Les jardins d'Hélène

Numéro Six - Véronique Olmi

3 Août 2007, 15:18pm

Publié par Laure

numero-six.jpgFanny Delbast est la petite dernière d’une famille de 6 enfants. A sa naissance, son frère aîné a déjà 20 ans. Son arrivée est inattendue, mais on fait avec, dans cette famille catholique. Le père est médecin et ancien de la guerre de 14, la mère, plutôt absente.

Aujourd’hui, Fanny a 50 ans, et c’est elle qui prend soin de son vieux père qui en a 100. Ce petit livre est une déclaration d’amour en même temps qu’un cri de douleur à ce père qui ne s’est pas occupé d’elle, on lit Fanny jalouse de l’amour entre ses parents, Fanny qui relit les lettres du front envoyé par ce tout jeune homme à l’époque, les horreurs hélas bien réelles tout juste esquissées, Fanny qui à présent garde son père tout près et rien que pour elle, Fanny qui veut le protéger d’une famille trop nombreuse, 5 frères et sœurs qui ont eu à eux tous 20 enfants et à leur tour 58 petits-enfants, Fanny qui elle n’a qu’une fille, Agathe, sans même l’ombre d’un père.

Ce qui touche chez Véronique Olmi, c’est cette précision quasi lapidaire de l’écriture, ces phrases courtes et simples qui vous touchent au cœur. Certaines pages sont d’une telle beauté qu’on les relit avec l’envie de les garder précieusement. Une forte histoire d’amour filial qui sortira gagnante malgré les tourments et les rancoeurs.

 

Ces extraits :

p. 11 « Ma place, c’est la dernière. La dernière de la famille, la numéro six comme on me présente quelquefois. Je suis venue sur le tard. Maman se croyait délivrée de ses grossesses, sa ménopause s’annonçait. Mais je suis arrivée.

Patrice, l’aîné, avait vingt ans, il s’apprêtait à quitter la famille, Christophe, le cinquième en avait dix, je venais clore un cercle qui s’était déjà ouvert.

Toi, mon père, tu avais cinquante ans.

Mon âge aujourd’hui.

C’est un peu notre anniversaire…

 

On pensait que je naîtrais mongolienne, un bébé fabriqué avec un ovule fatigué, des chromosomes peu vaillants. Pas question d’avortement. On est catholiques pratiquants. Je n’ai pas d’illusion : la fausse couche a dû être souhaitée.

Je me suis accrochée. »

J’aime ce passage. Tout ce qu’il dit, et tout ce qu’il ne dit pas, ou à peine. La perfection en littérature, à mon goût.

 

p. 25 « Je me suis recouchée et pour conjurer ma peur j’ai insulté ma mère. Pour être forte. Pour résister. Je l’ai haïe avec ferveur. Je ne savais pas que j’avais cette puissance-là, que c’était possible de détester sa mère. J’ai appris. Par la suite j’ai continué.

 

Maintenant je sais aussi que l’on peut détester chaque être aimé. Par instants. Par douleur. »

 

Actes Sud, août 2002, 102 pages, prix : 11 €, existe en Babel Poche

Ma note : 4,5/5

Crédit photo couverture : éd. Actes Sud et Amazon.fr

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