Je porte un enfant et dans mes yeux l’étreinte sublime qui l’a conçu – Frédérique Deghelt
Photographies de Sylvie Singer Kergall
Postface de René Frydman
J’ai découvert Frédérique Deghelt tout récemment, à la lecture de son dernier roman qui m’avait beaucoup plu. Je m’étais promis alors de suivre de près ses parutions.
C’est chose faite ! Le titre d’abord, je porte un enfant et dans mes yeux l’étreinte sublime qui l’a conçu, invite à la rencontre douce et poétique du regard que porte une mère sur sa grossesse et sa maternité. Il y a l’objet livre ensuite : le format habituel d’Actes Sud mais dans un papier et une couleur différents, un blanc ivoire épais et somptueux. Ce n’est pas un roman, mais un recueil de pensées, de réflexions poétiques sur le thème de la mère et de l’enfant, magnifiquement illustrées par les photos de Sylvie Singer Kergall. Des photographies qu’on aimerait voir plus grandes, sur les murs d’une salle d’expo. Certes le livre est un peu cher (18 € pour 96 pages qu’on lit en moins d’une demi heure, voilà pour les plus pragmatiques !) mais il est de ces livres qui vous accompagnent longtemps, que vous gardez précieusement pour le feuilleter à nouveau, une photo, ce beau ventre rond, ce sein trop lourd qui attend la vie, une pensée en regard. Il est de ces livres que vous offrez à votre meilleure amie quand elle vous annonce sa grossesse. Et un livre sur le début de la vie ne serait pas abouti s’il n’était accompagné d’un mot de René Frydman, ici par le biais d’une très belle postface.
Un livre à la lecture duquel on note une petite phrase, parce qu’elle est belle, parce qu’elle est vraie, mais alors trop vite on se surprend à vouloir recopier tout le livre !
Bref, vous l’aurez compris, un très très beau livre !
Un extrait en image (p.17) :
p. 52 : « Vous attendez un enfant ? Il faut dire oui… Le ventre en pointe nous trahit.
Mais je pense non. C’est avant, que je l’ai attendu. Pendant tous ces longs mois vides où rien ne se passait, où chaque mois venait alourdir ma peine, me renvoyant encore à une solitude… Pas mère… Pas l’ombre d’une présence microscopique. Rien… L’angoisse… J’attendais un enfant, je tricotais du vide, je me faisais mon sang d’encre…
Maintenant, je ne l’attends plus, je le savoure. Je le couve en mon ventre devenu terre d’accueil… Je l’exhibe, croyant au transparent berceau de ma peau en voile… Je le roule dans ma poussette de chair, aux étoiles de mes yeux : il est déjà là… »
p.54 : « Histoire banale de millions de femmes, histoire unique, vécue pour la première fois… Et encore unique quand elle se répète… »
p. 81 : « Langoureuse, posée sur le bord de l’oreiller, alanguie dans une volupté sans précédent, je suis corps, je suis chair, je suis vie, je suis semence. Je vibre, j’emporte, j’enlace. Toute parcelle de ma peau est un appel, la caresse me transcende. Un regard me fusionne. Je porte un enfant et dans mes yeux l’étreinte sublime qui l’a conçu. »
PS : Mille mercis à ma libraire qui est allé déballer exprès pour l’impatiente que je suis les cartons tout juste livrés par le distributeur et non encore vérifiés ni même ouverts pour en sortir ce petit livre qui est officiellement annoncé, par le site de l’éditeur et par Electre pour … demain !
PPS : mis dans la catégorie romans pour ne pas en créer d'autres, mais ce pourrait être tout autant de la poésie, un beau-livre, les cases parfois sont vaines et sans attrait.
Actes Sud, mai 2007, 96 pages, prix : 18 €
Ma note : 5/5
Crédit photo couverture : éd. Actes Sud et Amazon.fr