Maudit soit le fleuve du temps - Per Petterson
Traduit du norvégien par Terje Sinding
J’avais noté ce titre lors du Salon du Livre de Paris 2011 consacré aux littératures nordiques. Depuis, j’ai lu surtout des avis négatifs de lecteurs, me dissuadant presque de l’ouvrir ! La faute à qui ? A une quatrième de couverture qui fait une promesse qu’elle ne tient pas. Le lecteur qui aurait choisi ce livre sur cette annonce de contact rétabli entre une mère malade et son fils qui affronte un divorce restera en effet sur sa faim. On ne peut pas dire que la communication s’établisse, bien au contraire, c’est plutôt une cohabitation forcée et vaine.
La mère d’Arvid, à l’annonce du cancer qui la frappe, décide de partir quelques jours dans sa maison de famille au Danemark. Elle embarque immédiatement sur le ferry qui part d’Oslo. Quand il l’apprend, Arvid, trente sept ans, confronté de son côté à la fin de son couple et au divorce, la rejoint au Danemark. Il n’a jamais été très intime avec sa mère, un peu comme un enfant maladroit, encombrant, trouvant mal sa place dans la fratrie, dont la mère n’aurait jamais bien su s’il était devenu adulte et autonome ou pas. Au fil de ces deux cent et quelques pages, c’est surtout la vie d’Arvid qui nous est racontée, son travail à l’usine, son engagement maoïste, sa petite amie, mais de son couple et de son divorce on ne saura rien, pourquoi, comment, l’auteur ne nous donne pas les clés. De même dans la vie de la mère, son passage douloureux sur une petite île avec un de ses enfants, on ne saura pas grand-chose. Et si mère et fils se retrouvent, ce n’est pas dans l’échange, mais plutôt dans les faits supportés tels qu’ils sont, chacun portant ses peines sans s’en ouvrir à l’autre.
Si je conçois donc la déception des lecteurs qui attendaient ces retrouvailles mère-fils - car il faut bien reconnaître que même l’issue du roman n’est que promesse avortée - j’ai tout de même beaucoup aimé ce texte, ces allers-retours constants entre présent et passé, enfance, jeunesse, relation à la fratrie, au travail, et la cocasserie de certaines scènes !
Maudit soit le temps qui passe en effet, et qui laisse finalement chacun sur le bord de la route, avec ses fêlures, sa fierté, et qui dit avec pudeur ici les échanges espérés qu’il est parfois déjà trop tard de voir aboutir.
Gallimard, juin 2010, 234 pages, prix : 18,50 €
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Crédit photo couverture : © « d’après photo © Plainpicture / Elextrons 08 » et éd. Gallimard