Au moment où elle écrit cette lettre, la narratrice se souvient de son mariage manqué un an plus tôt. Comme le veut cette collection chez Nil éditions, les affranchis, un écrivain est invité à « écrire une lettre, une seule », pour « s’offrir le point final, [et] s’affranchir d’une vieille histoire ». Pia Petersen s’adresse donc ici à un ancien amant.
Longtemps elle a été la maîtresse de cet homme marié, une situation qui lui convenait. C’est lui qui a voulu divorcer pour elle, et jamais elle n’a réussi à lui faire comprendre combien elle existait suffisamment en tant que femme et écrivain, et qu’elle n’avait nul besoin de mariage ni de maternité.
Le propos est bien argumenté, et opte pour une position courageuse qui n’est pas facile à tenir : de tous temps les femmes se sont construites autour de leur ventre et de leurs émotions, et aujourd’hui encore une femme qui n’a ni mari ni enfant est regardée de travers. Elle se positionne aussi contre le mariage, une tradition d’un autre temps qui n’est plus adaptée à la vie actuelle, il suffit de voir le nombre de divorces ! Elle avait « dit oui à l’amour, mais en tant qu’être libre, non soumis à un devoir de contrat. » (p.27). « Le mariage, c’est signer un contrat dans lequel il est stipulé qu’il ne faut plus jamais tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Est-ce qu’on a si peur de perdre l’autre qu’on soit obligé de lui mettre un contrat autour du cou ? » Elle débat (seule) du mariage et de la liberté, et se rappelle les remarques de ses amis, les plus dures venant toujours des femmes dès lors qu’était abordé le sujet de la maternité.
Si j’entends les arguments de l’auteur au sujet de la maternité, je trouve que certains sont parfois extrêmes.
J’ai trouvé intéressante sa vision de la littérature dominée les femmes : « en tant que principale acheteuse de livres, la femme impose son goût sur le monde littéraire et au travers de ses goûts, sa perception de la littérature. Entre Harlequin et l’autofiction, je me demande bien où j’irais pour me poser des questions sur le monde. » (p.96), propos un peu rapides et excessifs non ? Toutes les femmes ne lisent pas et n’écrivent pas ces deux seuls genres littéraires ! Elle parle avec des mots justes de sa liberté créatrice et du rôle de la littérature (s’interroger et comprendre le monde), qu’elle entend défendre et opérer en tant qu’écrivain, et non en tant que femme qui ne s’intéresserait qu’à l’amour, au couple et à la psychologie. La raison plutôt que l’émotion. (Comme si à tout jamais ces deux-là étaient inconciliables).
Le récit prend parfois des allures de pamphlet, presque violent et agressif, comme si elle était lasse de devoir sans cesse se justifier, poussant le débat d’idées bien plus loin que le motif premier de la lettre. Je ne suis pas d’accord avec tous les propos, mais la réflexion sur le genre féminin n’en demeure pas moins tout à fait pertinente et intéressante.
Beaucoup d’extraits chez Sophie lit (c’est vrai qu’il est difficile de ne pas relever la plupart des phrases !)
Nil éditions, octobre 2013, 107 pages, prix : 8,50 €
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Crédit photo couverture : © Nil éd. / Robert Laffont