Feel good – Thomas Gunzig
Le roman s’ouvre sur l’histoire d’Alice, une femme ordinaire qui mène une vie ordinaire, vendeuse dans un magasin de chaussures, maman d’un petit Achille dont le père s’est envolé avant la naissance, jusqu’à la fermeture, le chômage, le désespoir : enlever un nourrisson pour s’en sortir grâce à la rançon. Sauf que personne ne le réclame ce bébé…
En parallèle, l’histoire de Tom Peterman, un écrivain raté qui survit de quelques droits d’auteur et de rencontres littéraires. Ces deux-là vont se croiser et monter ensemble leur braquage culturel. Écrire un feel good book qui les rendra riches.
Bien sûr l’ensemble est invraisemblable, mais là n’est pas la question. La mise en abyme est habile pour nous donner à lire ce feel good book qui en respecte les codes, tout en sombrant quand même beaucoup dans le réalisme social, celui de la pauvreté. Pas vraiment feel good à vrai dire. Mais tellement vrai.
L’analyse du petit monde littéraire, de sa fabrication des succès et de l’échec de tous les autres fait mouche. C’est à vrai dire là aussi que je l’attendais, Gunzig, tant les extraits ci-dessous m’avaient attirée. Et de ce point de vue-là, la satire aussi est réussie.
Pensez-y lorsque vous choisirez votre prochaine lecture 😉
Extraits :
p. 131 : « Sans que Tom comprenne comment c’était arrivé, en quelques années, l’importance d’Instagram, de Twitter ou de YouTube devint considérable. Un succès ne pouvait se faire sans l’aide des « bookstagramers », des « instabookers », des « booktubers » qui prenaient en photo (avec un filtre élégant simulant la surexposition) les livres qu’ils lisaient, posés sur une table en chêne blanchi à côté d’une tasse de café ou bien posés sur le sable fin d’une plage d’été. »
p. 184 : « - C’est quoi le feel good book ?
- C’est un « livre pour se sentir bien ». En gros, on doit présenter la vie sous un angle positif, faire des portraits de personnages qui traversent des épreuves compliquées mais qui s’en sortent grandis. Ce sont des histoires dans lesquelles l’amitié triomphe de l’adversité, dans lesquelles l’amour permet de surmonter tous les obstacles, dans lesquelles les gens changent mais pour devenir meilleurs que ce qu’ils étaient au début…
- Aaaaah, il faut parler de résilience et de conneries comme ça ?
- Oui, par exemple, il y a pas mal de psychologie. Mais de la psychologie à trois sous, des notions pas du tout approfondies, des choses très basiques que le lecteur doit saisir en un instant, il y a souvent un petit côté « développement personnel » et puis faut pas hésiter à avoir la main lourde sur la spiritualité. La spiritualité, ça va donner au lecteur l’impression de faire partie d’un tout plus grand que lui, qu’il a accès à la transcendance, que des anges veillent sur lui ou des trucs du genre… »
Au diable Vauvert, août 2019, 398 pages, prix : 20 €, ISBN : 979-10-307-0274-3
Crédit photo couverture : © Annet Weelink Design et éd. Au diable Vauvert