Nous, on n’aime pas lire – Danièle Sallenave
Danièle Sallenave est une militante de la lecture. Normalienne, agrégée de lettres, elle a longtemps enseigné. Elle est aussi écrivain.
Dans « Nous, on n’aime pas lire », elle retrace son expérience dans un collège « ambition réussite » en zone d’éducation prioritaire, le collège de la Marquisanne à Toulon. Il s’agissait de faire parrainer une classe de 3ème par un écrivain, vaste opération médiatique et politique. Trente écrivains se sont engagés. Libres à eux de s’organiser comme ils voulaient. Danièle Sallenave a finalement rencontré deux classes à trois reprises au cours de l’année 2007-2008 et a choisi de leur faire lire une de ses pièces de théâtre, courte, et mettant en scène des ados. Les élèves écrivent à leur tour des dialogues… On n’en saura pas beaucoup plus sur cette expérience, et c’est là où le bât blesse : en quoi cette expérience a pu inciter (ou non) à avoir envie de lire, a-t-elle réussi peu ou prou, qu’en a-t-elle tiré sinon le constat habituel que l’on fait des banlieues ? On reste un peu sur sa faim quant aux échanges avec les jeunes au cours de cette expérience. Trois séances, n’était-ce pas trop court non plus pour un projet si ambitieux ?
Néanmoins, il y a pas mal de choses intéressantes dans son récit. C’est un fait, une donnée sociale et collective, ces enfants-là n’aiment pas lire, dit-elle. Peut-être tout simplement parce que la lecture reste pour eux extrêmement difficile, ils ne maîtrisent pas l’acte de lecture, et quand ils ânonnent, ils ne comprennent pas ce qu’ils lisent. Ils sont fatigués et découragés d’avance. Leur environnement, c’est le foot, la télé, les consoles de jeux, et la cité, bref, tout ce qu’on lit d’habituel sur le sujet. L’Etat met davantage de moyens dans ces établissements, alors pourquoi ça ne marche pas ? des moyens matériels certes (belles bibliothèques, rénovations, matériel informatique) mais pas tellement de moyens humains. Il faudrait réellement pouvoir faire de tous petits groupes d’élèves, et donc, disposer de beaucoup d’enseignants.
Elle a une position critique et engagée sur un certain nombre de points évidents, notamment la société consumériste, le « pédagogisme » qui essaie tout un tas de trucs et méthodes, mais aussi sur la formation des enseignants : plutôt qu’une formation extrêmement pointue dans un domaine universitaire, ne faudrait-il pas leur offrir une culture plus générale dans tous les domaines et plus de temps pour lire et travailler sur cet axe ? Beaucoup d’enseignants disent ne pas avoir le temps de lire (comme beaucoup de gens !), ce à quoi elle répond que lire ne devrait pas être une question de temps, quand c’est avant tout un besoin, une nécessité, ce qu’approuveront tous les convaincus et boulimiques de lecture.
Là où je ne la rejoins pas, c’est sur la littérature jeunesse, qu’elle fustige sévèrement. Elle intrigue notamment quand elle dit que « beaucoup de carrières d’écrivains se sont construites à bon compte sur la littérature jeunesse » (ah oui, lesquelles ? je suis curieuse !) et qu’elle semble juger simpliste la littérature dite de jeunesse, qu’elle trouve trop moraliste. Il y a un demi-siècle peut-être, mais aujourd’hui cela me semble erroné et dépassé !
Une interview de l’auteur au magazine littéraire
Ainsi que sur le blog de Didier Jacob, du Nouvel Obs
Gallimard, janvier 2009, 156 pages, prix : 11,50 €
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Crédit photo couverture : © éd. Gallimard