La liste de mes envies - Grégoire Delacourt
Ah le voilà le roman bonbon qu'on peut conseiller à tous ! Facile, rapide, mais plein de vérité(s), du baume au cœur en dépit d'une pointe d'amertume...
Jo, 47 ans, deux grands enfants (« Trois en fait. Un garçon, une fille et un cadavre » p. 16) est mercière à Arras, ce n'était pas vraiment son rêve, mais c'est la vie, parfois le chemin se trace tout seul, mais cette vie, elle l'aime bien Jocelyne, entre sa boutique, son homme (Jocelyn!) et son blog aux dixdoigtsdor qui donne du rêve aux couturières en herbe.
Quand par hasard pour faire plaisir aux copines jumelles qui la tannent avec ça, elle joue une grille flash à l'euromillions, elle est loin d'imaginer qu'elle sera la gagnante des dix-huit millions d'euros et quelques broutilles. Elle ne s'en rend pas compte tout de suite d'ailleurs. Puis surtout, elle ne veut pas que sa vie change...
Et l'argent pervertit tout, non ? Les psychologues de la Française des Jeux la mettent bien en garde : tout le monde va l'aimer, tout le monde va avoir une bonne cause à défendre, etc. Mais le sort une fois encore décidera pour elle...
Le sujet paraît convenu et sans grande surprise, mais Grégoire Delacourt a l'art et la manière de la formule, de la petite phrase qui fait mouche. Dans une langue très simple, il décrit sans pareils les sentiments intérieurs de Jocelyne, son rapport au corps, à la féminité, au couple. Il a l’œil, et un œil acéré, sur la vie et la nature humaine. Son personnage féminin est une belle âme, louable, fidèle à sa vision de la vie. Mais pour un milieu modeste, ces gens de peu qu'on veut nous faire voir, elle a quand même sacrément de la culture cette Jocelyne, les références culturelles ne manquent pas, et voyez comme il est fort Delacourt, je relirais bien Belle du Seigneur, là, tout de suite.
P. 29 : « Nous nous rencontrâmes pour la première fois à la mercerie alors qu'il venait y acheter trente centimètres de dentelle de Valenciennes pour sa mère, une dentelle aux fuseaux à fils continus, très fine, aux motifs travaillés en mat ; une merveille. C'est vous qui êtes une merveille, me dit-il. Je rougis. Mon cœur s'emballa. Il sourit. Les hommes savent les désastres que certains mots déclenchent dans le cœur des filles ; et nous, pauvres idiotes, nous pâmons et tombons dans le piège, excitées qu'un homme nous en ait enfin tendu un. »
Lu dans le cadre du 1er Grand prix des Lecteurs du Maine Libre, verdict à la 25ème heure, le salon du Livre du Mans, le 14 octobre 2012.
Les cinq romans en lice sont:
« Le gouverneur d’Antipodia » de Jean-Luc Coatalem (Le Dilettante)
« La liste de mes envies » de Grégoire Delacourt (JC Lattès)
« Ce qu’il advint du sauvage blanc » de François Garde (Gallimard)
« Les sacrifiés » de Juliette Morillot (Belfond)
« L’homme à la carrure d’ours » de Franck Pavloff (Albin Michel).
JC Lattès, février 2012, 185 pages, prix : 16 €
Crédit bandeau couverture : © Mitch Hrdlicka / GO Premium / GraphicObsession et éd. JC Lattès