Blanche-Nègre – Karine Fougeray
Il y a quelques années (euh… en 2008 en fait, 10 ans déjà !), j’ai reçu Karine Fougeray pour son premier roman Ker Violette, et son éditrice Delphine Montalant l’accompagnait pour nous présenter sa maison d’édition.
Nos lecteurs avaient beaucoup apprécié cette rencontre (moi aussi évidemment !), j’avais beaucoup aimé le recueil de nouvelles de Karine Fougeray : Elle fait les galettes, c’est toute sa vie, ainsi que son roman. J’étais plus ou moins restée en contact via Facebook, j’avais dû revoir Delphine sur le marché de Montalivet, et Karine au Salon Etonnants Voyageurs à St Malo. De temps à autre, il m’arrivait de me demander si Karine publierait à nouveau.
C’est chose faite !
Et quelle belle couverture pour cette « Blanche-Nègre », petite fille africaine albinos, noire dedans et blanche dehors, rejetée de tous pour cette raison. Mais il n’y a pas que l’emballage, le roman est une vraie et belle réussite !
Dans une première partie très épurée mais magnifiquement écrite, en 1986, Charlotte Kerimer, 37 ans, est chargée des cours d’alphabétisation et d’écriture des ouvriers qui travaillent à la construction d’un nouvel aéroport international. Elle tombe amoureuse d’Adama, avant de repartir. Lorsqu’elle revient six mois plus tard, il est marié et père d’une famille nombreuse. Elle digère tant bien que mal sa déception. Sa femme meurt en couches dix ans plus tard, après avoir donné naissance à une petite fille à la peau blanche : la honte est sur la famille. Charlotte va adopter et élever cette petite fille qu’elle appellera Blanche-Nègre.
En 2008, des touristes descendent de la pirogue et viennent goûter une semaine de vacances ensoleillées. Certains d’entre eux ne se doutent pas encore que ces quelques jours bouleverseront leur vie. Cette partie centrale du roman est plus longue, on prend le temps de s’installer avec les personnages, de s’attacher à l’amitié entre la petite Suzanne et Blanche-Nègre. Mais derrière leurs jeux, leurs mots d’enfants, leurs différences qui s’apprivoisent, se cache un drame qui marquera tant les habitants que les vacanciers.
La dernière partie, qui retrouve la brièveté de la première, éclaire l’ensemble d’un nouveau (et terrible) regard.
On se laisse embarquer avec bonheur dans cette histoire qui derrière une apparente insouciance enfantine, révèle combien la différence d’une couleur de peau, combien la parole parfois naïve de l’enfance peuvent détruire des vies.
On y retrouvera aussi des thèmes chers à l’auteure tels que la mer, la richesse de ses fonds, la navigation, et les chevaux.
Un roman concis qui distille son sens profond au fil d’une construction habile et d’une écriture ciselée. On gardera longtemps en nous un peu de Blanche-Nègre, Suzanne, Khady et Tigane. De belles retrouvailles avec la plume de Karine Fougeray, qui crée aussi elle-même ses couvertures !
« L’aube était livide, mais le soleil se hissa en sang. » (p.23)
(et Merci à Delphine également pour sa fidélité !)
Ed. Delphine Montalant, février 2018, 114 pages, prix : 16 €, ISBN : 978-2-915779-24-0
Crédit photo couverture : © Karine Fougeray et éd. Delphine Montalant