Quinqua, bibliothécaire, avec thé et chats. Je dépose ici les marques que mes lectures ont tracées.
Moi, Ambrose, roi du Scrabble – Susin Nielsen
Complément de titre : (roman garanti 100% sans cacahuètes) !
Traduit de l’anglais (Canada) par Valérie Le Plouhinec
Ambrose, douze ans, est un gamin solitaire à qui rien ne réussit, et surtout pas l’arachide à laquelle il est allergique. Surprotégé par sa mère (son père est mort subitement peu avant sa naissance), Ambrose n’a aucune confiance en lui et se retrouve souvent victime des mauvaises plaisanteries de ses camarades. Il ne parvient pas à s’intégrer, il faut dire que ce n’est pas facile, sa mère déménage régulièrement !
Quand ses copains manquent de le tuer en glissant une cacahuète dans son sandwich, (choc anaphylactique !), sa mère le déscolarise et lui fait suivre des cours par correspondance.
Très vite Ambrose s’ennuie et cherche un peu de compagnie auprès du fils des propriétaires qui logent juste au-dessus, mais un ex-taulard un peu suspect, autant dire que ça ne convient pas à sa mère.
Je ne vais pas tout raconter, mais j’ai pris vraiment beaucoup de plaisir à lire ce roman, à l’intrigue parfaitement construite, aux personnalités intéressantes et bien analysées, aux rebondissements certes attendus mais bien amenés, un vrai bon roman d’initiation où l’on accompagne Ambrose dans l’éclosion de son cocon et l’affirmation de ses envies, enfin. L’analyse psychologique finale est fine, peut-être un peu trop mature pour un gamin qui souffle ses 13 bougies, mais bien contrebalancée par ses expériences naïves dans la rue.
Le Scrabble est un élément moteur amusant, qui paraît à mille lieues de la littérature jeunesse d’aujourd’hui, et qui apporte un cachet supplémentaire au récit. Les titres de chapitre sont composés d’un tirage de lettres au Scrabble, des anagrammes trouvées, et du mot de Scrabble réalisé, en lien avec le contenu du récit évidemment. De même dès qu’Ambrose aborde un sujet qui l’embarrasse, il décline le mot tabou en anagrammes de Scrabble pour traduire sa gêne. Et je ne vous dis pas qu’à l’issue de ma lecture j’ai perdu quelques heures à jouer au Scrabble en ligne, sacré bouquin !
Susin Nielsen est aussi l’auteur du remarqué Dear George Clooney, tu veux pas épouser ma mère ?, son premier roman traduit en français publié chez hélium en 2011 mais postérieur à Word Nerd (titre original de Moi Ambrose…) écrit en 2008 et traduit en 2012.
(Et dire que j’ai lu ce livre pour une raison pragmatique : il fallait que je détermine sa place entre secteur jeunesse et secteur ados à la bibli. Acheté au rayon ados en librairie, les catalogues des BM (la faute à Electre ?) le notifient « à partir de 9 ans ». On est bien dans l’entre-deux, entre enfance et adolescence, je dirais à partir de 11-12 ans et plus. S’il n’est jamais simple de trancher, (je l’ai mis en ados, secteur accessible dès 12 ans - ou avant avec accord des parents - d’autant que j’y ai un lectorat important) j’ai au moins gagné la lecture d’un roman sympa)
Le blog des éditions Hélium : clic !
Ed. Hélium, mars 2012, 197 pages, prix : 13,90 €
Etoiles :
Crédit photo couverture : © Amélie Fontaine / Les associés réunis / éd. Helium
Clara - Cécile & Lemoine
Dessins et couleurs : Cécile
Scénario : Christophe Lemoine
Clara est un très bel album, sensible et délicat, sur la perte d’une maman quand on est encore enfant, la difficulté à le comprendre et à l’accepter.
Clara mène une vie heureuse avec ses parents : son papa travaille beaucoup et rentre tard, sa maman la cherche tous les soirs à la sortie de l’école, et elles ont leur petit rituel : le square, nourrir les canards, passer par la boulangerie, musique à la maison, bain…. Mais un jour tout change, sa maman n’a pas pu être là et elle la sent anxieuse, absente, différente. C’est le jour de son anniversaire et Clara n’accepte pas que sa maman ait pu oublier son cadeau ! Ce n’est pas la poupée donnée vite fait qui la satisfait ou la rassure : Clara est fâchée, même si sa maman lui explique que c’était la poupée de son enfance. Vont suivre les temps douloureux de la maladie, de l’hôpital, et du décès. Les auteurs ont choisi une tournure fantastique par le biais de la poupée pour aborder le sujet de la mort, de la colère qui s’ensuit, et du chemin de Clara jusqu’à l’acceptation.
C’est douloureux, le sujet n’est pas joyeux, mais c’est beau et juste dans le traitement. Les couleurs s’assombrissent le temps du tourbillon, et si j’avais du mal au départ avec les couleurs trop roses et mauves du ciel, des vêtements, des décors, ils me semblent annoncer le malheur et la mélancolie qui planent, j’apprécie à la fin d’y trouver un ciel bleu plus naturel et apaisé.
Le Lombard, mai 2012, 48 pages, prix : 10,30 €
Etoiles :
Crédit photo couverture : © Cécile et éd. Le Lombard
Arrête de lire ! - Claire Gratias et Sylvie Serprix
Un album jeunesse prônant l'amour de la lecture, ce ne pouvait être qu'une délicieuse nouvelle, et pourtant, quelle déception ! Je vous explique :
Horatio est un souriceau qui adore lire, de tout, tout le temps, partout. Il ne rêve d'ailleurs que de devenir rat de bibliothèque (c'est toujours mieux que rat d'égout ou rat de laboratoire, dit-il) au grand dam de ses parents qui aimeraient bien le voir faire autre chose (et qui rêvaient d'un petit rat de l'opéra) et finissent par lui confisquer ses livres, en lui assénant cette sentence : arrête de lire ! Tu vas t'user les yeux et tu vas devenir sourd !
Horatio dépérit, jusqu'à trouver une petite annonce sur une feuille de journal dans la rue : il participe en secret à Rat Pido, le questions pour un champion des rats, à une spéciale littérature. Il va bien sûr y être brillant et faire la fierté de ses parents et de son entourage.
On retrouve dans cet album les critiques habituellement liées à la lecture, celles qui ont la vie dure et qu'on va s'attacher à balayer, comme : tu n'as rien d'autre à faire, va donc prendre l'air, ça abime les yeux, ça rend asocial, et que sais-je... J'attendais donc un beau tournant, et je me suis pris une claque : lire ne servirait qu'à engranger un vernis pseudo culturel pour aller briller dans les émissions télé ? Quid du rêve et de l'imaginaire, de l'évasion et tutti quanti ? Lire sert juste à montrer qu'on n'est pas idiot en allant répondre à des quizz bateau à la télé ? D'autant que les quizz n'ont jamais fait la culture, ce n'est pas parce que vous savez que 1515 = Marignan façon rabâchage réflexe que vous savez expliquer ce que c'est. Triste revers de la société médiatique et consumériste, grrrr.
Enfin n'oublions pas que c'est un album pour enfants, et que c'est peut-être un moyen de les appâter. Si tu lis, tu seras intelligent et tu passeras à la télé ? Nan, je suis toujours énervée, y a rien à faire.
Et comme j'aimais moyennement les illustrations (et ça aussi c'est très subjectif), j'arrête là.
Belin, mars 2012, prix : 12,70 €
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Crédit photo couverture : © Sylvie Serprix et Belin éd.
Le couvent des ombres - Lisa Jackson
traduit de l'américain par Barbara Versini.
Une jeune religieuse est assassinée dans un couvent, elle portait une robe de mariée, comme si elle s'apprêtait à prononcer ses vœux. On découvre qu'elle était enceinte. Sa sœur, ancienne flic reconvertie dans la gestion de chambres d'hôtes, s'immisce dans l'enquête pour dénouer le triste parcours de Camille, qui lui avait confié son secret et l'envie de partir, mais elle n'en aura pas eu le temps. D'autres meurtres auront lieu...
ça commence comme un bon roman policier, intrigant, où tous les personnages auraient une bonne raison d'être coupables, ou au moins soupçonnés. L'intrigue avance, entre enquête officielle et enquête menée par Valerie, la sœur de la première victime. C'est juste beaucoup trop long, un peu trop répétitif et dilué, deux cents pages de moins auraient paradoxalement donné plus de poids à l'ensemble, d'autant que la fin, certes inattendue, tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, sortant de nulle part, décevant un peu le lecteur qui conclut à «oui, bon, tout cela pour ça... »
Mosaïc est une nouvelle collection des éditions Harlequin, qui ouvre une nouvelle vague de romans grand format, différents, plutôt orientés vers le polar (mais pas seulement), rien à voir avec les petits poches sentimentaux bien connus. Néanmoins je peine à comprendre leur ligne éditoriale qui se définit ainsi : « un programme d'auteurs anglo-saxons régulièrement classés dans les listes des meilleures ventes du New York Times » et qui comprend aussi bien du thriller que du « roman féminin ». La notoriété d'un auteur, en terme de ventes, qu'il soit anglo-saxon ou pas, est un critère de choix et de curiosité que je ne partage pas. Un peu comme si l'on vous disait : c'est forcément bon, puisqu'il vend beaucoup, et on vous fourgue un peu tous les genres dedans. On pourra me rétorquer que je ne comprends rien au monde de l'édition, ce qui est certainement vrai. Si je comprends bien, Harlequin ne gère que l'édition en langue française de ces titres, et reprendre des best-sellers, au final ça ne devrait pas être un risque énorme ?
J'ai « testé » (ma curiosité pour une nouvelle collection) avec ce titre qui n'est d'ailleurs pas mauvais, ni pire ni meilleur que ce que l'on peut trouver ailleurs, c'est donc plus l'argumentaire de vente qui me laisse de marbre. (Quitte à vouloir ajouter une nouvelle flèche à son arc, pourquoi pas plutôt une collection « grands polars » et au lecteur de se faire son idée ensuite?)
Ed. Harlequin, coll. Mosaïc, juin 2012, 521 pages, prix : 19,90 €
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Crédit photo couverture : éd. Harlequin et Dpcom.fr
Le creux des maths - Christine Avel
Pour ses onze ans, alors qu’il vient de lire tous les tomes d’Harry Potter, Abel n’espère rien d’autre qu’une lettre en provenance de Poudlard, enfin quelque chose d’un peu magique quoi. Il pressent qu’il va lui arriver quelque chose d’incroyable, même si au final, c’est bien loin de ce qu’il espérait ! Dans sa famille, tous ont la bosse des maths : les jumeaux de deux ans plus jeunes que lui, son père, et sa mère, lauréate de la médaille Fields. Tous ont la bosse des maths mais pour Abel, ce serait plutôt le creux : il ne nage pas mais alors pas du tout avec la même aisance dans les chiffres et la géométrie. Alors quand arrive une lettre lui annonçant qu’il a gagné une semaine en Finlande avec le génie Elias Chomsson, il se dit qu’il y a comme un problème quelque part. Et les coupables ne sont pas loin.
Mais c’est son anniversaire, c’est la Finlande, et il n’a jamais pris l’avion : zou ! Mais comment va-t-il réussir à berner ce grand savant ? Rassurez-vous, il ne sera plus vraiment question de maths, mais d’un petit roman d’aventures bien sympathique qui laisse place à l’imaginaire (farfelu parfois), à l’inattendu, et à la vie telle qu’elle est, où chacun finit par trouver sa place, même sans être Einstein.
Une petite découverte rafraichissante, à proposer aux enfants dès 9-10 ans.
(Juste une bizarrerie, pour avoir eu les deux : le cochon d’Inde des frères d’Abel s’appelle Bernoulli et tourne dans sa roue comme un malade. Non, ce sont les hamsters qui cavalent des nuits entières dans des roues, les cochons d’Inde sont plus gros et plus placides. Mais peut-être que ce Bernoulli littéraire est un petit génie de la roue, allez savoir)
L’école des loisirs, coll. Neuf, mars 2012, 78 pages, prix : 8,20 €
Etoiles :
Crédit photo couverture : © Séverin Millet
Elle est si gentille - Isabelle Rossignol
Clarisse, 17 ans, vit seule avec son père médecin, depuis que sa mère est partie vivre avec un autre homme. Elle se souvient des paroles de son père à ce moment-là, et cette mère, cette épouse qui l'a trompé est devenue la traitresse dont il ne faut plus parler.
C'est la rentrée en classe de 1ère et Clarisse retrouve sa meilleure amie, Elsa. Les deux inséparables. Mais Julien, un nouvel élève de Terminale L va venir perturber leur belle amitié, car toutes deux tombent amoureuses de lui, mais c'est Elsa qui l'avait repéré la première. Or Julien ne s'intéresse qu'à Clarisse ...
Jusqu'où peut-on aller par amitié, par fidélité à cette amitié, où commence la trahison, quand faut-il renoncer ? C'est l'objet de ce court roman pour les adolescent(e)s qui y trouveront peut-être un écho. Clarisse va-t-elle se sacrifier par respect pour son amie ? Va-t-elle céder à l'amour réciproque parce que celui-ci ne se commande pas ? Grandeur d'âme et cheveux coupés en plus que quatre, le lecteur suit le cheminement torturé de Clarisse et les réactions plus simples et matures de Julien. Mais toute cette histoire va aussi résonner en Clarisse qui souhaite enfin en savoir plus sur sa mère, est-elle pardonnable, tout comme elle dans la douleur de son choix ?
Une histoire d'amour et d'amitié qui révèle des personnalités profondes, avec une fin ouverte mais claire, une belle relation également entre un père et sa fille, un chemin semé de doutes à emprunter pour qui veut grandir. On ferme aisément les yeux sur les facilités et les situations trop belles (quel père idéal, quel adolescent intelligemment déterminé!), car le chemin intérieur de Clarisse est suffisamment tourmenté pour le lecteur, mais sensible et touchant.
L'école des loisirs, coll. Médium, mars 2012, 151 pages, prix : 9,70 €
Etoiles :
Crédit photo couverture : © Hélène Millot et l'école des loisirs.
La liste de mes envies - Grégoire Delacourt
Ah le voilà le roman bonbon qu'on peut conseiller à tous ! Facile, rapide, mais plein de vérité(s), du baume au cœur en dépit d'une pointe d'amertume...
Jo, 47 ans, deux grands enfants (« Trois en fait. Un garçon, une fille et un cadavre » p. 16) est mercière à Arras, ce n'était pas vraiment son rêve, mais c'est la vie, parfois le chemin se trace tout seul, mais cette vie, elle l'aime bien Jocelyne, entre sa boutique, son homme (Jocelyn!) et son blog aux dixdoigtsdor qui donne du rêve aux couturières en herbe.
Quand par hasard pour faire plaisir aux copines jumelles qui la tannent avec ça, elle joue une grille flash à l'euromillions, elle est loin d'imaginer qu'elle sera la gagnante des dix-huit millions d'euros et quelques broutilles. Elle ne s'en rend pas compte tout de suite d'ailleurs. Puis surtout, elle ne veut pas que sa vie change...
Et l'argent pervertit tout, non ? Les psychologues de la Française des Jeux la mettent bien en garde : tout le monde va l'aimer, tout le monde va avoir une bonne cause à défendre, etc. Mais le sort une fois encore décidera pour elle...
Le sujet paraît convenu et sans grande surprise, mais Grégoire Delacourt a l'art et la manière de la formule, de la petite phrase qui fait mouche. Dans une langue très simple, il décrit sans pareils les sentiments intérieurs de Jocelyne, son rapport au corps, à la féminité, au couple. Il a l’œil, et un œil acéré, sur la vie et la nature humaine. Son personnage féminin est une belle âme, louable, fidèle à sa vision de la vie. Mais pour un milieu modeste, ces gens de peu qu'on veut nous faire voir, elle a quand même sacrément de la culture cette Jocelyne, les références culturelles ne manquent pas, et voyez comme il est fort Delacourt, je relirais bien Belle du Seigneur, là, tout de suite.
P. 29 : « Nous nous rencontrâmes pour la première fois à la mercerie alors qu'il venait y acheter trente centimètres de dentelle de Valenciennes pour sa mère, une dentelle aux fuseaux à fils continus, très fine, aux motifs travaillés en mat ; une merveille. C'est vous qui êtes une merveille, me dit-il. Je rougis. Mon cœur s'emballa. Il sourit. Les hommes savent les désastres que certains mots déclenchent dans le cœur des filles ; et nous, pauvres idiotes, nous pâmons et tombons dans le piège, excitées qu'un homme nous en ait enfin tendu un. »
Lu dans le cadre du 1er Grand prix des Lecteurs du Maine Libre, verdict à la 25ème heure, le salon du Livre du Mans, le 14 octobre 2012.
Les cinq romans en lice sont:
« Le gouverneur d’Antipodia » de Jean-Luc Coatalem (Le Dilettante)
« La liste de mes envies » de Grégoire Delacourt (JC Lattès)
« Ce qu’il advint du sauvage blanc » de François Garde (Gallimard)
« Les sacrifiés » de Juliette Morillot (Belfond)
« L’homme à la carrure d’ours » de Franck Pavloff (Albin Michel).
JC Lattès, février 2012, 185 pages, prix : 16 €
Crédit bandeau couverture : © Mitch Hrdlicka / GO Premium / GraphicObsession et éd. JC Lattès
Ma vie d'adulte – Isabelle Bauthian, Michel-Yves Schmitt, Virginie Blancher
Scénario : Isabelle Bauthian
Dessins : Michel-Yves Schmitt
Couleurs : Virginie Blancher
Liz a une trentaine d'années, un ami depuis 10 mois (un exploit), et un CDD de vendeuse en librairie. Sa sacro sainte liberté, des petits jobs alimentaires qui lui conviennent, la farouche volonté de ne pas entrer dans un moule, une voie toute tracée, celle de l'adulte responsable qui a entre autre un bon boulot, stable, bien payé et qui sait jouer à merveille avec les conventions sociales.
Mais Liz ne cesse aussi de se remettre en cause, de s'interroger sur elle-même, sur ses envies profondes, et l'air de rien, sa volonté peut-être désormais de construire autre chose.
Une BD touchante, réaliste, qui décrit très bien ce temps plus ou moins long où l'on se cherche, le refus du « comme tout le monde », les illusions et les désillusions, et qui offre de très belles pages, parfois drôles, sur le shopping avec une prétendue copine – collègue de boulot (elle canon qui rentre dans n'importe quelle fringue, Liz, qui ne faisait plus attention à elle depuis longtemps et ne rentre dans aucun jean), le marathon ubuesque des dossiers et courriers de Pôle Emploi, la relation fragile et hypocrite avec les collègues de bureau...
Liz ne perd jamais sa franchise et sa fidélité à elle-même, même si parfois ça pose problème. Et doucement elle évolue, change, et la trouvera, sa voie ?
Quand on feuillette l'album, certaines pages paraissent très chargées en texte, une BD très écrite donc, mais qui se lit avec grand plaisir.
La boîte à bulles, coll. Champ livre, avril 2012, 79 pages, prix : 15 €
Etoiles :
Crédit photo couverture : © Michel-Yves Schmitt,Virginie Blancher et éd. La boîte à bulles.
La bibliothèque du Docteur Lise - Mona Thomas
Lise Ménard est cancérologue à Paris, de nos jours. Un anthropologue la rencontre pour des entretiens à bâtons rompus autour de son métier et des lectures.
Si je connaissais les collections « bleue » et « framboise » de chez Stock, je ne connaissais pas encore la verte, plus exactement appelée « la forêt » et dirigée par Brigitte Giraud, auteur que j'aime beaucoup par ailleurs. J'avoue ne pas bien percevoir la ligne éditoriale de cette nouvelle collection, qui publie des textes de littérature sans a priori sur la forme, romans, récits, nouvelles…, dont la démarche d’écriture, la voix et le travail sur la langue font preuve d’un engagement fort et singulier. C'est le cas d'un peu toutes les collections, non ?
Il est précisé « roman » sur la page de titre, c'est nécessaire sans doute, car c'est vrai qu'au fil du texte on ne sait pas très bien si l'on est dans un témoignage réel ou une fiction. Peu importe à vrai dire.
C'est bien sûr le genre de livre qui fait la part belle à la littérature, et qui au détour de la conversation, cite un nombre important de titres qu'on ne peut s'empêcher de noter pour la plupart. Néanmoins je ne perçois pas de fil conducteur logique dans cette histoire, juste un prétexte à parler littérature de façon un peu brouillonne. On ne parle pas vraiment médecine, ni entièrement littérature. Les deux sont mêlés de manière informelle, sans objectif particulier, ou alors je ne l'ai pas perçu. J'ai davantage le sentiment d'une recension d'ouvrages parlant de la maladie, des patients, de la relation du malade au médecin et qu'on aurait casés là sous prétexte d'un roman sur cette cancérologue dont on dépouillerait les bibliothèques.
Agréable à lire, mais un peu fourre-tout ?
p. 130 « Sachez qu'il fut un temps où, à part le châtelain abusif (référence à Perturbation de Thomas Bernhard dont elle parle plus haut), les gens appelaient quand ils avaient quelque chose. Maintenant ils appellent pour une urgence bien avant la moindre petite douleur. Ce n'est pas rien d'être soumis de façon durable à la plainte d'autrui, je vous assure. On entend quelque fois, Le docteur est dur, il n'écoute pas. En réalité le docteur est usé. »
p. 152-153 : « Médecin, on est convaincu d'agir pour le bien-être des gens, on ne dépassera pas un certain degré d'action, une manœuvre inscrite dans un schéma non pervers, qui réponde vraiment à quelque chose d'essentiel. Sinon, perte d'énergie, de confiance, du plus précieux. Simplement, reconnaissez que pour dire ça, il faut une expérience et une délicatesse que je n'ai pas acquises toute seule ou à la fac, mais dans la fréquentation assidue de ma bibliothèque. Parce qu'un roman ce n'est pas seulement une histoire. Un grand roman, c'est parfois à peine une histoire. En ça je vous assure, la littérature m'assiste et ne cesse de me soutenir dans l'exercice de la médecine. Vous comprenez pourquoi Henry James a sa place parmi mes livres ? A cause de sa subtilité qui m'aide à entendre les gens. À côté de Tanizaki. »
Mais ses références ne sont pas que classiques ni écrites :
p. 73 : « Des patients nous citent House comme le super doctor qu'ils auraient consulté la veille. Bien plus de gens qu'on ne l'imagine oublient qu'ils ont vu un acteur, qu'il s'agit d'un scénario et que les grands malades du film sont des comédiens en pleine forme, à commencer par celui qui joue House d'ailleurs, ne souffrant pas plus de la jambe qu'il n'est accroché au Dicodin. Au lieu de discuter, je mets House de mon côté. Un malade me dit, la voix anxieuse, Vous êtes sûre ? Oui. Certaine ? Maintenant qu'il y a Docteur House, je dis, on n'a pas le droit de se tromper de diagnostic. Grâce à l'incroyable créativité des séries américaines, on dispose de toutes les solutions, vous pouvez être tranquille. Ou pour détendre l'atmosphère d'une consultation qui risque d'être tendue, Ne vous inquiétez pas, je dis, on va s'en sortir, il suffit de trouver le bon épisode du Docteur House. »
Stock, coll. La Forêt, mars 2011, 196 pages, prix : 17,25 €
Etoiles :
Crédit photo couverture : © éd. Stock