Gabriële - Anne et Claire Berest
Anne et Claire Berest dressent le portrait de leur arrière-grand-mère, Gabriële Buffet, dont elles ont appris l’existence tardivement. Gabriële Buffet était une théoricienne de l’art visionnaire, la femme de Francis Picabia, la maitresse de Marcel Duchamp, et l’amie intime de Guillaume Apollinaire.
Le récit couvre essentiellement les années 1908-1919 et éclaire la personnalité de cette femme exceptionnelle, tant par son intelligence artistique que par son féminisme avant-gardiste et son dévouement sans faille à son mari tout aussi particulier, et ce sans jamais se départir de sa liberté de pensée.
Je suis entrée dans ce livre à reculons, pensant que le sujet et la période ne m’intéressaient pas du tout, et j’y suis retournée avec curiosité, le récit des sœurs Berest se révélant littéralement passionnant. La fluidité de la narration fait qu’il se lit comme un roman. La création de mouvements artistiques, le monde de l’art, les relations étroites avec de grands artistes comme Duchamp et Apollinaire, le mode de vie souvent « hors du monde » de ces protagonistes, notamment pendant la guerre, rendent leur approche fascinante.
En filigrane, le rapport de Gabriële à la maternité, alors qu’elle eut 4 enfants, est surprenant. Elle était tout entière à son mari, même quand celui-ci fréquentait ouvertement d’autres femmes, à son homme et à son art.
Un seul regret peut-être, celui de ne pas avoir inséré une iconographie dans le livre, afin de mieux se représenter les œuvres citées sans aller voir sur Internet en parallèle, alors que les nombreuses notes référant au travail de recherche sont (à mon goût) inutiles pour le lecteur lambda.
Une découverte culturelle passionnante.
Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2018.
p. 389 : « Gabriële et Francis, même si cela peut paraître étonnant, sont plus liés que jamais. Picabia ne cache absolument rien à son épouse. Et il s’en remet à elle. Elle est son double, sa famille, sa complice. Même s’ils décidaient de ne plus vivre ensemble, cela ne changerait rien. Ils sont liés, comme deux flammes jumelles, à la vie, à la mort.
Tous les jours, elle va marcher, c’est son salut. Cette femme si cérébrale devient sensuelle au contact des pins, des lacs et des chemins enneigés, comme si cette nature dure et accueillante lui permettait d’être tout à fait elle-même, de s’abandonner un peu. »
Stock, août 2017, 440 pages, prix : 21,50 €, ISBN : 978-2-234-08032-4
Crédit photo couverture : © Alexandre Guirkinger et éd. Stock