Les jardins d'Hélène

Nous, on n’aime pas lire – Danièle Sallenave

10 Novembre 2010, 15:32pm

Publié par Laure

nous-on-n-aime-pas-lire.jpgDanièle Sallenave est une militante de la lecture. Normalienne, agrégée de lettres, elle a longtemps enseigné. Elle est aussi écrivain.

Dans « Nous, on n’aime pas lire », elle retrace son expérience dans un collège « ambition réussite » en zone d’éducation prioritaire, le collège de la Marquisanne à Toulon. Il s’agissait de faire parrainer une classe de 3ème par un écrivain, vaste opération médiatique et politique. Trente écrivains se sont engagés. Libres à eux de s’organiser comme ils voulaient. Danièle Sallenave a finalement rencontré deux classes à trois reprises au cours de l’année 2007-2008 et a choisi de leur faire lire une de ses pièces de théâtre, courte, et mettant en scène des ados. Les élèves écrivent à leur tour des dialogues… On n’en saura pas beaucoup plus sur cette expérience, et c’est là où le bât blesse : en quoi cette expérience a pu inciter (ou non) à avoir envie de lire, a-t-elle réussi peu ou prou, qu’en a-t-elle tiré sinon le constat habituel que l’on fait des banlieues ? On reste un peu sur sa faim quant aux échanges avec les jeunes au cours de cette expérience. Trois séances, n’était-ce pas trop court non plus pour un projet si ambitieux ?

 

Néanmoins, il y a pas mal de choses intéressantes dans son récit. C’est un fait, une donnée sociale et collective, ces enfants-là n’aiment pas lire, dit-elle. Peut-être tout simplement parce que la lecture reste pour eux extrêmement difficile, ils ne maîtrisent pas l’acte de lecture, et quand ils ânonnent, ils ne comprennent pas ce qu’ils lisent. Ils sont fatigués et découragés d’avance. Leur environnement, c’est le foot, la télé, les consoles de jeux, et la cité, bref, tout ce qu’on lit d’habituel sur le sujet. L’Etat met davantage de moyens dans ces établissements, alors pourquoi ça ne marche pas ? des moyens matériels certes (belles bibliothèques, rénovations, matériel informatique) mais pas tellement de moyens humains. Il faudrait réellement pouvoir faire de tous petits groupes d’élèves, et donc, disposer de beaucoup d’enseignants.

 

Elle a une position critique et engagée sur un certain nombre de points évidents, notamment la société consumériste, le « pédagogisme » qui essaie tout un tas de trucs et méthodes, mais aussi sur la formation des enseignants : plutôt qu’une formation extrêmement pointue dans un domaine universitaire, ne faudrait-il pas leur offrir une culture plus générale dans tous les domaines et plus de temps pour lire et travailler sur cet axe ? Beaucoup d’enseignants disent ne pas avoir le temps de lire (comme beaucoup de gens !), ce à quoi elle répond que lire ne devrait pas être une question de temps, quand c’est avant tout un besoin, une nécessité, ce qu’approuveront tous les convaincus et boulimiques de lecture.

 

Là où je ne la rejoins pas, c’est sur la littérature jeunesse, qu’elle fustige sévèrement. Elle intrigue notamment quand elle dit que « beaucoup de carrières d’écrivains se sont construites à bon compte sur la littérature jeunesse » (ah oui, lesquelles ? je suis curieuse !) et qu’elle semble juger simpliste la littérature dite de jeunesse, qu’elle trouve trop moraliste. Il y a  un demi-siècle peut-être, mais aujourd’hui cela me semble erroné et dépassé !

 

Une interview de l’auteur au magazine littéraire  

Ainsi que sur le blog de Didier Jacob, du Nouvel Obs 

 

Gallimard, janvier 2009, 156 pages, prix : 11,50 €

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Crédit photo couverture : © éd. Gallimard

 

 

Commenter cet article
M
<br /> <br /> Je n'ai pas lu ce livre en particulier, mais je connais le constat de D. Sallenave sur le niveau scolaire (et de culture générale) des étudiants pour avoir lu "Lettres mortes" (lecture qui<br /> m'avait beaucoup intéressée, d'ailleurs). Ma remarque ne la vise donc pas particulièrement, simplement je trouve dommage la critique récurrente faite par des écrivains, critiques, etc. à l'égard<br /> de la "littérature jeunesse", comme si celle-ci ne formait qu'un tout uniforme et médiocre. Pour moi, cela trahit surtout des préjugés et une méconnaissance de la richesse de ce domaine, même si,<br /> comme partout, on trouve des oeuvres mauvaises (mais si c'était propre à la catégorie jeunesse, on le saurait ! :-))<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Ta dernière phrase est juste parfaite :-)<br /> <br /> <br /> bcp ne lisent pas (ou plus) de littérature jeunesse, ou s'arrêtent à ce qu'ils voient vite fait en supermarchés (où l'offre jeunesse est souvent assez médiocre<br /> en effet), et ignorent donc tout de sa richesse, de sa diversité et de sa qualité.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> Danielle Sallenave a souvent, je trouve un point de vue un peu réactionnaire sur l'école.<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> je crois que c'est le premier titre que je lis d'elle. Elle n'avance pas non plus que "c'était mieux avant" et reconnaît le grand engagement des enseignants, leur<br /> dévouement, mais on ne peut nier les constats assez généraux qu'elle fait sur le "niveau" des élèves actuellement.<br /> <br /> <br /> (je suis élue au CA du collège et fais pas mal de conseils de classes, il y a tant et tant d'élèves dont on ne sait ce qu'ils deviendront.... c'est juste<br /> un constat ... alarmant. Je n'ai pas plus de solutions que d'autres !) <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> <br /> j'aime beaucoup le titre en tout cas <br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> C'est aussi le titre d'un doc jeunesse de Marie-Aude Murail   : http://www.amazon.fr/Nous-naime-pas-lire/dp/2732422363/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1289498600&sr=8-1 (je<br /> n'arrive pas à faire le lien direct dans le corps du message, grr)<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> Pourquoi les enfants n'aiment pas lire ? Grand mystère pour moi. Chez nous, pas de foot, ni console et une maman qui lit...et pas qu'un peu et qui a raconté beaucoup d'histoires à ses enfants. Ma<br /> fille aînée aime lire (ouf !), mon fils très peu, et ma dernière pas du tout. Pourquoi ??? Visiblement je ne trouverai pas la réponse dans ce livre.<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> il y a aujourd'hui beaucoup plus d'activités qu'avant (télé, ordi, internet, etc.) mais ça n'explique pas tout... Et puis lire n'est pas une obligation non plus !<br /> mais qqun qui maîtrise bien la lecture n'aura pas de difficultés à lire ... de la doc professionnelle, la presse, etc. Le contexte du livre de Sallenave est un peu différent, lié à des<br /> difficultés scolaires fortes... (ma dernière non plus n'aime pas lire, pourtant, elle grapille une BD de temps en temps, ou un petit doc jeunesse.... elle lit quand même, même si elle dit ne pas<br /> aimer ça, et je ne la force pas !)<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> Excellent bouquin pour le pédagogue que je suis ...<br /> <br /> <br /> Je suis d'accord avec toi, la littérature pour la jeunesse est un outil extrèmement intéressant pour développer le plaisir de lire et en plus, la qualité augmente d'année en année.<br /> <br /> <br /> Il est devenu aussi plaisant aux adultes de lire cette littérature ...<br /> <br /> <br /> Combien de nouveaux lecteurs J. K. Rowling a-t-elle convaincu avec son Harry Potter ?<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Je lisais récemment un peu par hasard un conte traditionnel dans une version très courte d'album animé à des élèves de 7-8 ans, venus avec le centre de loisirs. Le<br /> livre s'adressait plus à des élèves de 3-4 ans mais il était beau, on venait de le recevoir, j'avais envie de le lire avec eux... et de découvrir à la fin que les 3/4 de ces enfants n'avaient<br /> jamais entendu parler du Petit Poucet dont il était question... Mais quelle avidité ensuite dans leurs yeux, "tu lis encore stp ? une autre !"  et j'ai lu, et j'ai lu, des tas d'autres<br /> histoires. C'est tout simple parfois, mais ils étaient dans une demande de ce qu'ils n'ont plus (tous) chez eux... Là je me suis sentie utile dans mon travail, pas juste considérée<br /> comme une libraire gratuite pour qui veut le dernier best-seller sans l'acheter  ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Encore moi ! ;)<br /> <br /> <br /> J'ai lu ceci (source zozone), comme je trouve ça juste et bon, je copie - colle : Mme Sallenave doit faire d'urgence une cure de littérature jeunesse. Elle sera surprise. Ça lui fera même du<br /> bien. Car c'est une littérature chaleureuse, charnelle, qui parle aujourd'hui de toutes les époques, de la sienne comme de la nôtre. A consommer sans modération à tous les âges de la vie.<br /> <br /> <br /> Et toc. :)<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> oui, j'ai failli faire un lien vers cette (très bonne) critique, car c'est vraiment cela !<br /> <br /> <br /> sinon je l'ai vu parler de son livre jeunesse chez Busnel, et c'est vrai qu'elle a des propos intéressants et est vraiment militante et engagée. De plus quand tu lis<br /> ses interviews, elle dit bien qu'elle n'aime pas la distinction jeunesse / vieillesse, elle doit donc plus viser un groupe d'auteurs précis dans ses accusations ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Très intéressant ! J'ai fini la lecture de ton billet dans un soupir, tu t'en doutes... L'auteur a publié dernièrement un ouvrage, Pourquoi on écrit des<br /> romans..., tiens, chez Gallimard jeunesse ! Passons. Je n'avais pas trouvé le livre très abouti. Il me semble l'avoir lu dans tes envies, un jour je te le prêterai ou emprunte-le<br /> en bibliothèque (cela ne vaut pas un investissement). Quoi ?! Non, non, je ne m'acharne pas non plus ! ;)<br /> <br /> <br /> <br />
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