Les jardins d'Hélène

Lady Chatterley, un film de Pascale Ferran (2006)

16 Mai 2007, 22:52pm

Publié par Laure

Avec Marina Hands, Jean-Louis Coulloc’h, Hippolyte Girardot.
 
lady-chatterley.jpg Multi césarisé, je m’étais pourtant peu intéressée à ce film qui ne m’avait même pas tentée au cinéma. Rattrapage en DVD, et je ne le regrette pas du tout !
Le scénario est adapté du roman de D.H. Lawrence, Lady Chatterley et l’homme des bois, seconde version de l’amant de Lady Chatterley. Si je n’ai qu’un très très vague souvenir de ma lecture de la première mouture (l’amant), je n’avais même pas connaissance d’une réécriture.
Lady Constance Chatterley mène une vie morne et tranquille auprès de son époux paralysé, blessé pendant la guerre de 14. Celui-ci a perdu l’usage de ses jambes et vit en fauteuil. Constance l’aide au quotidien, en épouse fidèle et dévouée. Quand pointe la mélancolie qui l’affaiblit, elle va régulièrement se promener en forêt, sur sa propriété, jusqu’à la cabane, où vient régulièrement travailler le garde-chasse, Oliver Parkin. C’est le début d’une attirance pudique qui peu à peu se transformera en sensualité resplendissante. Constance rejoint son amant le plus souvent possible et découvre dans ses bras un plaisir que ne peut lui donner son mari. Mais que faire des conventions sociales et ces deux-là pourront-ils s’aimer ?
Souvent critiqué pour sa longueur (2 heures 38 min), la lenteur participe en effet pleinement à l’histoire d’amour. Pour ma part j’ai apprécié ce temps qui s’étire en contemplation des bois, de la nature, des fleurs et des petits oiseaux qui chantent (bucolique, oui). J’ai trouvé remarquables les 3 acteurs principaux, Marina Hands, belle tout simplement, touchante, Hippolyte Girardot dans le rôle du mari trompé et Jean-Louis Culloc’h dans celui de l’amant bourru mais sensible sous la cuirasse. Les scènes d’amour sont très fortes, osées quoique filmées tout en retenue, on suggère bien plus qu’on ne montre (et pourtant, quelle puissance évocatrice !), mais on n’hésite pas non plus à montrer la contemplation d’un sexe d’homme par l’amante qui s’éveille à ses propres sens.
Un très beau film, sensible et élégant, sans grosse machinerie tape-à-l’œil.
 
Ma note : 4,5/5
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J
Certain films à leur sortie font scandale ; « la religieuse » ou « le journal d’une femme de chambre » ont par exemple choqué à l’époque, parce qu’ils osèrent dépeindre les travers de la  bourgeoisie ou de la religion. Or le cinéma joue son rôle quand il expose ces travers sociaux, moraux ou politiques,  en provoquant un débat qui éclaire notre conscience.   Le film ou la version télévisée de « Lady Chatterley et l’homme des bois », dont le roman fut si calomnié jadis, par les ligues puritaines, poursuit un ambitieux dessein. Le statut conjugal de la femme, pilier de l’aristocratie anglaise du 19 è siècle, va opérer une véritable mue,  à travers une expérience amoureuse qui a valeur de démarche initiatique. La libération sexuelle qui lève tabous et interdits n’a pas ici l’hédonisme comme seule finalité. Au bout du chemin, affranchi des convenances de classe,  un couple improbable se construit dans le respect des identités. Ce film enchanteur possède la dimension d’un conte pour adulte, avec sa reine et son roturier. « La belle au bois dormant » ou  « le petit chaperon rouge » dissimulent sous la fable, un désir de transgression de l’innocence. Ici le désir trouve à s’incarner et la virginité, fait remarquable, se perd dans le cadre d’une mésalliance de nature révolutionnaire, car  la reine « épouse » un roturier demeuré lui-même, qui n’a pas eu à subir les épreuves qualifiant le héros.     Il faut dire que Lord Chatterley est frappé d’impuissance masculine, symbole du déclin de l’aristocratie. Mais, administrant la rente foncière il ne doute jamais de la primauté de sa caste : « A quoi cela sert-il d’éduquer les ouvriers, ils sont bêtes et ignorants énoncera-t-il! ». Le Comte, paraplégique,  a installé en son château un ordonnancement dans lequel son épouse lui tient lieu de faire valoir. Ce confinement ne peut que consumer la vie.  Pour conquérir sa liberté, lady Chatterley va fuir peu à peu, pour retrouver le goût de l’élan vital. La terre peut redonner le goût de vivre à qui sait apercevoir le gracieux écureuil, la belle jonquille ou entendre le chant des oiseaux. Le spectacle naturaliste, magnifiquement filmé, va conduire l’héroïne sur la voie du désir charnel et de l’initiation sexuelle.  Le maître mot ici est la réceptivité au monde, incluant le désir mais aussi le souci de l’autre. La grandeur du film et son romantisme aussi sont de montrer d’autres ébats que ceux de la perversion égocentrique. Le plaisir des amants ici est moins de recevoir que de donner et de partager des joies libératrices comme de courir nus sous la pluie. Ce rituel païen exprime un retour aux sources de l’authenticité.   « Lady Chatterley et l’homme des bois » n’exalte pas la licence mais la liberté, il nous conte une histoire en apparence scabreuse, en vérité profondément morale et digne. Au pied d’un arbre (symbole de la connaissance dans la genèse) les amants vont nouer un pacte qui conclue l’histoire. Ce serment nous enseigne que le désir et la passion ne sont que des étapes pour construire un lien nouveau  fait de corps, d’esprit et de cœur,  un lien dans lequel l’autre, va compter plus que soi, un lien d’amour véritable.    
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L
je m'incline ! une réserve peut-être sur l'impuissance symbole du déclin de l'aristocratie, mais je sûppose qu'il s'agit d'une étude universitaire sérieuse !
K
Grr, j'ai raté ce beau film au ciné! Je le visionnerai à sa sortie en dvd!
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A
Peut-être le plus beau fil de l'an dernier... J'ai trouvé la mise en scène magnifique, le jeu des acteurs incroyables... Cette femme est d'une grâce incroyable. Mais, je remarque hélas qu'il suscite peu d'intérêt... Et pourtant...
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L
tu as raison, c'est pourquoi il ne faut pas hésiter à se faire une séance de rattrapage en DVD !
C
Je ne sais pas si les hommes adhèrent, mais j'ai passé 2h38 de bonheur absolu dans une petite salle! Pourtant le roman m'était tombé des mains et je partais avec un préjugé défavorable (oui, maso n'est-ce ps d'y aller malgré tout)! Comme quoi des fois, il faut se forcer un peu!
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L
oui, surprenant que tu y sois allée quand même ! :-Dmais tu vois, tu ne l'as pas regretté !
A
Avec une durée de 2h38 pour une histoire d'amour lente, je vais le noter pour une soirée en solitaire parce que Mr risque de bailler...
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L
c'est exactement la réflexion que je me suis faite Anne, en regardant ce film toute seule, je ne suis pas sûre que les hommes adhèrent...
L
Après une si belle critique, je n'ai plus qu'à le noter pour le voir à mon tour (et pourquoi pas le lire un jour...) ;-)
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L
eh bien, j'espère que tu ne seras pas déçue leeloo... !