Les jardins d'Hélène

Le goût de la nectarine - Lee Lai

4 Novembre 2023, 14:46pm

Publié par Laure

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Géraldine Chognard

Max(ine) vit en couple avec une femme trans, Bron(wick). Cette relation les a coupées chacune de leurs parents. Max a une sœur, qui lui confie sa fille Nessie en garde deux jours par semaine pendant qu’elle travaille, depuis sa rupture avec le père de la petite. Max voit bien que sa sœur n’apprécie pas trop sa compagne. 

Bron est mal dans sa peau, n’arrivant pas à faire la paix en elle, embrouillée dans ses relations complexes avec les siens, elle n’a pas revu sa sœur et ses parents depuis des années.

La seule pour qui tout va bien, c’est Nessie ! La fillette ne se pose pas de questions et vit avec bonheur ces moments ludiques avec Bron et sa tante Max, au cours de leurs sorties en forêt notamment où elles laissent libre court à leur imagination dans leurs jeux.

Les aspects relationnels tant familiaux qu’amoureux montrent combien le sujet reste encore difficile pour tous et douloureux à vivre. La fraîcheur de l’enfance qui n'est pas encore conditionnée par les carcans des adultes fait un bien fou, et c’est par son biais que tous les protagonistes vont renouer un peu avec leurs proches et réussir à se parler.

J’ai eu beaucoup de mal avec le dessin, surtout dans ses pages “sauvages” où les personnages dans la course folle du jeu sont déformés et prennent une apparence presque animale, mais j’ai aimé l’aspect monochrome de l’album, dans des tonalités gris bleutées et noires. 

L’anecdote de la nectarine qui donne son titre à l’histoire est une belle image de la vie.  

L’amour, la tristesse, la famille, l’enfance, la joie sont des sujets universels qu’importe l’orientation sexuelle ou de genre, mais cette BD montre combien le poids des traditions et d’une pseudo norme est lourd à porter et à vivre.

 

 

Sarbacane, février 2021, 236 pages, prix : 25 €, ISBN : 978-2-37731-559-8

 

 

crédit photo couverture : © Lee Lai et éd. Sarbacane

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En salle - Claire Baglin

3 Novembre 2023, 11:19am

Publié par Laure

Claire (son prénom n’apparaitra que tardivement, c’est aussi celui de l’autrice) raconte en parallèle son embauche et son parcours dans une chaîne de fast-food à vingt ans, et des scènes familiales, du temps où âgée d’une dizaine d’années elle fréquentait ces restaurants avec ses parents, jusqu’à sa vie de jeune adulte vivant chez eux, observant la vie d’ouvrier en usine de son père.

Ce qui caractérise sans doute ce roman, c’est sa sécheresse. Une aridité dans le verbe et  l’émotion, le récit est assez factuel, linéaire sur une session de travail.  

L’essentiel est dans ce que ce roman ne dit pas et qui se lit entre les lignes : la soumission, l’obéissance d’une classe sociale modeste. Une lutte quotidienne pour paraître plus fort et ne pas se laisser écraser par de petits chefs. Mais subir le système qui  consiste à produire toujours plus et plus vite pour un salaire de misère pour que d’autres plus riches consomment, et vous traitent avec mépris parfois. Craindre le regard de l’autre sur son intérieur, ne pas inviter en l’absence des parents et sans prévenir, ce sont ces scènes-là que j’ai trouvées les plus touchantes.

Lapidaire dans son style, le rythme colle au sujet qu’il dénonce et en fait la réussite de ce court premier roman, un style à double tranchant que vous aimerez, ou pas. Clivant, mais intéressant.

 

 

Ed. de Minuit, septembre 2022, 158 pages, prix : 16 €, ISBN : 978-2-7073-4798-5

 

 

crédit photo couverture : © Les éditions de Minuit

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Octobre 2023 en couvertures...

31 Octobre 2023, 18:17pm

Publié par Laure

En octobre j'ai lu :

les romans du prix Landerneau pour lequel j'étais jurée :

 

 

 

 

 

Un choix vraiment difficile tant ces romans sont bons avec chacun des plus et des moins.

Mon vote est finalement allé à Humus de Gaspard Koenig, après avoir longtemps hésité avec Le grand secours, de Thomas B. Reverdy, qui a été proclamé lauréat de ce prix Landerneau le 25 octobre 2023.

Mes autres lectures, toujours non chroniquées (toujours

trop prise par le travail) :

 

En octobre, j'ai vu :

 

En octobre j'ai écouté :

 

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Septembre 2023 en couvertures...

30 Septembre 2023, 22:30pm

Publié par Laure

En septembre j'ai lu :

 

 

 

 

 

 

En septembre j'ai vu :

 

Le navet de la décennie

 

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L’archiviste - Alexandra Koszelyk

19 Septembre 2023, 16:42pm

Publié par Laure

Lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, K., archiviste, veille la nuit sur les œuvres culturelles et patrimoniales du pays, mises à l’abri au sous-sol d’une bibliothèque, et le jour, veille sur sa mère malade. 

Jusqu’au jour où elle reçoit la visite d’un “Homme au chapeau”, qui la sommera de modifier certaines œuvres pour les tourner à l’avantage de l’envahisseur ; en échange de quoi il lui laissera la vie sauve ainsi qu’à sa sœur qu’il dit détenir captive. Tandis qu’elle s’y astreint le cœur lourd, K. revoit la création de ces œuvres. Moment surnaturel mais qui passe sans gêner le lecteur, au contraire le côté informatif est intéressant. C’est ainsi qu’elle falsifie l’hymne national, les âmes mortes de Gogol, et quelques autres trésors de l’art ukrainien.

Si j’avais beaucoup aimé le premier roman d’Alexandra Koszelyk, A crier dans les ruines, je suis restée plus à l’écart de celui-ci, où je me suis un peu ennuyée. Le mécanisme compris, il sert davantage à défendre la culture (et l’utiliser comme une arme ?), à rendre hommage à un pays, qu’à emmener le lecteur dans une intrigue, que j’ai trouvée un peu faible, même si la fin lui redonne un peu d’envergure. 

Ce roman pourrait être un premier pas facile d’entrée dans l’histoire de l’Ukraine par le biais de la fiction pour qui souhaiterait poursuivre la route.

 

Extrait p. 17 : “K s’attardait rarement dans les rues, où elle peinait à retrouver les échos de l’ancien temps. Il n’y avait plus que les livres pour rejoindre le chemin de ce qu’elle connaissait. Au cœur de tous ces ouvrages, l'oralité du monde s’était effacée au profit de la page et de l’encre. L’écrit est ce chant silencieux qui conserve les productions de l’esprit au long des siècles : qu’est-ce qu’une langue, si ce n’est une musique au secours d’une idée, une harmonie et un rythme portés par les trouvailles de l’imaginaire ?”

 

Aux forges du Vulcain, octobre 2022, 267 pages, prix : 18 €, ISBN : 978-2373-05655-6

 

 

Crédit photo couverture : © Elena Vieillard et éd. du Tripode. 

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Les silences des pères - Rachid Benzine

18 Septembre 2023, 15:44pm

Publié par Laure

Un fils devenu pianiste concertiste de renommée internationale revient à Trappes au domicile de son père décédé. Un père avec qui il avait coupé les ponts vingt-deux ans auparavant, un père qu’il n’a jamais vraiment connu.

p. 14 (numérique) : “Il est encore à l’appartement, dans sa chambre. Si tu veux le voir. » Elles me remercient d’être présent. « C’est important, ça lui aurait fait plaisir. » Je n’ose pas leur dire que ce sont des paroles convenues. Que leur deuil n’est pas le mien. Que pour pleurer quelqu’un, il faut l’avoir aimé. Que pour regretter un mort, on doit éprouver plus que des regrets. Que la mort n’annule pas tout.”

p. 17 : C’est à la fois mon père et un étranger qui est mort

p. 20 : Il me demande ensuite de caresser l’épaule de mon père. Je m’exécute sans éprouver aucun sentiment. Il me pousse à faire le même geste, encore et encore. Je finis par ressentir une forme de tendresse, beaucoup de tendresse. Instinctivement, ma main se pose sur sa joue.

Je me tourne vers l’imam en train d’essorer le gant de toilette : “Il n’est pas fait mention de l’étape où l’on caresse l’épaule”. Il me répond calmement que ça ne fait pas partie du rituel. “Mais ça vous aura probablement fait beaucoup de bien, à ton père comme à toi.”

Passé le rituel de la toilette mortuaire, le fils va ranger un peu l’appartement et trouver une série de cassettes que son père avait enregistrées pour son propre père. C’est alors tout un pan de son histoire familiale qu’il découvre, le sort réservé aux immigrés arrivés en France dans les années 1960. Remontant le temps et la vie de son père, dans les mines de charbon dans le nord de la France, puis en usine à Aubervilliers et chez Lip à Besançon, c’est aussi un pan de l’histoire sociale et politique de la France qui est narré. En cherchant à rencontrer les témoins ayant connu son père et en écoutant ces cassettes, il découvre aussi sa vie amoureuse, ses peines et ses douleurs, et combien ce dernier l’a aimé, quand bien même il lui avait tourné le dos.

Un très bel hommage, tout en pudeur et retenue, qui émeut sincèrement.

Je n’avais jamais lu Rachid Benzine, mais je suis ravie de l’avoir découvert et ne manquerai sans doute pas de lire ses autres titres.

 

Seuil, août 2023, 176 pages, prix : 17,50 €, ISBN : 978-2-02-147776-4

Crédit photo couverture : éd. du Seuil

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Algues vertes, l'histoire interdite - Inès Léraud, ill. Pierre Van Hove

13 Septembre 2023, 08:37am

Publié par Laure

Algues vertes, l'histoire interdite, BD documentaire publiée en 2019, a été rééditée récemment pour accompagner la sortie du film éponyme.

La journaliste Inès Léraud et l’illustrateur Pierre Van Hove relatent l’affaire de cette pollution capable de tuer hommes et animaux en quelques minutes, et expliquent l’histoire politique et économique de l’élevage intensif en Bretagne, qui a conduit à ce drame écologique et humain.

La loi du silence quand on touche à l’industrie agroalimentaire est sidérante.

Fouillée, documentée (avec de nombreux documents reproduits en annexe), cette enquête est un bel exemple du travail de journaliste ; alliée au dessin qui la rend peut-être plus accessible ou lui ouvre un autre public. Instructif et salutaire !

La BD est un art qui sert aussi à informer et éveiller les consciences !

 

 

La revue dessinée / Delcourt, juin 2019, 159 pages, prix : 21,90 €, ISBN : 978-2-413-01036-4

 

 

Crédit photo couverture : Pierre Van Hove et éd. La revue dessinée / éd. Delcourt

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Résidence autonomie - Eric Salch

3 Septembre 2023, 14:18pm

Publié par Laure

Marc H. est envoyé par Pôle Emploi dans une résidence autonomie en tant qu’agent social, pour deux nuits par semaine. Formé sur le tas par un collègue, il entre immédiatement dans le vif du sujet, et non, il ne sera pas vraiment payé à dormir.

La résidence autonomie, c’est l’étape avant l’EHPAD. Censé aider les résidents à de petites tâches telles qu’ouvrir le courrier, régler la télé, assurer une surveillance la nuit, il fait en réalité le job d’un aide-soignant, voire d’un infirmier. Avec humour (souvent noir, l’humour !), l’auteur dépeint des situations très réalistes, avec des personnes très âgées n’ayant plus beaucoup d’autonomie. Leurs activités et leur prise en charge rappellent le premier âge de la vie : on retombe dans les couches et le coloriage.

Pas spécialement fan du dessin (mais on s’y fait vite), c’est le scénario qui m’intéressait, et de ce point de vue je ne suis pas déçue. Difficile de ne pas s’attacher à ces p’tits vieux, aussi capricieux et exigeants soient-ils, tant pour le travailleur social qui doit se protéger pour ne pas ramener le poids du travail chez lui, que pour le lecteur qui est ou sera confronté un jour ou l’autre à de telles situations pour ses proches ou lui-même. 

 

Un vrai sujet de société qui rappelle le scandale Orpea pas si lointain, mais avec une fin touchante. Respect au personnel de ces établissements !




 

Dargaud, mai 2023, 174 pages, prix : 24,50 €, ISBN : 978-2-5051-1845-9

 

 

Crédit photo couverture : © Eric Salch et éd. Dargaud

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Août 2023 en couvertures...

31 Août 2023, 14:12pm

Publié par Laure

En août, j'ai lu :

 

 

 

 

 

 

 

 

En août, j'ai vu :

 

 

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Ressentiments distingués - Christophe Carlier

27 Août 2023, 11:35am

Publié par Laure

 

Sur une île où dominent pluie et brouillard, le facteur perclus d’arthrose se met à distribuer des courriers anonymes. Un corbeau sévit, de courtes phrases à chaque fois, pas de revendications, mais le trouble envahit le bistrot “La Marine” et chacun soupçonne l’autre. 

La réussite ? c’est le texte délicieusement malicieux de Christophe Carlier.

Une deuxième partie plus surprenante donne la parole au corbeau lui-même, j’avoue avoir été déçue, j’attendais une résolution policière avec le gendarme Gwenagan. Mais la troisième et dernière partie offre un twist dans la lignée espiègle du roman.

Sympathique et bien écrit, une lecture plaisante, comme une petite gourmandise. 

 


Extrait p. 76 : “Qui donc sur l’île a l'œil fuyant, la voix fausse et le geste rare ? Gwenagan ne met guère de temps à percevoir que son portrait-robot est une somme de clichés. [...] Une autre manière de réfléchir est de se demander si, chez tel ou tel, la part d’ombre que tous possèdent, intrusive et malfaisante, peut prendre la forme épistolaire, si mesurée, si différée, qui relève d’une cruauté sophistiquée. A ce jeu-là, les violents, les sanguins, les impulsifs ou les indélicats sont rapidement innocentés.”

 

Du même auteur :

- L'assassin à la pomme verte

- L'eau de rose

 

Phébus, janvier 2017, 173 pages, prix : 16 €, ISBN : 978-2-7529-1083-7

 

 

Crédit photo couverture : © Héloïse Jouanard, Libella / Phébus.

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