Les jardins d'Hélène

L'inconscience - Thierry Hesse

27 Août 2012, 06:36am

Publié par Laure

inconscience_hesse.jpgIssus d’une famille catholique traditionnaliste (dont l’auteur nous fait une succulente présentation dans le premier chapitre), Marcus et Carl sont deux frères devenus adultes (quinquagénaires même !) que bien des choses séparent. Marcus, l’aîné, a quitté Metz pour s’installer à Roubaix, où il enseigne l’ethnologie et préfère papillonner avec ses étudiantes que fonder un foyer. Carl, son cadet de deux ans, s’est au contraire marié et a eu des enfants, et a travaillé des années dans une société d’assurances mutualistes. Un grand bouleversement intervient dans vie avec l’arrivée d’un nouveau collaborateur, Jean-Jacques Stern, qui le dévoie pour monter sa société, et plus avec affinités. Dès le deuxième chapitre du roman, on apprend que Carl est dans le coma suite à une chute de la fenêtre d’un immeuble, sans davantage d’explications…

 

Si j’ai beaucoup aimé le début du roman, intriguant et qui capte d’emblée le lecteur, je suis au final bien plus partagée. Le roman consiste en un long retour en arrière sur la vie des deux frères, leur personnalité, leur environnement professionnel et sociétal, et cet emboitement dans la construction, au moyen de digressions que j’ai trouvées souvent beaucoup trop longues, finit par égarer un peu. Je suis déçue par la fin également, surprenante pirouette, mais qui me laisse un goût amer de « tout cela pour ça ». Ce n’est donc pas le coup de cœur espéré, alors que le début présageait pour moi du meilleur. Dommage.

 

logo on vous lit toutLu en juin 2012 dans le cadre de l’opération On vous lit tout !, organisée par Libfly et le Furet du Nord

  

 

Ed. de l’Olivier, août 2012, 324 pages, prix : 19,50 €

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Crédit photo couverture : © éd. de l’Olivier

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L’embellie – Audur Ava Olafsdottir

25 Août 2012, 06:32am

Publié par Laure

Traduit de l’islandais par Catherine Eyjolfsson

 

l-embellie.jpgElle a trente trois ans lorsque son mari la quitte, et elle a presque l’air de trouver cela normal. Elle prend avec philosophie tout ce qui lui arrive dans la vie, avec une légèreté et un humour surprenant. C’est ce que j’ai aimé d’emblée, dans ce nouveau roman de l’auteur de Rosa Candida, cet humour distant, cette façon presque anecdotique et détachée de vivre des événements graves et intimes. Parce que son métier indépendant le lui permet, elle prend la route circulaire qui fait le tour de l’île, pour faire le vide, rejoindre une ancienne maison familiale abandonnée, mais elle ne part pas seule, elle fait le chemin avec un petit garçon de quatre ans, quasi sourd et malvoyant, que son amie Audur, enceinte de jumelles et hospitalisée, lui a confié. Ce duo détonant va faire quelques curieuses rencontres ! Et le récit qui s’entremêle en italique, narrant une douleur plus ancienne, apporte une saveur encore plus intense à l’ensemble. Un road trip tout en surprise et délicatesse, qui est pour moi une première découverte de son auteur, et un vrai coup de cœur !

 

logo on vous lit toutLu fin juin/début juillet 2012 dans le cadre de l’opération On vous lit tout !, organisée par Libfly et le Furet du Nord

  

Ed. Zulma, août 2012, 356 pages, prix : 22 €

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Crédit photo couverture : © éd. Zulma

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Avant la chute - Fabrice Humbert

24 Août 2012, 09:55am

Publié par Laure

 

 

avant la chuteLe nouveau roman de Fabrice Humbert dit, au moyen d'une narration chorale dans laquelle trois histoires se rejoignent, toute la violence du monde et la suprématie de l'argent, avec ses dérives, et le fil rouge ici de la drogue et de ses organisations qui prennent le pouvoir, en Colombie, au Mexique, aux États-Unis, ou plus près de nous, en banlieue parisienne.

 

Dans un petit village de Colombie, Emanuel et Yohanna Mastillo sont de modestes paysans qui vendent leur production de bananes et de maïs pour vivre et élever leurs deux filles Sonia et Norma. Mais mondialisation oblige, les prix ne cessent de chuter. Un homme leur conseille alors de transformer leurs cultures en plantation de coca, marché bien plus rentable et qui sert les révolutionnaires. Jusqu'au jour où un paramilitaire surgit et détruit tout, fusillant froidement Emanuel, le père de famille. Ainsi est posé le premier chapitre du roman. C'est le début de l'exil pour sa femme et ses filles, les deux jeunes femmes deviendront des migrantes en proie au danger permanent en tentant de rejoindre les Etats-Unis.

Pendant ce temps-là au Mexique, le sénateur Fernando Urribal gère d'une autorité ferme son grand domaine. L'auteur s'attachera à nous décrire ses versants sombres et le fonctionnement des cartels avec les autorités politiques.

En région parisienne, Naadir et son frère Mounir assistent à l'enterrement d'un jeune de la cité. Violences urbaines, guerre des bandes rivales, enjeux de la drogue et haine de la police. Un peu plus à l'écart, sinon qu'elle est reliée au reste par le fil conducteur de la drogue, du pouvoir et de la violence, cette histoire est touchante par le réalisme décrit et le personnage de Naadir, qui porte en lui l'espoir d'une rédemption, élève à contre-courant d'une école désespérée et condamnée.

 

Si la construction choisie (alternance des chapitres reprenant chacune des trois histoires) peut sembler artificielle, elle fonctionne, tant le désir de retrouver et suivre les personnages est forte auprès du lecteur. De même si l'on aurait pu craindre des situations trop « clichés », l'ensemble captive sans ennuyer, avec une ouverture et une fin d'une grande force, ne laissant toutefois guère de lueur d'espoir au lecteur quant à la noirceur du monde.

Avant la chute dit le titre, mais la chute n'a-t-elle pas déjà eu lieu depuis longtemps, quand on lit ce roman de Fabrice Humbert ? Il reste toujours une petite étincelle, celle de la vie qui lutte, qui espère et qui veut y croire, à travers les personnages de Norma et Naadir, mais pour combien de temps encore ?

Avant la chute est un grand roman qui parle de la violence de notre monde, de sa pourriture fétide et de son autodestruction insouciante devant les hommes, dans un écho hélas bien réaliste.

 

logo-on-vous-lit-tout.jpegMerci à Mimipinson qui en a fait un livre voyageur, après l'avoir reçu dans le cadre de l'opération On vous lit tout ! du site Libfly et du Furet du Nord.

 

Le Passage éditions, août 2012, 276 pages, prix : 19 €

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Crédit photo couverture : ©Le Passage éd.

 


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Moi, je la trouve belle - Carina Rozenfeld

23 Août 2012, 06:15am

Publié par Laure

moi-je-la-trouve-belle.jpgAlex est collégien dans un établissement expérimental avec une section « échanges culturels interplanétaires » et il est secrètement amoureux de la correspondante qu’il reçoit actuellement chez lui, une jeune Slibuth de 12 ans, Myrlwen, qui va l’accompagner dans sa classe pour la première fois. Mais les Terriens ont la fâcheuse habitude de se moquer des habitants de la planète Slybuthia, qu’ils trouvent laids. Difficile pour Alex de laisser parler ses sentiments face au groupe….

 

Si vous êtes habitués des échanges linguistiques qui ont lieu au collège (en tant qu’élève ou parents d’élève !), vous trouverez dans ce petit roman toutes les angoisses habituelles de la première rencontre avec l’autre et l’observation intriguée de son mode de vie méconnu. Vous y ajouterez ici une touche de science-fiction qui séduira le jeune lecteur (9-12 ans), quelques repères quasi familiers (le PersoPad et la PS12 devraient vous rappeler quelque chose), et vous obtiendrez un sympathique petit roman sur la peur des différences, le rejet de l’autre et la moquerie en raison de ces différences, mais aussi les premiers émois amoureux et le courage de s’affirmer.

Le format est court (40 pages, standard de cette petite collection) mais peut séduire justement les lecteurs réticents. Si l’histoire est agréable, je la trouve toutefois un peu « facile », n’allant guère au-delà du message « nos différences sont nos richesses ». (J’ai le souvenir de titres plus aboutis dans cette collection, celui-ci notamment) mais ne boudons pas ces petites lectures à prix mini à conseiller à nos préados.

 

 

Syros, coll. Mini Syros Soon, août 2012, 39 pages, prix : 3 €

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Crédit photo couverture : © Stéphanie Hans et éd. Syros

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Laisser les cendres s'envoler - Nathalie Rheims

21 Août 2012, 07:16am

Publié par Laure

 

Premières phrases :

 laisser les cendres s'envoler« J'ai perdu ma mère. Elle a disparu il y a plus de dix ans. Ma mère est morte, je le sais. Mais, lorsque j'y pense, je ne ressens aucun chagrin, pas la moindre émotion. Tout reste plat comme une mer gelée, pas un seul petit frémissement à la surface de l'eau. Quand je pense à elle, il ne se passe rien. »

Alors qu'elle était encore adolescente, la mère de la narratrice a quitté le foyer pour suivre un amant qui l'a envoûtée tel un gourou, artiste qui l'a manipulée pour utiliser sa fortune. La narratrice en est profondément marquée, ne comprenant pas l'abandon de sa mère envers elle. Une mère peut-elle ainsi laisser sa fille ? L'amour maternel n'est-il pas inconditionnel ? Il lui aura fallu des années, longtemps après sa mort, pour revenir sur ces années, sa douleur et sa révolte tues, conformément aux règles familiales où le silence est roi.

Sentiments ambivalents sur ce court roman aux accents profondément autobiographiques (l'est-il?) car il m'a été difficile de rester en empathie avec la narratrice qui si elle s'exprime enfin (et définit ainsi le rôle de l'écriture dans sa vie), reste néanmoins dans un discours (trop ?) lisse, fade, conventionnel. Trop de retenue, comme si elle ne livrait pas totalement ses sentiments profonds. Et quid du père trop absent qui disparaît quasi du récit, de ses relations avec lui ? Certains passages retournent même la bonne volonté du lecteur : la pauvre petite fille riche ne parvient plus à émouvoir, même si à d'autres moments on la sent détachée de tout cela. Même si l'on n'est pas forcément plus heureux dans une grande famille bourgeoise, il est difficile de pleurer à la description des clochettes pour appeler les domestiques qui viendront vous servir le thé. Les passages relatifs au vide intérieur de la jeune femme, son rapport à la nourriture, sont bien plus touchants et justes. Mais la violence et la souffrance restent trop intérieures, muselées dans ce carcan familial trop bien élevé que les années ne parviennent que trop peu à desserrer.

Il faut reconnaître néanmoins à Nathalie Rheims une très belle écriture, sobre, classique, sans emphase. Et la beauté du titre, pour se libérer de ce trop grand poids subi à un moment de la vie. Faire la paix, au moins avec soi-même.

 

 

éd. Léo Scheer, août 2012, 254 pages, prix : 19 €

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Crédit photo couverture : ©éd. Léo Scheer

 

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Sud - Patrick McDonnell

18 Août 2012, 10:20am

Publié par Laure

sud.jpgA l’automne, les oiseaux partent vers le Sud. Mais l’un d’entre eux, qui s’était endormi au pied de l’arbre, se retrouve seul,  perdu et désespéré. Il est pris en charge par un chat qui va l’accompagner un bout de chemin, et l’aider à retrouver les siens. Une jolie histoire d’entraide et d’amitié, entre deux personnages qui ne devraient pas s’entendre, sur fond de feuilles d’automne puis de neige…

 

Un très bel album sans texte, aux lignes épurées et aux couleurs douces, plein de tendresse et de réconfort. En feuilletant cet album, à la première apparition du chat, je me suis dit : « mais je connais ce dessin ! », sans parvenir à retrouver son origine. Mais oui bien sûr, il s’agit de Mooch, le chat du duo infernal Earl et Mooch, qu’une lectrice de la bibli m’a fait découvrir récemment ! (Patrick McDonnell est le créateur de la série Mutts, où apparaissent ces deux héros qui en chien (Earl) et chat (Mooch) s’entendent comme larrons en foire quand il s’agit de faire rire et d’avoir des réflexions pas piquées de vers pour parler des humains). D’ailleurs Earl apparaît dans l’une des pages de cet album. Dommage que les albums sans texte rencontrent peu de succès auprès des parents à la bibli (j’entends souvent la remarque : « prends pas ça y a rien à lire »), alors qu’il y a tant à imaginer, à créer et à partager justement, et que l’enfant peut s’approprier l’histoire sans même savoir lire !

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    © Patrick McDonnell

 

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  © Patrick McDonnell

 (avec le chien Earl qui regarde passer Mooch et l'oiseau)

 

Publié aux défuntes éditions du Panama, j’espère que ces titres seront un jour réédités !

 

(défuntes) éditions du Panama, octobre 2008, non paginé

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Crédit photo couverture : © Patrick McDonnell et éd. du Panama

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Tout ce que nous aurions pu être toi et moi si nous n'étions pas toi et moi – Albert Espinosa

15 Août 2012, 20:19pm

Publié par Laure

 

Traduit de l'espagnol par Christilla Vasserot

 

tout-ce-que-_-espinosa.jpgAlors qu'il vient de perdre sa mère qui était tout pour lui, Marcos est sur le point de s'injecter un produit qui l'empêchera définitivement de dormir. Beaucoup y sont déjà venus et en sont ravis. Mais sa journée est contrariée par un appel de son chef : il doit intervenir pour travailler sur un extraterrestre, appelé pudiquement « l'étranger » en faisant appel à son don : lire dans son passé. Mais cet homme a le même don que lui et va lui demander de l'aider à le libérer.

 

Je ne dois d'avoir achevé ce roman qu'à sa brièveté et sa mise en page très aérée. Le style d'emblée m'a déplu, sorte d'interpellation orale du lecteur que j'ai trouvée plutôt mal habile. Quant à l'histoire, elle souffre d'un aspect très brouillon, juxtaposition de faits qui ne permettent pas vraiment de savoir où l'auteur veut réellement en venir. Science-fiction mal exploitée, fin qui part dans tous les sens et tombe à plat, importance de la place de la mère et de son éducation particulière, en particulier dans sa vision de la sexualité ? Et le remède qui empêche de dormir n'est pas exploité plus que cela non plus. Beaucoup de pistes et d'idées pour un résultat très décevant.

 

Grasset, avril 2012, 255 pages, prix : 15 €

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Crédit photo couverture : © Robert T.Schmidt / Getty Images et éd. Grasset.

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