Les jardins d'Hélène

Les en dehors ... - Stéphane Beau

20 Janvier 2012, 16:04pm

Publié par Laure

les-en-dehors.jpgLéopold, libraire de profession, écrivain à ses heures, a décidé de tout laisser tomber le jour de ses trente ans. Il a tout vendu, sa boutique dans l’ouest de la France, ses biens, pour aller vivre en ermite à Porcatol, un petit bourg du Sud. Il n’a gardé que ses livres, et vit de peu dans une vieille bicoque sans eau ni électricité. Finie l’hyperconsommation et les faux-semblants du monde, il est libre, et s’approvisionne du peu qu’il lui faut à l’épicerie et vit en « homme des bois » (toute à l’allusion à Henry-David Thoreau est bienvenue). C’est dans ces circonstances qu’il fait la connaissance de Colas, un môme de 7 ans perché en haut d’un arbre, qui l’interpelle sans gêne. Ainsi il apprend que la peste birmane a gagné du terrain, les écoles ont fermé, les gens n’ont plus le droit de circuler librement, la milice est partout. Trop éloigné de la vie fourmillante, Léopold n’avait pas mesuré la rapidité et l’importance des événements. Colas, devenu orphelin, est à l’abri de l’épidémie qui progresse trop vite à la ville, retiré ici à la campagne chez sa tante. Mais il ne l’aime pas beaucoup cette tante, et c’est réciproque…

Dans une ambiance de fin du monde encore plus assombrie par l’occupation militaire, Colas et Léopold vont s’attacher l’un à l’autre, et surmonter ensemble bien des difficultés. Rite sacrificiel, meurtre, fuite, camps d’enfermement (pour mise en quarantaine sanitaire) qui de par l’horreur et l’absurdité ne sont pas sans rappeler une autre période de l’Histoire, on chemine avec les personnages dans leur lutte pour la survie et la liberté. Le rapprochement avec La route de McCarthy est évident, cet extérieur hostile, la relation qui se tisse entre Colas et Léopold même s’ils n’ont pas de lien du sang, l’horreur traversée, la lutte pour avancer, rester libre et triompher de la bêtise des hommes…Néanmoins, n’y voyez pas une pâle copie de la route, si l’on ne peut s’empêcher d’y penser (et le livre est d’ailleurs cité dans le récit), celui-ci est différent, et ne manque pas de notes positives, des dénouements parfois un peu trop faciles dans leur réalisation mais qui viennent compenser agréablement des scènes précédentes à peine soutenables. Et puis il y a l’écriture de Stéphane Beau, simple, limpide, mais efficace. Pas de chichis, beaucoup de justesse.

J’ai aimé les idées véhiculées par ce roman, les personnages attachants, les doutes et les peurs (un personnage féminin rejoint l’histoire, peut-on encore aimer quand on a choisi la solitude depuis plus de douze ans ?), je pardonne les passages que j’ai trouvés un peu « faciles » car ils contrebalancent bien la rude noirceur qui précède ; bref, c’est une très belle découverte que ce roman publié par un petit éditeur d’Anjou, et j’avoue que j’ai très envie de continuer à découvrir les romans de l’auteur, notamment l’un de ses précédents , le coffret, qui évoque l’interdiction de la lecture et l’abolition absolue des livres. Il faut dire qu’avec de tels sujets, c’est déjà presque gagné, son talent fait le reste !

(Et venant de moi qui ne suis pas du genre « à me faire l’intégrale d’un auteur » parce que j’ai aimé un livre, c’est que j’y vraiment trouvé quelque chose d’intéressant, que je ne parviens pas forcément à bien retranscrire)

 

p. 14 : « L’homme n’a jamais eu d’enfants. Il ne s’est jamais véritablement senti à l’aise en leur présence. Il y a une telle force en eux, une telle puissance, une telle spontanéité, tellement d’énergie brute difficile à canaliser… Et puis, ils sont trop bavards, trop curieux. »

 

Stéphane Beau est très impliqué en littérature :

- Blog de la revue Le Grognard 

- Chroniques sur K-Libre

 

Editions du Petit Pavé, novembre 2011, 185 pages, prix : 18

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Crédit photo couverture : éd. du Petit Pavé.

 

 

 

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