Manuel de survie à l'usage des incapables - Thomas Gunzig
Le début du roman est aussi alléchant qu’intrigant. Le lecteur se trouve embarqué à bord d’un baleinier avec Wolf pour la quête du St Graal : la pêche à la baleine, que personne jusqu’alors n’a réussi à capturer. Et que croyez-vous qu’il se passât ? Mais la baleine ne vaut rien, car elle possède un numéro de série posé par la marque Nike. Eh oui, tous, hommes comme animaux ont désormais un code génétique modifié placé sous copyright. Pour un début qui décoiffe, c’est plutôt réussi !
Mais c’est au supermarché que les aventures vont se dérouler, entre licenciement abusif, hold-up, vengeance, avec une brochette de personnages hors normes (Blanc, Brun, Gris, et Noir qui sont quatre jeunes loups au propre comme au figuré, auteurs d’un hold-up sanglant qui cherchent à venger ensuite le décès de leur mère)
Si la première moitié m’a séduite par son côté burlesque, étonnant et décalé, sa vision à peine anticipée de notre monde devenu fou, j’ai trouvé au bout d’un moment que l’histoire tournait quand même un peu en rond. On va jusqu’au bout néanmoins, mais le récit s’essouffle et perd de son intérêt (pour moi du moins) Dommage car l’univers créé était prometteur, le supermarché comme allégorie du monde capitaliste est bien vu et à peine poussé à l’extrême, j’ai découvert Thomas Gunzig par cet ouvrage et serai sans doute tentée d’aller voir ce qu’il a fait d’autre, car les histoires qui « surprennent » vraiment ne sont pas si courantes.
Extrait : p. 105 « Les centres commerciaux prospéraient sur la misère. Pour vendre aux pauvres, ils avaient embauché d’autres pauvres qu’ils faisaient bosser à des cadences infernales. Ça maintenait le taux du chômage dans des chiffres que les hommes politiques jugeaient acceptables pour leur image de marque, ça épuisait tellement les travailleurs qu’une fois rentrés chez eux ils ne pouvaient que très difficilement penser à autre chose qu’à bouffer une moussaka surgelée, boire un coup et s’endormir devant la télé. C’était une bonne façon de maintenir la paix sociale. En fait, il n’y avait qu’une seule loi : l’hyper-productivité, mesurée en euros par heure travaillée. »
Au Diable Vauvert, août 2013, 420 pages, prix : 18 €
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Crédit photo couverture : © Au Diable Vauvert