Les jardins d'Hélène

De tout et de rien

26 Avril 2009, 13:57pm

Publié par Laure

Un dimanche de repos, où il faut malgré tout faire un effort pour monter à l'échelle histoire de remonter les affaires de ski des enfants et les valises (ça fait quand même une semaine qu'ils sont rentrés), et redescendre les fauteuils de jardin du grenier. Quiconque voudrait bien venir ranger mon garage est le bienvenu, cette corvée m'ennuie d'avance, je suis la reine de la procrastination pour ça ! (et du coup on ne peut plus y mettre un pied, et c'est le moment que choisit ma grande pour me demander si on peut faire du vélo ! si tu arrives à le sortir, oui !)

Week-end de spectacles aussi, mes collègues organisant un festival jeunes talents, j'ai vu des tas de choses très bien et très fortes, plus classiques ou originales, des formes courtes présentées par des compagnies en voie de professionnalisation dans le spectacle vivant. ça c'était vendredi soir et samedi soir.

Hier je travaillais, comme tous les samedis, mais le matin j'étais en détachement pour participer à un forum des métiers dans le collège public voisin. Première expérience pour l'équipe éducative et les élèves de l'ODP (option découverte professionnelle) de classes de 3ème. Professionnels et étudiants venaient présenter leur métier et répondre aux questions des collégiens et de leurs parents. Accueil très soigné, organisation bien vue, mon baptême du forum restera dans les annales du collège : alors que nous (professionnels) nous installions dans les salles, une mère passe avec sa fille dans le couloir, et regarde les noms et professions indiqués sur les portes : "ah bah tiens, bibliothécaire, le cul sur une chaise toute la journée, ça t'aurait bien plu ça !". Juste avant de lever les yeux sur mon badge et d'ajouter "ah, je crois que j'ai fait une gaffe là..."
Tout le reste a été parfait, et on en riait encore à l'apéritif...


Voir les commentaires

La grand-mère de Jade - Frédérique Deghelt

22 Avril 2009, 16:44pm

Publié par Laure

Ce que je garderai d’abord de cette lecture, c’est une infinie douceur, qui court sur près de 400 pages. Puis cette humanité qui réchauffe le cœur et cet amour souvent redit pour la lecture.

Jade prend sous son aile sa grand-mère Jeanne, qui a fait un malaise seule chez elle, et que ses filles très occupées veulent placer en maison de retraite. Jade vient de rompre avec Julien, elle est journaliste indépendante, elle ne sait pas encore comment elle s’organisera, mais elle embarque en douce sa grand-mère dans son appartement parisien.

Au fil de l’histoire on découvre une grand-mère qui a cultivé un vice caché : la lecture. Vaste gourmandise pour la littérature, la découverte, les auteurs… En secret parce que pour une femme de sa condition, à la campagne, la lecture est considérée comme une perte de temps. Et voilà que Jade écrit un roman qui se voit refusé par les éditeurs. Mais Mamoune, sa grand-mère octogénaire, a tellement lu qu’elle pourrait peut-être bien l’aider un peu à retravailler son texte…

Malgré toutes les qualités humaines du récit, il m’a parfois semblé un peu redondant, un peu lisse aussi, parfait et gentil (même si ça fait du bien de croire qu’une telle histoire pourrait être vraie), bref, pas aussi bon que ce que j’avais pu lire de Frédérique Deghelt jusqu’à présent. (cf mes billets sur la vie d’une autre et sur Je porte un enfant et dans mes yeux…)

Et puis il y a l’épilogue. Celui qui met fin à l’histoire et vous renverse totalement. Elle a sacrément du talent, Frédérique Deghelt, c’est certain !

 

J’ai aimé :

p. 49 : « Quand je lui raconte mon histoire, je la sens très loin de moi. Et comment pourrait-elle comprendre que lire, à mon époque, c’était avant tout dépenser de la lumière, perdre son temps à ne rien faire ?

Je suis entrée dans les livres par effraction, sans l’instruction qui donne le goût et l’aptitude à la lecture. En ouvrant des livres, j’ai choisi la pire chose qu’une femme de mon milieu puisse faire. J’ai contemplé un monde qui m’était interdit. J’avais parfaitement conscience que ce n’était pas le mien. Je l’ai contemplé longtemps. Puis j’ai refermé la porte, mais il m’était désormais impossible d’oublier ce que j’avais entrevu : un espace immense dont je ne pourrais plus me passer. »

 

p. 163 : « Je suis une lectrice. Je ne serai jamais capable d’écrire le moindre texte, mais quand je lis le roman d’un écrivain, je suis toujours frappée de ce regard singulier : cette façon de saisir la banalité et d’en rendre compte sous un angle insolite, cet art de tisser un lien entre des choses qui n’ont pas l’air d’en avoir. Plus il m’emporte dans une histoire qui semble vraie, plus il est insaisissable. »

 

p. 348 : « Ainsi les écrits pour ne point dire les écrivains formeraient une farandole qui fait danser nos vies, aide à comprendre, à cheminer et parfois à mourir. […] J’ai lu adossée à la vie réelle, j’ai lu contre quelque chose dont je ne voulais pas. Ce que je sais de meilleur, je croyais que c’était les livres qui me l’avaient appris, mais je n’en suis plus si sûre aujourd’hui. »

 

p. 372 : « Albert m’a aujourd’hui expliqué que la plupart des lecteurs de romans sont des lectrices et je crois moi que si les femmes lisent tant c’est parce qu’elles peuvent entendre ce qui n’est pas dit et qu’elles n’ont jamais peur que les sentiments laissent sur elles ces traces qui existent déjà dans leur cœur. »

 

Et comme Cuné, à tort ou à raison, je ne sais pas ce qui a conduit l’auteur à ce personnage, j’ai voulu voir dans le personnage de l’éditeur un bel hommage à Hubert Nyssen. Parce que tout y concourt et correspond à l’image que je me fais de cet homme.

 

 

Les lectures de Cuné , Clarabel, Anne, Michel, Marie, ...

 

Actes Sud, coll. Un endroit où aller, janvier 2009, 391 pages, prix : 21 €

Ma note :

Crédit photo couverture : © Jonathan Viner et éd. Actes Sud

Voir les commentaires

Le goût du chlore - Bastien Vivès

18 Avril 2009, 06:10am

Publié par Laure

Un album quasi muet aux teintes bleu-vert de la piscine…

Un jeune homme se voit dans l’obligation de se mettre à la natation, sur le conseil de son kiné, car il souffre trop du dos. Il y va sans réel plaisir, jusqu’à ce qu’il rencontre dans le bassin une jeune femme mystérieuse qui nage divinement bien. A partir de là naît l’attente et le plaisir des retrouvailles chaque semaine, la déception quand elle n’est pas là… tout est suggéré dans le dessin, le début d’un espoir amoureux ? Mais comme Finette, je reste vraiment déçue par la fin… certes on peut faire un certain nombre d’hypothèses, tant sur le jeune homme que sur la jeune inconnue, mais ça reste frustrant…On referme la BD sur un goût de « oui, bon… ben… et alors ? zut ça va pas finir comme ça ! » Comme Finette également, je remarque une faute « je replies » avec un S p. 52, dans une BD où il n’y a déjà que très peu de texte, ça fait désordre…

A vous de voir, donc…

 

Essentiel révélation au Festival d’Angoulême 2009

 

L’avis de Florinette

 

Casterman, 2008, 135 pages, prix : 14 euros 

Ma note :

Crédit photo couverture : © Bastien Vivès et éd. Casterman

Voir les commentaires

Moi je - Arnaud Cathrine

17 Avril 2009, 06:59am

Publié par Laure

Moi je, c’est le père de Doriand, adolescent de 16 ans. Ils vivent seuls depuis que leur mère (et ex femme) est partie vivre à quelques pâtés de maisons de là, huit ans auparavant.

p.12 : « Je vous présente « Moi Je ». Avant je l’appelais papa, mais, franchement, je ne le reconnais plus. Alors c’est « Moi Je ». Mon père n’est plus mon père. Mon père est devenu en quelques heures un être terriblement autocentré et ennuyeux. Traduction : papa vient de commencer une psychanalyse chez un certain Robert. Il affiche un enthousiasme qui lui donne un air bête. Surtout il ne parle plus que de lui. »

On l’aura compris, ce père est en pleine crise existentielle et Doriand a déjà bien assez à faire de sa vie que d’avoir en plus à être le pilier de secours de son père. Car Doriand est amoureux de Julie, et il essaie de lui écrire, car il aimerait bien franchir le pas avec elle, cette fameuse première fois pour laquelle il est matériellement équipé. « Julie, je t’aime, mais tu n’apprendras rien : j’ai dû te le dire 35 282 fois depuis qu’on s’est embrassés la première fois. Et je voudrais faire l’amour avec toi, j’ai tout le matériel. » Pas très romantique pour parler des préservatifs sous le lit mais bon, c’est pas si facile d’écrire une lettre à son amoureuse hein ! Julie ne répond pas, et part en voyage à San Francisco. Doriand est un peu désespéré. Echanges de SMS avec son copain Sylvain, discussions avec sa mère, réflexion intérieure et début de roman, on suit d’un œil malicieux le chemin qui a des allures d’échec de Doriand. Rassurez-vous, ça finira bien. Malicieux parce que je ne sais pas pourquoi, j’associais souvent dans l’idée Arnaud Cathrine et Olivier Adam comme écrivant des romans ados assez tristes, douloureux, tournant autour de la mort et de la dépression. Et là surprise, j’ai éclaté de rire pas mal de fois, ce petit roman est bourré d’humour et de boutades bien à propos. Et Cathrine se moque de lui-même avec ce père qui écrit des romans que Doriand refuse de lire, des romans intitulés La route de Baya, mon démon s’appelle Martine, les Vies de Mika… , alors que Cathrine a écrit respectivement La route de Midland, Mon démon s’appelle Martin, Les Vies de Luka… C’est le genre de clins d’œil que je trouve toujours sympas ! Bref, Arnaud Cathrine m’a agréablement surprise avec ce roman alors que j’étais restée sur ma faim avec Vendredi 13 chez tante Jeanne et Mon démon s’appelle Martin…Bien sûr à la longue, le Moi Je de l’histoire devient un peu Doriand quand même, mais c’est un beau parcours entre adolescence et indépendance, prise en main de sa propre vie, un enfant, même adolescent, n’a pas à être le parent de son père…. Sans oublier les titres de chapitres savoureux et Daho en musique de fond.

 

Dès 14 ans je dirais…

 

Ecole des Loisirs, coll. Medium, mars 2008, 123 pages, prix : 8,50 €

Ma note :

Crédit photo couverture : © Franck Juery et EDL

Voir les commentaires

Inès - Loïc Dauvillier et Jérôme d'Aviau

16 Avril 2009, 06:13am

Publié par Laure

C’est un drame du quotidien hélas trop souvent inaperçu : la violence conjugale faite aux femmes. Un jeune couple et une petite fille dans un immeuble. La petite fille pleure souvent le soir, alors les voisins finissent par aller frapper à la porte : - tout va bien ? – oui, oui, on ne cède pas à ses caprices, c’est tout. Mais la porte refermée, c’est une mère désemparée,  humiliée, couverte de bleus, … qui voudrait bien sauver sa peau, mais pour aller où ? Une note d’espoir et puis…

Le dessin sobre, tout en noir sur blanc, et le texte, pudique et violent à la fois, fait qu’on tourne la dernière page en frissonnant. Voilà, l’histoire est finie, pourtant j’ai du mal à passer à autre chose.

 

Une lecture que je dois à Samuel, mon libraire BD favori (en même temps j’en ai pas 36, mais comme il est toujours de bon conseil …J ) (Tiens je découvre que Goelen le trouve un peu déjanté J ) Pas mieux en lien, c’est une librairie sans site web, ça oblige à y aller en vrai, et le problème, c’est qu’on en ressort jamais sans rien, même avec une volonté de fer ! Bref tout ça pour dire qu’il existe encore de vrais libraires, parce que sans Samuel, j’aurais sans doute raté cette très bonne BD, au sujet pas vraiment gai mais à la qualité rare. (de toute façon, je crois que les libraires BD sont tous des fous, y en a même qui se cachent pour mourir ...)

 

Le blog de l’auteur : ici

 

Drugstore, mars 2009, 102 pages, prix : 15 euros

Ma note :

Crédit photo couverture : © Jérôme d’Aviau et éd. Drugstore

Voir les commentaires

La consultation - Laurent Seksik

15 Avril 2009, 15:47pm

Publié par Laure

Julien, 25 ans, est le vilain petit canard de la famille Lerner : alors que son frère Alexandre est un brillant chirurgien, lui ne dégotte que des stages minables pistonnés dans un cabinet d’avocats. Ses parents le rabaissent sans arrêt, et sa timidité l’empêche d’aborder une jeune femme qui lui plaît. Hypocondriaque, il panique complètement quand il est atteint de violents maux de tête. Tumeur au cerveau ou anévrisme, grâce au ballet relationnel de sa famille, il passe de spécialiste en spécialiste, tout en étant toujours autant moqué et rabaissé par tous.

De l’humour ? Mouais… je ne sais pas à quel degré il faut prendre ce roman… Certainement pas au premier, mais le dérisoire et l’absurde sont plus fatigants que drôles, et déclencheraient chez moi plutôt une réaction épidermique qu’un éclat de rire. Tous les personnages sont antipathiques, stupides et vaniteux, et leur caricature à outrance sert sans doute à dénoncer certains parvenus du milieu médical qui placent le golf et le séminaire aux Bahamas bien au-dessus de leurs consultations. Enfin j’en sais rien, je me demande même pourquoi je suis allée jusqu’au bout (sans doute pour savoir de quelle maladie souffrait Julien et s’il allait mourir ou pas)

Un personnage de raté pour un roman… euh… lisez l’avis de Marion Haudebourg sur Evene qui le dit mieux que moi…

 

L’avis (plus positif) de Laurent


A paraître en poche prochainement. 

 

JC Lattès, août 2006, 176 pages, prix : 13,50 €

Ma note :

Crédit photo couverture : © Benjamin Chelly pour la photo de l’auteur

Voir les commentaires

Ni vu ni connu - Olivier Adam

14 Avril 2009, 16:17pm

Publié par Laure

Antoine est un petit garçon de 10 ans, élève de CM2, assez timide et déjà très autonome, car son père chauffeur-routier est très souvent absent, et sa mère infirmière travaille parfois de nuit ou en horaires décalés. Il est donc habitué à faire bien des choses tout seul.

Ce jour-là, Antoine est invité à un goûter d’anniversaire, chez Thomas, un camarade de classe. Ils jouent à cache-cache et Antoine attend dans l’armoire de la chambre des parents de Thomas que quelqu’un vienne le trouver. Mais voilà, personne ne le trouve, car personne ne le cherche. Antoine a l’habitude d’être invisible, personne ne se préoccupe jamais de lui, on l’oublie à droite à gauche, y compris en sortie scolaire.

 

p. 16 : « Au cache-cache, j’ai gagné. Vu que personne ne m’a trouvé, j’ai gagné. Même si personne ne le sait. Même si tout le monde s’en fiche. C’est toujours pareil de toute façon. A cache-cache personne ne me trouve jamais. Personne ne me trouve parce que personne ne me cherche. Personne ne me cherche parce que personne ne souvient que je joue. Personne ne se souvient que je joue parce que personne ne se souvient que je suis là, que je vis, que j’existe. »

 

Alors quitte à être invisible aux yeux de tous, Antoine va se cacher pour de bon, et observer. Découvrir les secrets de chacun et les mensonges. Ce qui va entraîner des situations surprenantes, et une conclusion qui l’est tout autant. Une belle frayeur mais une grande confiance aussi de la part des parents d’Antoine. Et une histoire d’amour avec la jeune Chloé… Je ne suis pas si sûre d’adhérer à l’avis de la maman dans l’histoire, mais peut-être qu’elle remet en perspective ce qui pourrait sembler dramatique ? ça m’a un peu tourneboulée cette fin quand même…

 

Un bon petit roman jeunesse (dès 10 ans) qui ravira tous ceux qui sont déjà sensibles à la plume d’Olivier Adam, et qui pourra être une belle découverte pour les autres.

Ni vu ni connu serait la suite du Jour où j’ai cassé le château de Chambord,  mais il se lit indépendamment sans problème, puisque je ne savais même pas qu’il y avait un « avant ».

 

p. 22 : « Même notre institutrice, Mme Bellefille, des fois elle m’oublie. Pourtant je suis le premier de la classe. D’habitude, un premier de la classe, ça ne s’oublie pas. En général, les institutrices les adorent, la plupart des élèves les détestent. Mais moi non. Personne ne m’aime. Je suis juste invisible. Le contraire de quelqu’un d’inoubliable. »

 

Ecole des Loisirs, coll. Neuf, mars 2009, 93 pages, prix : 8,50 €

Ma note :

Crédit photo couverture : © Gwen le Gac et éd. EDL.

Voir les commentaires

Une nuit avec Marilyn, suivi de la Dameuse - Alina Reyes

13 Avril 2009, 17:07pm

Publié par Laure

Imaginez la première nuit d'amour des mythiques Marilyn Monroe et John Fitzgerald Kennedy sous la plume érotique d'Alina Reyes... cela donne une courte nouvelle qui n'est sans doute pas la meilleure de l'auteure. C'est mignon, mais c'est à peu près tout... La dameuse, qui complète l'ouvrage et que j'avais déjà lue, est bien plus riche, bien plus troublante aussi, dérangeante, mais je persiste à préférer Alina Reyes dans ses formes longues.
Un billet aussi court que ce livre, donc.

Le livre de poche n°31247, février 2009, 88 pages, prix : 4,50 €
Ma note :
Crédit photo couverture : © Rue des archives et LGF

Voir les commentaires

Abandons massifs

12 Avril 2009, 15:48pm

Publié par Laure

Parfois ça ne prend pas, comme ça, d'emblée, sans que je puisse vraiment l'expliquer.
J'abandonne désormais assez vite.

C'est le cas de Avis de tempête, de Susan Fletcher, repéré chez
Cathulu
et des Naufragés de l'île Tromelin, d'Irène Frain,












 proposé par J'avais accepté leur offre car je pensais que c'était un roman qui se situait sur l'île Tromelin, juste à côté de la Réunion dont je revenais tout juste, mais c'est plutôt un doc ultra détaillé qui m'est vite tombé des mains.... tant pis... Il y a trop à découvrir pour s'attarder sur ce qui ne prend pas...

Voir les commentaires

Que reste-t-il de la culture française ? – Donald Morrison, suivi de Le souci de la grandeur – Antoine Compagnon

11 Avril 2009, 15:52pm

Publié par Laure

Traduit de l’américain par Michel Bessières.

 

La polémique est née d’une couverture de Time magazine de novembre 2007 annonçant la mort de la culture française. Le journaliste américain, Donald Morrison, vivant en France depuis 5 ans, a déclenché un tollé général avec son article, qui loin de vouloir enterrer la spécificité culturelle de la France, en démontrait simplement l’affaiblissement de sa portée sur le reste du monde.

Il revient ici sur cet article et ses arguments, explique qu’il n’a pas choisi le titre qui a fait scandale en une, qu’il n’en a même pas eu connaissance avant parution, et redéploie dans cet essai son jugement : « il règne bien en France une extraordinaire vitalité culturelle, ce qui a changé, c’est qu’elle ne rayonne plus guère à l’étranger »

Loin de moi l’idée d’opposer des arguments à l’auteur, bien d’autres bien mieux placés et bien plus compétents l’ont fait. Néanmoins Morrison ne fait que relever ce qui me paraît des évidences, et le scandale n’est que le résultat d’un pays (le nôtre !) qui ne tolère pas la critique. Vous savez, le village de petits gaulois qui résiste…

Je me suis intéressée tout particulièrement à la question de la littérature française (davantage qu’au cinéma, théâtre, arts et architecture aussi évoqués dans ce livre) et y ai noté des choses intéressantes, là encore, pas révolutionnaires, que Morrison relève avec humour.

 

p. 42 : « En moyenne, chaque année, les 10 000 éditeurs que compte le pays (d’après le Syndicat national de l’édition) mettent en circulation 60 000 nouveaux titres dans tous les genres. Toutefois, la presse et le public vont s’intéresser aux 1000 à 2000 romans publiés au cours de ces deux rentrées, et à un nombre équivalent d’autres nouveautés – principalement des essais – en dehors de ces deux périodes. On peut considérer que ce corpus constitue la littérature française contemporaine. En France, ces livres vont trouver des lecteurs, susciter des discussions dans les émissions télévisées, les magazines et les dîners. Hors de France, ils vont laisser à peu près tout le monde indifférent

Seule une fraction de cette production sera susceptible d’éveiller la curiosité des éditeurs étrangers et moins d’une dizaine de ces romans paraîtront aux Etats-Unis. »

 

p. 48 : « L’Amérique est le pays d’origine d’un tiers de l’ensemble des traductions vendues en France ».

 

p. 50 : « 27% des livres qui sont publiés dans le monde le sont en anglais, 12% en allemand, et 8% en français. »

 

p. 51 : « plus de 900 prix littéraires sont attribués chaque année en France. » (Comment voulez-vous vous y retrouver ?!)

 

p. 52 : « Le problème tient à la littérature française elle-même, devenue ésotérique, distante du monde réel et donc difficile à exporter. »

 

p. 56 : « L’autofiction est un vaste problème en France, m’avouait François Busnel, directeur éditorial du magazine Lire, en 2007 dans son bureau envahi par les livres. « J’estime que 70% des 727 romans de cette rentrée relèvent de cette démarche. Si la littérature ne doit pas se cantonner à mes problèmes personnels, alors elle devient un exercice ardu, qui implique des recherches, le développement de personnages universels. Mais si je peux raconter une histoire d’amour, mes trajets en métro, ma rupture, alors tout devient plus facile. Avec le structuralisme et le nouveau roman, la littérature est devenue une sorte de thérapie. Si bien que tout le monde estime pouvoir écrire aujourd’hui. » (Il est bien ce Busnel quand même !) « Anne Carrière, directrice de la maison d’édition qui porte son nom, dresse le même constat : « le premier conseil que j’aimerais donner aux jeunes auteurs est : « arrêtez de confier vos misères à la plume », écrivait-elle dans Lire en avril 2007. Les trois quarts des manuscrits que je reçois sont des psychothérapies, non des romans. Et, franchement, vos petits problèmes personnels n’intéressent personne. »

 

p. 65 : (en littérature comme dans le cinéma) : « trop d’emphase intellectuelle, de manque d’action, la priorité est accordée aux relations entre les individus aux dépens des interrogations sociales ou politiques. »

 

p. 103 : « le déclin culturel français a une autre cause : le système scolaire. Naguère réputé pour sa rigueur, il est aujourd’hui sous le feu des critiques. On lui reproche d’accorder la priorité à l’épanouissement individuel aux dépens de l’acquisition des connaissances. »

 

Le souci de la grandeur est une réponse (qui va surtout dans le même sens) du professeur au Collège de France, Antoine Compagnon. Il m’a fait sourire avec ce paragraphe :

 

p. 140 : « de retour à Paris après la bataille, je trouvai dans mon courrier pas mal de lettres – bien plus nombreuses que lorsque je m’exprime dans les journaux sur les universités, la recherche ou l’école - , qui s’en prenaient à ma tribune du Monde. Pour la plupart, les auteurs étaient animés par un antiaméricanisme assez franc, endémique en France. Une de mes phrases les avait spécialement fâchés, celle où, donnant acte à Donald Morrison de l’attrait modeste du roman français contemporain, j’avouais que je lisais « le dernier Philip Roth, Pynchon ou DeLillo plus volontiers que la dernière autofiction germanopratine, facétie minimaliste, ou dictée post-naturaliste. » La moutarde en était montée au nez de mes interlocuteurs, mais c’était surtout l’allusion à Philip Roth qui les avait indignés – je fais l’hypothèse que les deux autres noms ne leur disaient rien- , et ils m’opposaient tel ou tel écrivain français rare, gentil et inoffensif au nom de la défense de la langue française : « je donnerais tous les pavés indigestes de Roth, dont je n’ai jamais pu finir aucun, pour quelques pages touchantes de Paul Maçon sur un crépuscule de Châteauroux », m’écrivait l’un deux. » (C’est sûr qu’avec ça, la littérature française va rayonner hors de nos frontières !)

 

Ceci dit Compagnon ayant un peu moins d’humour sur la longueur que Morrison, son article m’a paru un brin soporifique au final. Pauvres universités françaises laissées à l’abandon, langue française en recul dans le monde, culture liée à l’Etat (subventions) ce qui est un plus grand mal qu’un bien, etc. souvent des redites de Morrison. La culture française n’est pas morte, il faudrait juste qu’elle accepte d’être un peu secouée de temps en temps. Sinon tout le monde ronfle à l’intérieur des frontières, alors à l’extérieur pensez donc, on nous laisse dormir.

(Quel écrivain français aujourd’hui, écrivant en français, a réellement du souffle pour séduire un public international ?)

 

Denoël, septembre 2008, 204 pages, prix : 13 €

Ma note :

Crédit photo couverture : éd. Denoël


Voir les commentaires

1 2 > >>