Les jardins d'Hélène

Quel beau métier vous faites ! - William Réjault

28 Décembre 2008, 06:49am

Publié par Laure

J’avais beaucoup aimé le premier livre de Ron l’infirmier, La chambre d’Albert Camus et autres nouvelles, et j’avais bien sûr très envie de lire son nouveau, quel beau métier vous faites !, publié cette fois sous son vrai nom.

Même principe : un recueil de nouvelles (diverses et variées) sur son métier,  sans trop de continuité car cette fois il parle surtout de très courtes missions d’intérim, dans des endroits aussi variés que des maisons de retraite, un grand magasin parisien, la médecine du travail d’une grande entreprise, un établissement scolaire, etc.

L’empathie et l’humanité du premier recueil ont laissé place ici à l’amertume, l’aigreur, l’usure et le règlement de comptes. Tous les malades sont chiants, sales et puants, les morts sont (presque) profanés, les médecins sont tous des cons, les collègues des fainéants, … je schématise un peu, mais c’est ce que j’ai ressenti à la lecture : un homme qui en a marre de son métier, qui n’en peut plus, et qui balance sa réalité. Et qui ramène tout bien sûr à sa propre personne, la seule à peu près intelligente dans le lot, vous l’aurez compris. Certes on connaît les difficultés des métiers de santé en sous effectifs, les infirmiers sous payés et non reconnus sur leur nombre d’années d’études, etc. mais là, on en a un tableau acide, parfois limite vulgaire, et c’est un peu facile de mettre toute l’incompétence ou la bêtise sur les autres.

Et puis… et puis… il y a la dernière nouvelle,  la trente cinquième : De l’autre côté du miroir. Très bien écrite, autobiographique, thérapeutique, celle qui explique tous les soucis personnels de l’auteur et les souffrances personnelles endurées. La nouvelle qui vous impose un mot : respect. Ce respect dont l’auteur semble avoir manqué dans les presque 34 textes précédents. Situation personnelle qui explique l’usure et la fatigue, la lassitude et le fait que l’homme soit à bout, et qui vous fait reconsidérer ce qui précède en pensant : oui d’accord, maintenant ça s’explique, ça n’allait pas bien dans sa vie, mais maintenant ça va aller mieux, il va aimer à nouveau son métier, espérons-le, etc.

Cette situation me fait penser au livre de Jean-Louis Fournier, où on va papa ? , qui m’avait laissée mitigée, car après de tels récits qui forcent le respect, toute critique est impossible. Que voulez-vous dire qui ne soit pas immédiatement interprété comme scandaleux , là où le politiquement correct impose la compassion et l’admiration, ou au moins le silence timide de celui qui n’a pas de malheur dans sa vie ?

 

Pour conclure, ce nouvel opus a quand même quelques bons passages, se lit d’une traite (je l’ai lu en une longue soirée), mais si vous n’avez jamais lu William Réjault, préférez de loin la Chambre d’Albert Camus qui vient de sortir en poche chez J’ai Lu.

 

Ed. Privé, novembre 2008, 285 pages, prix : 15 €

Ma note :



Crédit photo couverture : © Pierre Gay et éd. Privé.

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L
Eh bien voilà qu'après avoir lu ton billet et les commentaires, je suis vraiment, mais vraiment très curieuse de lire ce livre ! J'ai beaucoup aimé La chambre d'Albert Camus, lu il n'y a pas longtemps, et j'ai hâte de voir si je vais ressentir la même chose que toi...
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L
<br /> et je suis très curieuse de voir comment tu vas apprécier ce second ! mais j'avais lu le premier à sa sortie, peut-être l'ai-je idéalisé depuis ? J'en garde un<br /> excellent souvenir... plus mitigé pour le second...<br /> <br /> <br />
W
D'abord, merci de l'avoir lu ! Si je peux me permettre, cependant, et cela prouve toute la subjectivité d'une lecture, toutes ces nouvelles ont été écrites en même temps que le premier ou dans l'année qui a suivi, la sélection se faisant naturellement : les plus vieilles dans le premier, les plus récentes (de quelques mois) dans le second...Donc je ne me reconnais absolument pas dans cette image d'amertume, d'aigreur et de règlement de compte, n'ayant pas changé de point de vue en six mois.Enfin, si tous les gens qui avaient souffert étaient intouchables, ce serait insupportable. Je ne suis ni d'accord avec votre affirmation "il a souffert donc on peut rien dire" ni avec "AH C ETAIT DONC POUR CA"...qui sont, toutes deux, vos conclusions et vos conclusion seules. Néanmoins, merci de votre temps et d'avoir pris aussi la peine de le dire.Je prefere aussi, et de loin, mon premier. Mais on ne choisit pas toujours ce qu'on publie...
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L
<br /> Tout d'abord, merci d'avoir compris que cet avis n'était que le mien, et que j'espère qu'il y en aura d'autres, différents. Merci ensuite de ne pas m'avoir insultée en<br /> flèche comme le font souvent les auteurs quand on ose dire sur un blog que oui mais bon, c'est pas le chef d'oeuvre inoubliable du siècle. Merci aussi sur les précisions sur les temps d'écriture,<br /> c'est intéressant de savoir que malgré les 2 ans d'écart de publication, l'écriture en est très proche ! pourtant je trouve quand même le ton différent, moins humain, moins empathique.<br /> Quand au "ah c'était donc pour ça", c'est simplement que le dernier texte est très différent et semble davantage autobiographique, (part de fiction / réel ?) et que placé en fin de recueil... il<br /> fait revoir le reste autrement... Mais comme vous l'avez dit, c'est mon avis très personnel...<br /> <br /> Bonne continuation à vous, dans l'écriture, votre métier et votre vie tout court :-))<br /> <br /> <br />
L
As-tu lu le -très beau- roman de M WINCKLER Les 3 médecins ? Sur la médecine c'est vraiment intéressant riche et profondememnt humain. Je n'ai pas lu celui-ci mais je comprends très bien ce que tu dis, et cela me fait penser à ce que j'ai ressenti en voyant Entre les murs. Quand on a la chance de faire un si beau métier comment peut-on en arriver à de telles extrémités? Je serais curieuse de lire ce dernier texte qui t'a permis de comprendre...
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L
<br /> Je n'ai pas lu les 3 médecins, mais j'avais beaucoup aimé la vacation et la maladie de Sachs de M. Winckler !<br /> <br /> <br />
C
35 nouvelles ! Tu es tenace !
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L
Je connais virtuellement cet auteur, et j'aurais bien du mal à lire un de ses livres de façon objective. Je passe donc mon tour. C'est bête d'avoir autant d'a priori. Peut-être est-il doué pour l'écriture ...
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