Nos 14 novembre - Aurélie Silvestre
Aurélie Silvestre a écrit un livre hommage à son mari et au père de ses enfants, revenant sur sa disparition tragique lors des attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan à Paris.
Elle est devenue emblématique des victimes collatérales, jolie blonde de 35 ans, mère de famille aux enfants désormais orphelins de père, elle avait un petit garçon de 3 ans et était enceinte de 5 mois au moment des événements.
J'ai un peu hésité à lire ce témoignage, craignant un voyeurisme inutile, qu'allait m'apporter son chagrin ? J'avais entendu une interview d'elle à la radio, elle semblait déborder de courage et d'énergie. Elle-même a douté de son projet :
p. 24 : « Même écrire ce livre me semble d’une grande prétention : qui ma vie peut-elle bien intéresser ? »
C'est un très beau récit vierge de haine mais empli d'amour, celui qu'elle portait à son compagnon et père de ses enfants, à ses enfants, mais l'amour des siens aussi, qui l'a sans doute sauvée au moment des faits. La scène de son père lui tenant la main la première nuit est d'une beauté rare.
Elle dit aussi simplement qu'efficacement l'arrachement d'une mort brutale (en cela le livre peut s'adresser à tous ceux qui perdent un être cher même sans contexte terroriste), la nécessité de la vie, peut-être tout simplement pour la petite Thelma qui grandit en elle et qui naîtra en mars 2016, pour son petit garçon qui tente de la réconforter et de la protéger en couchant des dinosaures en plastique sous des draps à côté d'elle.
Passé le décès brutal sous le coup des balles des terroristes, son histoire est plus personnelle et le livre sans doute un moyen pour elle d'entrer dans la résilience et de laisser à ses enfants un témoignage de son amour pour leur père, de la famille qu'ils ont formée. Elle dit aussi combien ce drame l'a placée dans une position sociale et historique qu'elle n'a pas souhaitée, c'est en cela, dans son analyse lucide, que le récit intime peut rejoindre l'universel.
p. 200 : « Perdre son amour dans un attentat terroriste est un fait social. Il s’agit de Matthieu mais pas seulement. Tout à coup, l’intime rencontre l’Histoire, l’horreur se superpose, les chagrins se multiplient. Tout mon immeuble, mon quartier, Paris, la France et même un bout de la planète, se mettent à pleurer l’homme de ma vie. Pendant un instant j’ai envie de me terrer chez moi, de me perdre sous mes draps, de disparaître mais c’est impossible, tout le monde m’attend.
Faire son deuil avec la France entière est à la fois un réconfort et une mutilation, un accompagnement et une dépossession. Mon Matthieu n’est pas celui que je vois dans les journaux. »
Un récit plein de force, d'espoir et d'amour sans haine.
Ed. Jean-Claude Lattès, novembre 2016, 274 pages, prix : 15 €
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Crédit photo couverture : éd. JC Lattès