Trois fois la fin du monde - Sophie Divry
Joseph Kamal est incarcéré pour un casse qui a mal tourné et au cours duquel son frère a été abattu par la police. La description très réaliste de la violence de la prison est effroyable, c’est une première fin du monde pour Joseph. Puis survient une catastrophe nucléaire qui décime une partie de la population, et permet à Joseph de s’évader et de se réfugier dans une zone sinistrée abandonnée. Il est miraculeusement indemne. Deuxième fin du monde. La troisième ? c’est la solitude qu’il va affronter, nouveau Robinson Crusoé des maisons abandonnées dans une campagne déserte.
Au départ, la survie est simple et il revit après tant de violences endurées. Les supermarchés abandonnés et les maisons vides sont abondamment approvisionnés. Il n’y a plus d’électricité, plus personne. L’homme est-il fait pour vivre seul ? Il faut voir l’empressement de Joseph à recueillir des animaux et son attachement à ces derniers, pour comprendre combien la solitude est complexe à endurer (alors qu’il la souhaitait plutôt au moment de la prison !) et la nature riche de ressources, mais pas de celle du lien humain !
Sophie Divry surprend une fois encore par sa capacité à changer complètement de registre d’un roman à l’autre. Elle fait preuve ici aussi d’une belle écriture dans un éloge de la nature et la description psychologique de son personnage est juste et sensible. Une plume à ne pas manquer !
Extraits :
« Plusieurs heures ainsi pleurant, allongé par terre. Rien ne m’était jamais arrivé d’aussi violent. J’ai mal partout, je suis affreusement humilié, et victime d’une manipulation qui me dépasse dans sa monstruosité.
Les heures passent, aucun médecin ne vient. Cet abandon me déchire plus que la douleur physique, il déçoit une attente profondément ancrée dans mon esprit. La détresse me submerge. C’est une souffrance atroce d’être ainsi abandonné, surtout quand on sait que derrière les portes, par-delà les coursives, au fond d’un autre couloir, il y a un médecin, une infirmerie, mais que ces gens ne seront pas prévenus. »
« L’émotion est si forte que Joseph s’est assis.
C’est de l’anglais, il ne sait pas qui, il ne comprend pas, mais c’est une voix humaine.
Dans cette cuisine pleine de poussière, dans ce village, voilà que le silence est vaincu. La musique embrasse l’espace, elle colore les murs de cette piaule de retraités-à-confitures.
Tremblant, Joseph appuie sur Stop. Le silence s’étend à nouveau tel un lac glacé autour de son corps.
Comme d’habitude, il avait d’abord cherché la radio, mais sur l’arc des fréquences, ce n’est qu’une grêle de parasites. Il a mis sur Play. »
Autre roman de l’autrice sur ce blog (cliquez sur le titre) :
Ed. Noir sur Blanc, coll. Notabilia, août 2018, 240 pages, prix : 16 €, ISBN : 978-2-88250528-6
Crédit photo couverture : © éd. Noir sur blanc