Baumes – Valentine Goby
Je ne connaissais pas cette petite collection « essences » chez Actes Sud.
Dans Baumes, Valentine Goby offre le récit autobiographique de son enfance, à travers le parfum et l’écriture, son rapport à son père qui travaillait dans une usine à Grasse, terre des parfumeurs, et son émancipation, tant olfactive que singulière et scripturale.
Elle identifie aisément chaque essence pure, et dès l’adolescence, elle voudra un parfum de femme. C’est son père qui le lui paiera, mais c’est elle qui le choisira : Paris, d’Yves Saint-Laurent. Le parfum qui la conduira aussi à la capitale plutôt qu'à la reprise de l’entreprise familiale. Plus tard, vers vingt-cinq ans, elle s’affirmera en choisissant Poème de Lancôme, que son père déteste, il lui demande même de ne plus le porter et d’en changer. Elle lui tiendra tête.
Le parallèle avec l’écriture et son devenir d’écrivain est omniprésent aussi. A treize ans, elle découvre le roman de Patrick Süskind, le parfum. Page 35 : « […] dès la première page, je suis saisie à la mesure de mon arrogance : l’écriture de Süskind fabrique des odeurs ; des odeurs puissantes comme des essences pures. La langue est sa matière première. Mon père traque les plantes à parfum à travers le monde, Süskind débusque les mots dans la jungle de la langue et à la fin, tous les deux fabriquent des odeurs. Je découvre que le mot à lui seul provoque la sensation. Par l’écriture, Süskind crée le réel, et d’emblée il s’en affranchit. Une liberté pareille me colle le vertige. Süskind est l’homme le plus puissant de l’univers. Il est plus puissant que mon père. » […] « L’odeur te signe et te distingue ».
La langue deviendra la matière première de Valentine Goby, et ce petit opus est un très bel hommage, à son père, à la construction et l’affirmation de soi, à la littérature aussi.
Une belle manière de poursuivre la lecture de cette auteure.
Merci à Véro pour ce beau et symbolique cadeau !
Actes Sud, coll. Essences, octobre 2014, 63 pages, prix : 10 €, ISBN : 978-2-330-03689-8
Crédit photo couverture : © éd. Actes Sud