L'assassin à la pomme verte - Christophe Carlier
Un huis clos au sein d’un palace parisien, le Paradise, où trois personnages (pour l’essentiel) prennent la parole à tour de rôle. Il y a le réceptionniste, Sébastien, qui observe et imagine des vies à ceux qui passent devant lui tout au long de la nuit ; il y a Craig, le professeur qui vient des États-Unis pour quelques interventions universitaires, et Elena, la quadra italienne qui travaille dans la mode et qui est là pour une semaine également. Il y a ce gros bonhomme vantard qui importune Elena au bar en lui racontant ses trois épouses et ses enfants, et il y a Amélie, la femme de chambre qui le trouve mort dans sa chambre peu après, étendu dans une mare de sang.
Se déploie alors une ambiance à la Agatha Christie, où chacun continue son récit. On sait assez vite qui est le coupable, là n’est pas tant la question que la raison pour laquelle il a tué.
Et Sébastien de penser, p. 75/76 : « C’est un criminel au cœur léger qui a dû quitter la suite 205. Aurait-il croisé quelqu’un dans l’ascenseur que son front lisse et sa mise impeccable n’éveillaient aucun soupçon. Il devait être aussi anonyme que l’homme à chapeau melon dont Magritte dissimule le visage derrière une pomme verte. Je l’imaginais, méticuleux, irréprochable, les traits absolument masqués par la rondeur et la couleur du fruit.
Seule certitude : l’assassin à la pomme verte n’a pu quitter l’hôtel, lundi soir, qu’en passant devant la réception. J’ai donc nécessairement vu glisser sa silhouette devant le comptoir où je suis assigné à résidence. »
Continue ensuite un jeu de l’amour et du hasard entre Craig et Elena, ces deux-là iraient bien plus loin dans leur rapprochement. Un roman qui séduit par sa construction (l’alternance des voix, les jours de la semaine qui s’écoulent, son suspense léger – le meurtrier sera-t-il arrêté ?), par son style, élégant, ciselé, réjouissant, par ses personnages qui intriguent, et par sa fin, en forme d’épilogue six mois plus tard qui offre une nouvelle voix, dans un dénouement inattendu et audacieux.
Un premier roman d’une qualité devenue rare, qui fait de Christophe Carlier un auteur à suivre.
Serge Safran éd., août 2012, 178 pages, prix : 15 €
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Crédit photo couverture : © éd. Serge Safran