou une torcheuse de culs au caquètement suraigu dont l'humeur est gâchée par sa conscience d'être sous-payée ? » (une bonne idée du ton décapant de l'auteur)
Denoël & d'Ailleurs, janvier 2015, 142 pages, prix : 14,90 €
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Crédit photo couverture : © McBride / Getty Images et éd. Denoël