Les jardins d'Hélène

Les femmes sont occupées – Samira el Ayachi

9 Septembre 2019, 13:44pm

Publié par Laure

Les femmes sont occupées, au sens d’« assiégées ». La narratrice, maman solo de Petit Chose, a une thèse à finir, une pièce de théâtre à écrire et à monter, c’est son job et elle l’aime. Mais comment s’en sortir, financièrement, moralement, dans une jungle administrative et sociale où l’on questionne et harcèle indéfiniment les femmes, sans jamais interroger les hommes sur leur place au sein de la famille qu’ils ont désertée ?

 

C’est un roman qui a valeur d’essai sociologique, tant les propos sont justes sur la place de la femme au XXIe siècle. Un roman enlevé, au style dynamique, au rythme aussi saccadé que la vie d’une mère célibataire. J’ai aimé l’écriture, l’usage (partiel) de la deuxième personne du singulier, l’insertion des scènes de théâtre hilarantes (où l’humour vire au noir), le courage d’avoir osé écrire ce que beaucoup de femmes n’en peuvent plus de penser tout bas.

 

Empli de références littéraires et culturelles (tout en légèreté, rien d’indigeste bien au contraire), le propos est féministe sans virer chiennes de garde, la charge mentale est omniprésente mais abordée de manière adroitement fictionnelle et #MeToo est passé par là. Elle n’en oublie pas l’ambivalence de ses propres contradictions.

 

Pourquoi ne voit-on pas ce roman partout dans les présentations de rentrée littéraire ? J’en ai bouffé de la presse professionnelle ou grand public depuis le mois de mai, et s’il n’y avait eu un communiqué de presse de Gilles Paris dans ma boite mail, je n’en aurais jamais entendu parler !

 

Venez Samira, qu’on vous serre dans les bras, et qu’on vous dise Merci, merci, merci, au nom de toutes les femmes. Solo ou pas. Et on peut l’oublier sur la table de nuit d’un homme.

 

J’avais commencé à mettre des post-it sur les phrases que je voulais retrouver, et puis j’en suis trop vite arrivée à deux par page alors j’ai abandonné l’idée de citer des passages.

 

Je ne vous en propose qu’un, ç’aurait pu être un autre :

 

p. 158 : « Je reprends mon corps, que tout le monde touchait – sauf moi. Je reprends ma vie et je ne la soumettrai plus jamais. Ni au père, ni au mari, ni à l’amant. Même pas à l’enfant. Qui osera le dire ? »

 

 

 

Ed. de l’Aube, septembre 2019, 246 pages, prix : 20 €, ISBN : 978-2-8159-3445-9

 

 

 

Crédit photo couverture : © LCC – Pixabay / Isabelle Enocq et éd. de l’Aube.

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