Je sais combien ce livre est cher à Cuné aussi je sais combien je
vais la décevoir en ne l’ayant pas apprécié autant qu’elle. Mais je ne peux jouer l’hypocrisie de crier au chef-d’œuvre juste pour la faire taper des mains (au pire, elle me tapera dessus à coup
de bouquins, elle a prévu une razzia en librairie cet après-midi).
L’élégance me hérisse. Oui je sais, c’était facile.
A l’heure où j’écris ces notes [ça c’était
hier], je n’ai pas encore fini la lecture de ce roman. J’en suis à la page 280 sur 359 et à vrai dire je m’arrêterais là que ça ne me gênerait pas. Ce qui me
pousse à poursuivre, c’est une curiosité envers le « produit fini », afin de tenter de comprendre ce qui a tant plu au public en général et aux libraires en particulier (qui lui ont
décerné leur prix en 2007), et non un besoin irrépressible de connaître la fin ou un emportement incontrôlable des émotions, absentes pour ma part,
ou plutôt, négatives.
Au fond, je ne sais pas ce qu’a voulu faire l’auteur. Plaquer son élégante (et respectable) culture sur des personnages de roman, menant ainsi un artifice
stylistique à son sommet, mais pourquoi ? Plus qu’une histoire (certes, elle existe), j’ai l’impression de lire une juxtaposition de savoir(s) liés d’une curieuse façon. La philosophie,
Tolstoï, la grammaire, le Japon… Serait-ce un catalogue de ce que semble aimer l’auteur ? Mais dans quel but ? Et que vient faire là le Japon ? Un nouveau propriétaire ardéchois
(ou ch’ti si ça vous chante) n’aurait-il pas fait l’affaire ? La culture japonaise serait donc la seule élégante digne de respect dans ce Paris bourgeois ? Une zénitude éthérée
meilleure que la vieille Sorbonne ? J’ai l’impression de morceaux collés les uns avec les autres mais l’amalgame ne prend pas.
A force de vouloir critiquer les autres à coups de mots pédants, les personnages
principaux que sont Renée la concierge et Paloma l’ado surdouée me semblent bien pires. Méprisants, même. Du coup ils provoquent chez moi une irritation montante.
Vous l’aurez compris, l’écriture maniérée a fini par m’agacer. Prétention et pédanterie
ont pris le pas sur le plaisir de découvrir qu’on pouvait encore parler écrire français correctement au XXI ème siècle, alors que sortent au même moment des romans écrits en SMS
sponsorisés par des opérateurs téléphoniques.
Un exercice stylistique, voilà d’abord ce que j’en retiens. Un artifice qui détruit
toute émotion. Une dissertation comme sans doute les profs aimeraient en lire plus souvent. Une dissertation qui parfois me fait peur : ces êtres ne seraient-ils pas tout bonnement
intolérants ?
Renée aime la grammaire et nous le démontre, dommage que l’éditeur ait laissé passer juste après cette belle tirade
cette coquille : p. 186 : « Chère Madame, me dit-il, je suis heureux que mon envoi ne vous aie pas
indisposée. » [tirage de nov. 2006]. Que mon envoi ne vous ait pas
indisposée, non ? (Il faut bien que je soigne ma réputation de relevage des coquilles et erreurs de conjugaison dans les romans si je veux
continuer à me faire lyncher). Bien sûr l’erreur est humaine, dommage qu’elle arrive au mauvais moment ici précisément.
Suite de mon commentaire, après lecture de la fin du roman [aujourd’hui, donc].
Il y a quand même un personnage que j’aime dans ce livre, c’est Manuela, la femme de
ménage et amie de la concierge. La seule qui me semble normale et sympathique dans cette histoire. Fallait-il en faire des tonnes pour tous les autres ? La fin me déçoit également, car
elle ne me semble pas à la hauteur de ce qui a précédé : tant d’exigences impitoyables pour une presque banalité vite expédiée ? Sans doute espérais-je de meilleurs dénouements pour ces
êtres hors normes.
Mais il se peut aussi que je n’aie rien compris. Ou n’aie pas voulu voir de second degré. Car des échanges par mails avec Cuné m’ont
laissé voir que son interprétation (très différente de la mienne) se tenait aussi, et qu’elle pouvait même m’éclairer. Par exemple, je ne trouve pas qu’il y ait d’humour dans ce livre. Elle, si.
Et plein d’autres choses. Deux schémas de lectures diamétralement opposés qui montrent combien nous réagissons avec ce que nous sommes, ce que nous pensons, ce que nous aimons, sans oublier les
facteurs fatigue / détente ou autres du moment. Aussi je finis par personne n’a tort ou raison [encore heureux !], et puis on ne lit en général que pour
soi… même si parfois on en parle avec d’autres.
Ce roman ayant déjà presque 2 ans et l’effet best-seller en plus, je n’ai pas le courage d’aller relever tous les liens de la
blogosphère.
Gallimard, juin 2006, 359 pages, prix : 20
€
Ma note : 12/20
Crédit photo couverture : éd.
Gallimard.