Les jardins d'Hélène

Juste après dresseuse d'ours - Jaddo

3 Décembre 2011, 11:06am

Publié par Laure

(Les histoires brutes et non romancées d’une jeune généraliste)

 

jaddo.jpgEn guise de préambule, le pourquoi du comment j’ai acheté ce livre. Lorsque ma fille était en 3ème, l’an dernier donc, il fallait absolument qu’elle mette un métier sur ses fiches d’orientation. Sauf qu’à 14 ans, elle ne savait fichtrement pas ce qu’elle voulait faire plus tard, et bonne élève, toutes les portes lui étaient encore ouvertes. Comme de toute évidence elle a un goût plutôt prononcé pour les sciences, on a bien essayé de gruger, en mettant bac s, tu parles, c’est un métier qu’ils veulent dans leurs petites cases et cervelles bornées, pas un vague « études supérieures mais on sait pas encore lesquelles ». Alors on a fait les tests sur le site internet du collège (je dis « on » parce qu’on a tellement éclaté de rire à la lecture de ses résultats que j’ai fait le test aussi, et que j’ai obtenu sensiblement les mêmes réponses – alors que moi je ne suis pas matheuse pour deux sous, loin s’en faut.) : les résultats furent édifiants, les métiers qui correspondaient à son profil étaient dans l’ordre (alphabétique visiblement) : bûcheron, cavalier de la garde républicaine, coiffeur, infirmière, maçon, médecine (notez qu’il n’est pas écrit « médecin ») et je ne sais plus quoi de  tout aussi varié et farfelu. Alors pour avoir la paix, on a mis « médecine » sur la fiche de 3ème, tout en commençant à réfléchir à cette éventualité. On vit dans un désert médical rural, on a une super généraliste mais qu’on a dû suivre à 30 km, autant dire qu’on ne va pas consulter pour une grippe ou une gastro vu qu’on n’est pas trop en état de conduire, et que tous les rares autres dans le coin, tu sais ce qu’il y a sur l’ordonnance avant même d’y aller, consultation en 7 minutes chrono le temps de remplir le chèque compris, et de toute façon ils ne t’écoutent pas. Bref. Je lui ai offert ce livre. Elle l’a lu dans la journée, me l’a redonné pour que je le lise, en me disant : « au moins maintenant je suis sûre d’une chose, je ne ferai jamais médecine »

Pourquoi donc ? Parce que médecin, c’est soigner les gens, ce n’est pas se battre avec 36000 absurdités économico-politiques et j’en passe. Je lui ai passé tout Winckler derrière, ce qui n’a fait que la conforter dans son verdict : elle ne fera pas médecine. Ce qu’elle veut maintenant, tenez-vous bien, c’est être technicienne dans la police scientifique (vous savez, les experts, pour quelqu’un qui ne regarde pas ou peu la télé, au secours), pour savoir si le poil trouvé sur la scène de crime, c’est un poil humain, un poil d’ours, ou un poil de pull angora teint en rose. Tu vois, Jaddo, si t’avais pas voulu dresser les ours on n’en serait pas là. Des poils d’ours… argh.

 

Fin du préambule. Venons-en au livre.

 

Jaddo, c’est d’abord l’auteur d’un blog, qui chronique son quotidien de jeune médecin généraliste remplaçante, mais qui revient aussi sur ses études, son externat, son internat, les grands chefs, et les malades, tout le monde en prend pour son grade, et c’est justifié. De ce blog un éditeur a fait un livre, préfacé par Martin Winckler, car bien sûr on ne peut s’empêcher de penser à la maladie de Sachs, aux trois médecins, etc. Ce qui ressort de ce livre, outre l’humour et la sensibilité de la perception des situations, c’est l’absurdité, l’agacement, la colère, la bêtise. On pense médecine humaniste et égale pour tous, on gère des trucs invraisemblables. Le livre de Jaddo remet un peu d’humanité et de bon sens là où il n’y en a plus guère, et c’est salutaire. On devrait offrir ce livre à tous les patients (pardon, clients consommateurs qui y ont droit parce qu’ils cotisent) et à tous les décideurs.

Un bon moment « tranches de vie », agréable à lire et qui vous ouvre les yeux.

 

Moi je crois que c’est pour lutter contre tout cela justement que ma fille devrait faire médecine, parce que je suis pas sûre qu’il y ait de l’avenir dans les poils d’ours (à moins qu’on les clone), mais bon, à 15 ans et en classe de 2nde, je dis surtout qu’elle a toute la vie devant elle et encore au moins 2 ans avant de faire un premier choix. (Parce que pour avoir un fils en terminale, je vous confirme que le choix se fait au plus tard en janvier février, c’est-à-dire bien avant le bac). Et que même si elle fait coiffeuse de poney avec les bûcherons, c’est bien aussi.

 

Fleuve noir docs, octobre 2011, 292 pages, prix : 14,90 €

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Crédit photo couverture : © Boulet et éd. Fleuve noir.

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L
<br /> je viens de terminer ce livre que j'ai adoré. J'aime ce que tu en dis, ton billet est excellent !!<br />
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L
<br /> <br /> Merci Lucie !<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> "Coiffeuse de poney avec les bûcherons", c'est pas mal comme métier ! Et en plus elle n'aurait pas trop de concurrence dans ce domaine...;)<br />
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L
<br /> <br /> ah va savoir, par ici les poneys ça cartonne ! ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> J'adore ton billet ! J'ai bien ri ! C'est vrai que c'est nul de demander une orientation si tôt... Moi j'ai su ce que je voulais faire à 26 ans, j'avais déjà un DESS en poche.... ahem, qui a dit<br /> que j'étais lente et indécise ???!<br />
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L
<br /> <br /> sans compter qu'on se réoriente de plus en plus en cours de vie aussi...!<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />