Couleurs vives, dessins attrayants, cette nouvelle collection d’imagiers et d’histoires thématiques s’adresse aux petits dès 18 mois. Les pages épaisses et cartonnées résistent bien aux petites mains.
Deux types d’albums (qui ont tous le même format : 16 x 16 cm) regroupent soit des imagiers autour d’un thème, soit des histoires autour d’une notion. Dans tous les cas, le registre est drôle (la collection s’appelle « ouistiti fait rire les petits » ! Les 4 albums déjà parus sont tous écrits et illustrés par Florence Langlois.
La petite histoire des couleurs :
Grand Loup noir a une très grosse faim. Il se prépare une très grande tartine avec des animaux de couleur différente : un poussin jaune, un cochon rose, un lézard vert... Pour repousser le moment de se faire dévorer, les animaux lui font remarquer qu'il manque telle ou telle couleur : il repart alors en quête de l'animal de la couleur approprié. Tout va bien jusqu'au violet : comment trouver un animal violet ? Je ne vous dévoile pas la chute, pauvre loup, on s'est bien moqué de lui !
Titres parus :
La petite histoire des couleurs
La petite histoire des émotions (au secours, en tant que bibliothécaire, je n’en peux plus des dizaines et des dizaines de bouquins sur le sujet. Et pour les adultes, ça s’appelle développement personnel ;-) )
Alex a 17 ans et il assiste à sa première réunion des suicidants : les suicidants, ce sont ceux qui ont raté leur suicide, à ne pas confondre avec les suicidaires, ceux qui ne sont pas passés à l’acte.
Il y rencontre Alice, pour qui son cœur se met à battre immédiatement. Dans cette clinique psychiatrique de la Citadelle (féérique) qui accueille des alcooliques, des anorexiques, des sexooliques et des suicidants, vont naitre de belles amitiés, notamment avec Victor, Colette et Jacopo.
Tous les cinq vont s’enfuir pour un suicide collectif, mais le voyage ne va pas se passer comme prévu !
Le sujet paraît sombre et pourtant, il y a une belle lumière, de la poésie, de l’humour, et un attachement évident pour ces personnages. J’ai adoré le côté un peu étrange et légèrement barré du début du roman, puis la tournure qu’il prend et la pêche qu’il donne.
Un cœur battant, c’est un cœur qui bat, mais c’est aussi une ressource intérieure de battant.
La mère d’Alex était bipolaire. Elle s’est pendue quand il avait 8 ans. C’est lui qui l’a trouvée. Il n’a d’abord ressenti aucune émotion, comme si son cœur était entouré d’une épaisse couche de glace. C’est à 17 ans que la douleur est apparue, il a pleuré pendant des jours et décidé de ne plus aimer personne : « à quoi ça servait d’aimer les gens, puisqu’ils allaient mourir ? » (p.32)
Alice et l’équipée folle qui s’en va chez Jacopo pourraient bien le faire changer d’avis…
« Il a peur de la mort », elle a simplifié.
« Ben, c’est normal… T’as pas peur de la mort, toi ? »
« Non » elle a répondu, « c’est de la vie que j’ai peur. La mort, je ne la connais pas. En revanche je connais la vie, je sais de quoi elle est capable. Et c’est terrifiant. »
Là-dessus, Alice nous a plantés là, et elle est sortie fumer. (p. 134.)
Sur un sujet délicat et sensible à l’adolescence, Axl Cendres réussit un très beau roman, un peu loufoque, plus profond qu’il n’y paraît, et qui fait un bien fou. Il m’a souvent fait penser à la BD Adieu, monde cruel pour le thème, avec un traitement différent mais bienfaisant.
Et ne vous privez pas d’écouter la playlist offerte en page liminaire, ça prend dix minutes à enregistrer sur Deezer ou Spotify et ça complète parfaitement le livre.
Sarbacane, coll. Exprim’, septembre 2018, 192 pages, prix : 15,50 €, ISBN : 978-2-37731148-4
Peter Seurg (qui pourrait fort bien ressembler à Philippe Ségur, peu importe, mais l’anagramme est lisible), est victime de burn-out et craque. Séparé de sa compagne, il sombre dans un délire psychotique et une déchéance physique dus au cocktail de psychotropes, d’alcool et de drogues qu’il ingurgite.
Si j’ai trouvé de très beaux passages sur la société actuelle notamment sous la forme de réflexions politiques, j’ai dans l’ensemble trouvé ce roman fort long et ennuyeux, tournant en rond dans un univers du délire qui m’a rapidement lassée.
Je l’ai fini néanmoins car il s’agissait d’une lecture Netgalley mais je n’ai pas été sensible au récit de la descente aux enfers de cet homme avant sa renaissance. Ça arrive et ce n’est pas grave.
Buchet-Chastel, août 2018, 240 pages, prix : 17 €, ISBN : 978-2-283-03130-8
Le 12 mai 1976, l’AS de Saint-Étienne affronte le Bayern de Munich en finale de la coupe d’Europe. Nicolas, 13 ans ½, vit le match de foot en direct en même temps qu’il revient sur le départ de sa mère et l’arrivée de la nouvelle compagne de son père, Virginie, accompagnée de son fils Hugo qu’il déteste. Ou plus exactement, il n’a rien demandé, et souffre du divorce de ses parents.
Le roman est bref (173 pages) et malgré cela j’avoue que passé la moitié, j’ai survolé les scènes descriptives du match de foot (trop c’est trop quand on n’y voit aucun intérêt). De même tous les propos élogieux sur cet « événement » m’ont ennuyée, Coupe d’Europe peu importe, le foot ne m’intéresse pas. Surtout qu’à cette époque, j’avais 4 ans, alors si mémoire collective il y a, j’étais trop jeune pour y participer.
L’intérêt du livre est bien évidemment dans l’autre part de l’histoire, le ressenti de Nicolas sur la séparation, la douleur d’avoir « perdu » sa mère, et la fin que bien évidemment je ne dévoile pas. La construction mêlant histoire personnelle et histoire collective à travers la passion du football et le récit d’un match en particulier ajoute aussi à la qualité de l’ouvrage, mais pour ma part, elle m’a pesée plus qu’elle ne m’a séduite.
Un premier roman de la rentrée littéraire d’automne, lu dans le cadre des 68 premières fois, que je n’aurais jamais lu sans cela, et encore moins au vu de sa couverture hideuse (que les footeux me pardonnent ou me brûlent sur le bûcher !)
Finitude, août 2018, 137 pages, prix : 15 €, ISBN : 978-2-36339-097-4
La narratrice est une enfant que l’on va suivre jusqu’à la fin de l’adolescence. Elle vit avec ses parents et son petit frère Gilles, dans une maison quelconque dont une pièce a tout de même été aménagée en musée des trophées, elle l’appelle « la chambre des cadavres ». Car son père est chasseur de gros gibier, alcoolique et violent. Sa mère est effacée, elle la voit comme une amibe.
P. 13 : « La principale fonction de ma mère était de préparer les repas, ce qu’elle faisait comme une amibe, sans créativité, sans goût, avec beaucoup de mayonnaise. Des croque-monsieur, des pêches au thon, des œufs mimosa et du poisson pané avec de la purée mousseline. Principalement. »
L’enfant est assez protectrice avec son petit frère, elle veille sur lui, et le réconforte quand il a peur des histoires racontées par une voisine : « les histoires, elles servent à mettre dedans tout ce qui nous fait peur, comme ça on est sûr que ça n’arrive pas dans la vraie vie ». (p. 17)
Elle aime acheter des glaces avec lui auprès du marchand ambulant, dont le camion arrive toujours avec une petite musique, « la valse des fleurs » de Tchaïkovski. C’est en lui servant de la chantilly qu’un terrible accident va se produire, qui va marquer son frère à jamais et changer leur vie.
A partir de là, c’est l’engrenage. La montée en puissance d’un texte d’une maîtrise exceptionnelle, l’écriture est au cordeau, aucun mot de trop, et le bon mot à la bonne place. L’histoire est sombre, le roman vire au noir – très noir, mais la lumière de l’intelligence toujours guide vers l’espoir.
Adeline Dieudonné non seulement raconte une histoire singulière, glaçante, qui marque, mais elle le fait dans un style épuré à l’extrême qui dit toute la bestialité du mal, dans la métaphore de la hyène, une horreur qui n’oublie pas d’ouvrir des espaces lumineux dans la découverte de l’amour avec un voisin bien plus âgé, et la découverte de la bienveillance auprès d’un professeur de sciences.
On finit le roman en apnée, dans une tension insupportable, mais dont la fin apaisera, enfin.
Adeline Dieudonné, auteure belge d’expression française, a déjà reçu le prix Première Plume 2018 pour ce premier roman. Elle est sur la première liste du Goncourt. Curieux puisqu’il existe par ailleurs un Goncourt du 1er roman. J’ignore si elle y restera, en tous les cas son premier roman est d’une maîtrise et d’une qualité telles que je ne peux que le recommander vivement.
P. 127 : « Moi je voulais avancer. J’avais treize ans et on me parlait encore de la composition de la cellule. Et je n’aimais pas non plus mon prof parce qu’il était mou. Il avait démissionné de tout. Son odeur était le premier signe de son laisser-aller, mais tout le reste suivait. D’ailleurs, tout le monde à l’école était mou. Les profs, les élèves. Les uns étaient bêtement vieux et les autres allaient vite le devenir. Un peu d’acné, quelques rapports sexuels, les études, les gosses, le boulot et hop ! Ils seront vieux et ils n’auront servi à rien. Moi, je voulais être Marie Curie. Je n’avais pas de temps à perdre. »
L’iconoclaste, août 2018, 265 pages, prix : 17 €, ISBN : 978-2-37880-023-9
Un classique duel comme dans les westerns, dans un désert aride du Far West : oui mais…
D’un côté un Indien, de l’autre un cowboy, et au milieu une rivière. Ils s’affrontent munis respectivement d’un pistolet et d’une flèche et son arc. A chaque fois qu’ils sont prêts, quelque chose dans la nature vient les déranger. La scène tourne vite au comique !
L’auteur illustrateur utilise la reliure et donc la découpe des scènes en page gauche et page droite à merveille pour ce scénario qui s’amuse des classiques du cinéma, et démontrer qu’au fond, ils pourraient peut-être bien s’entendre, ces deux compères ! Avec une toute dernière page post générique savoureuse à ne pas manquer !
Eve est mariée à Antoine, elle a 33 ans, ils ont deux enfants, Axel et Césarine. Alors que son mari est en déplacement, elle laisse ses enfants à ses parents pour se reposer un peu… Après avoir croisé le regard d’un homme dans le métro et perdu son téléphone portable, elle s’envole pour le Japon, dans l’idée que cet homme vit là-bas.
Elle part sur un coup de tête dans ce pays où vécut sa grand-mère divorcée et reconstitue des bribes de son histoire familiale.
Crise de couple, réflexion sur soi, ce roman intimiste n’a pas réussi à me convaincre.
La mise en place est longue et d’une platitude exaspérante, les enchainements sont tous improbables, et l’ensemble reste plat, d’une trop grande banalité. Un roman sans surprise, que clôt une fin assez ridicule.
Une lecture "68 premières fois", sélection de premiers romans de la rentrée littéraire :
Michalon, août 2018, 191 pages, prix : 17 €, ISBN : 978-2-84186-894-0
Qu’est-ce qui est tombé de l’arbre ? Un œuf. Gilles, un petit corbeau, est en train d’éclore. Mais sa maman a peur : le renard rôde ! Attention Gilles ! Mais Gilles est pressé d’explorer son environnement et de se mettre un petit ver dans le bec. La maman, plus sage, est en quête d’un fromage, car rappelez-vous… une certaine fable du corbeau et du renard !
Le texte en randonnée avec une question qui revient donne envie à l’enfant de réagir et de répondre. L’album est simple, mais efficace : un texte court sur la page de gauche, un dessin pleine page à droite, sauf pour les premières et dernières doubles pages.
J’aime le côté épuré du texte et de l’illustration (voir ici), le lien à la fable (peu importe si l’enfant ne la connait pas encore, ce peut être l’occasion !) : à tout moins on comprendra bien la sagesse de la maman. Et on s’amuse et on rit, c’est bien aussi !
Idéal avec des 2-5 ans.
Hélium / Actes Sud, mars 2018, prix : 11,90 €, ISBN : 978-2-330-09305-1
Sami, Mary, Julien et Monelle sont lycéens dans une école d’arts. Ils ont dix-sept ans et la vie devant eux. En cours, quand ils travaillent avec Joos, un beau néerlandais qui pose comme modèle nu, forcément les blagues et les émotions sont à vif. C’est l’âge des premières amours et des premiers couples. Cathy Ytak y va franco pour appeler un chat un chat et utiliser les mots crus du désir et de la sexualité. Mais c’est ainsi que parlent les ados non ?
Des couples se forment, des désirs naissent, l’homosexualité n’est taboue que dans les esprits des parents et du reste de la société (ce qui fait quand même beaucoup à supporter), et nous sommes en 1992. Épidémie de SIDA, découverte de la fulgurance du VIH quand la maladie est déclarée, honte, colère, lutte, et manifestations virulentes d’Act Up, association militante, … le roman se veut engagé et initiatique pour ses personnages.
Parce que 25 ans après rien n’est gagné, il est toujours bon que les ados d’aujourd’hui abordent ces thèmes, et puissent être informés et en débattre.
J’ai aimé le ton naturel de Cathy Ytak, qui risque de bousculer les enseignants dans les établissements scolaires (je l‘ai lu dans le cadre d’un prix des lecteurs collégiens et le langage utilisé n’est pas vraiment celui de l’Académie), mais justement, elle ne se moque pas de son lectorat et sait le toucher.
Les émotions sont fortes, que ce soit dans la colère, l’affirmation de soi, l’amitié ou l’amour. Touchant et bien construit, le lecteur ne peut qu’être ému à son tour. Je recommande !
Sélectionné pour le prix des lecteurs 13-16 ans
de la ville du Mans / département de la Sarthe 2019.
Talents hauts, coll. Les héroïques, septembre 2017, 253 pages, prix : 16€, ISBN : 978-2-36266-197-6
Joseph Kamal est incarcéré pour un casse qui a mal tourné et au cours duquel son frère a été abattu par la police. La description très réaliste de la violence de la prison est effroyable, c’est une première fin du monde pour Joseph. Puis survient une catastrophe nucléaire qui décime une partie de la population, et permet à Joseph de s’évader et de se réfugier dans une zone sinistrée abandonnée. Il est miraculeusement indemne. Deuxième fin du monde. La troisième ? c’est la solitude qu’il va affronter, nouveau Robinson Crusoé des maisons abandonnées dans une campagne déserte.
Au départ, la survie est simple et il revit après tant de violences endurées. Les supermarchés abandonnés et les maisons vides sont abondamment approvisionnés. Il n’y a plus d’électricité, plus personne. L’homme est-il fait pour vivre seul ? Il faut voir l’empressement de Joseph à recueillir des animaux et son attachement à ces derniers, pour comprendre combien la solitude est complexe à endurer (alors qu’il la souhaitait plutôt au moment de la prison !) et la nature riche de ressources, mais pas de celle du lien humain !
Sophie Divry surprend une fois encore par sa capacité à changer complètement de registre d’un roman à l’autre. Elle fait preuve ici aussi d’une belle écriture dans un éloge de la nature et la description psychologique de son personnage est juste et sensible. Une plume à ne pas manquer !
Extraits :
« Plusieurs heures ainsi pleurant, allongé par terre. Rien ne m’était jamais arrivé d’aussi violent. J’ai mal partout, je suis affreusement humilié, et victime d’une manipulation qui me dépasse dans sa monstruosité.
Les heures passent, aucun médecin ne vient. Cet abandon me déchire plus que la douleur physique, il déçoit une attente profondément ancrée dans mon esprit. La détresse me submerge. C’est une souffrance atroce d’être ainsi abandonné, surtout quand on sait que derrière les portes, par-delà les coursives, au fond d’un autre couloir, il y a un médecin, une infirmerie, mais que ces gens ne seront pas prévenus. »
« L’émotion est si forte que Joseph s’est assis.
C’est de l’anglais, il ne sait pas qui, il ne comprend pas, mais c’est une voix humaine.
Dans cette cuisine pleine de poussière, dans ce village, voilà que le silence est vaincu. La musique embrasse l’espace, elle colore les murs de cette piaule de retraités-à-confitures.
Tremblant, Joseph appuie sur Stop. Le silence s’étend à nouveau tel un lac glacé autour de son corps.
Comme d’habitude, il avait d’abord cherché la radio, mais sur l’arc des fréquences, ce n’est qu’une grêle de parasites. Il a mis sur Play. »
Autre roman de l’autrice sur ce blog (cliquez sur le titre) :