La salle de bal – Anna Hope
Traduit de l’anglais par Elodie Leplat
Début 1911, dans le Yorkshire, Ella Fay est internée à l’asile de Sharston pour avoir cassé une vitre dans la filature où elle travaille depuis l’âge de douze ans. Mais elle se défend, ce n’est pas pour autant qu’elle est folle !
Elle sympathisera avec Clem, une femme qui s’émancipait un peu trop par la lecture au goût des hommes de son entourage. Leur amitié réciproque leur sera précieuse.
John Mulligan, quant à lui, est irlandais, il est interné pour « mélancolie », une dépression après avoir perdu sa femme et sa fille. Il creuse des tombes et travaille aux champs avec son ami Dan Riley, qui l’appelle « Mio Capitane ».
L’asile vit en autarcie, les femmes travaillent à la blanchisserie, et les hommes aux travaux extérieurs. Ils vivent dans des pavillons séparés et ne se rencontrent jamais, à l’exception du vendredi, dans la salle de bal, où le médecin Charles Füller, plus musicien que docteur, est persuadé que la musique adoucit les mœurs et peut guérir ou aider les malades à aller mieux. C’est là que John et Ella tomberont amoureux, mais ce n’est guère permis…
Un beau roman classique, qui évoque les prémices de l’eugénisme en Angleterre, Churchill avait d’ailleurs pris position pour la stérilisation des « déficients ».
Le personnage de Charles est intéressant, toujours sur le fil, trouble, ambivalent, aux actes souvent en contradiction avec ses désirs, basculant finalement vers des choix qu’il rejetait au départ, pour la lumière de la reconnaissance ?
Le sort réservé aux patients internés pour des motifs totalement abusifs aujourd’hui fait froid dans le dos, et les « soins » prodigués, les scènes de gavage notamment sont difficilement soutenables.
J’ai trouvé quelques longueurs et un peu d’ennui au milieu du roman, contrairement à un très bon début et une très bonne fin (qui ose n’être pas aussi facile qu’on aurait pu l’imaginer), mais globalement je l’ai beaucoup aimé, pour l’audace et la détermination de ses personnages, et pour son sujet : l’internement et ses dérives.
Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2018
Gallimard, coll. Du monde entier, septembre 2017, 388 pages, prix : 22 €, ISBN : 978-2-07-268872-0
Crédit photo couverture : © Elisabeth Ansley / Trevillion Images / et éd. Gallimard