Traduit de l'anglais par Georges-Michel SAROTTE
Ce roman autobiographique de Tatamkhulu Afrika raconte l’enfer des camps de prisonniers pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi, les sentiments et émotions qui ont surgi entre ces hommes et qui leur ont permis de tenir le coup.
Originaire d’Afrique du Sud, Tom Smith, le narrateur, est fait prisonnier en Afrique du Nord et sera conduit dans un camp, d’abord en Italie, puis en Allemagne, jusqu’à la Libération.
Bien des années après, alors qu’il est âgé et que ces événements sont loin derrière lui, il reçoit un colis et une lettre d’un soldat qu’il a connu jadis : ainsi démarre le roman et la narration de cette période aussi douloureuse que lumineuse, que peut évoquer l’oxymore du titre.
Car si les passages sur les maladies, les diarrhées, les poux, et toutes les situations dues au manque d’hygiène, à la promiscuité et à la torture sont difficiles, il y a dans ce roman quantité de scènes d’une beauté pure, des moments d’éclats lumineux qui en font oublier le cadre.
C’est un roman d’une grande sensibilité, qui aborde aussi de façon pudique et splendide le désir entre deux hommes, l’amitié, la fraternité, l’entraide, mais aussi l’amour et la sexualité.
Le triangle entre Douglas, l’infirmier prisonnier qui a aidé Tom dans les pires moments pendant les transferts, Danny, l’Anglais, l’ami avec qui la relation est troublante et Tom le narrateur montre bien combien le désir et l’attachement ne sont pas aisés à définir, ni uniformes pour tous.
Le texte est traversé de passages magnifiques, presque poétiques, et l’importance que prend le théâtre et ses représentations par les prisonniers en fait presque oublier l’horreur bien réelle de l’enfermement et du traitement des hommes dans le camp.
L’auteur a réussi par son récit à transcender l’effroi de la réalité, sans la faire disparaître, et livre un roman aussi sensible qu’émouvant.
Un paradis amer, tout est là.
Extraits :
p.87 : "Je déplie ce qu’il m’a lancé. C’est un boxer, identique à celui qu’il porte et qui, à l’évidence, n’est plus à sa taille et tout aussi clairement à la mienne. Un sentiment de tendresse, d’une puissance que seule peut engendrer la tendresse, me secoue durant un bref instant dérobé à une époque paradisiaque."
p.241 : « C’est presque avec un sentiment de culpabilité que je tourne à nouveau le dos au paradis amer que nous abandonnons pour la deuxième fois, quelle que soit la dureté avec laquelle il nous a abrités, et que nous rejetons, comme la lascive Bessie a plaqué le garçon à l’air sombre près de moi. »
Presses de la cité, septembre 305 pages, prix : 21,50 €
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Crédit photo couverture : © éd. Presses de la Cité