La petite barbare - Astrid Manfredi
Lorsque j'ai commencé ce livre (lu en avant-première en streaming grâce à un concours gagné sur la page Facebook de l'éditeur), je n'avais pas remarqué que la couverture formait en fait un visage, j'y avais vu pour ma part deux mains !
La petite barbare est le récit d'une jeune femme qui purge une peine de prison pour complicité de meurtre. Elle a 23 ans, et comme on dirait en langage qui se veut bien pensant, c'est une jeune de banlieue qui a mal tourné. Elle a la rage, la haine, une colère virulente émane de ses propos cash, crus, dérangeants. J'ai longtemps hésité avant de savoir si j'aimais ou non ce roman, que je trouvais de prime abord trop empli de clichés « prêts à penser » sur la violence quotidienne des banlieues et des zones de non-droit, mais quelque chose d'intéressant dans l'écriture m'a accrochée, dans sa volonté à mêler toujours la beauté littéraire (Duras, Brecht) à la vulgarité des mots crus de la rue, de la drogue, de la prostitution, du sexe.
C'est un texte qui ne peut laisser indifférent, qui heurte et dénonce en filigrane la société dans laquelle on vit aujourd'hui.
Au final, un texte très fort dont je reconnais le talent d'écriture et l'empreinte qu'il laisse dans la mémoire du lecteur.
Je suis curieuse de suivre à présent cette auteur, dont cette petite barbare est le premier roman.
Lecture qui s'inscrit dans le projet 68 premières fois de l'Insatiable Charlotte.
Extraits :
page 33 : « Je garde tout le temps la bouche ouverte comme une promesse. Je m'en fous de respirer, je veux mourir essoufflée. Du bruit et de la fureur, voilà ce qui germe dans le cœur de mon cœur. Ça gronde, c'est un orage et aucun présentateur météo ne pourra prédire où il va s'abattre. »
page 48 : « Le seul truc bien, c'est qu'à force de la ramener avec mon blues, ils m'ont proposé des bouquins alors j'ai lu, beaucoup. Je lisais tout ce que je trouvais, je ne faisais pas ma difficile tant que les histoires des autres me permettaient de zapper la mienne. »
page 48 toujours : « Depuis les séances avec le Dr Neveu, j'écris à fond, mon bâtard je l'appelle, mon futur livre, autant en rire. »
page 77 : « Stone à l'ennui, j'écoute la pluie. Ce soir-là, c'est calme et toutes les filles pioncent. Je pense à David. Ça me rend sentimentale la pluie. Les feuilles d'automne, les coups de talon pour les écrabouiller, puis tous les trucs des poètes qui kiffent la gadoue, racontent leurs vies, leurs amours pour des femmes lointaines et impossibles. C'est ça le romantisme : ne pas obtenir ce qu'on veut et pleurer. Une longue lamentation et le vide pour réponse."
Belfond, août 2015, 160 pages, prix : 15 euros
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Crédit photo couverture : © éd. Belfond