Les rêveurs - Isabelle Carré
J’avoue l’avoir pensé : « encore une actrice qui sort un bouquin plus ou moins autobiographique et l’appelle roman, tout est dit en interview et tournée promo : la mère dépressive, le père homo, le couple qui explose, la tentative de suicide à l’adolescence, etc. Mais au fond, quel intérêt ? »
Face à la demande pressante de nos lecteurs à la bibliothèque curieux de le lire (Je reconnais à Isabelle Carré un bon capital sympathie), j’ai voulu me faire mon propre avis : c’est un beau premier roman ! Isabelle Carré a une très belle écriture, facile à lire mais travaillée, élégante.
Isabelle Carré a 46 ans, j’en ai 45 : je l’ai donc perçu comme un roman générationnel, j’ai les mêmes références culturelles et musicales, jusque dans les publicités et slogans qu’elle rappelle ici ou là. Les lecteurs nés dans les années 70 et avant y retrouveront une douceur légèrement nostalgique, et une réalité sociale dure, dès les premières pages et la grossesse de sa mère, « fille-mère » à 19 ans.
Mais c’est aussi un roman intemporel, car l’amour, la famille, le mal-être à l’adolescence, la dépression, sont des sujets éternels et toujours vrais.
Ce premier roman est donc une belle surprise : une vie singulière parfois fantasque, la convocation des souvenirs, la construction d’une enfant puis d’une femme au sein de cette famille aimante en dépit de ses frasques.
Rien d’inoubliable ou d’exceptionnel, mais un bon moment de lecture, plaisant et empathique.
Extraits :
« Notre vie ressemblait à un rêve étrange et flou, parfois joyeux, ludique, toujours bordélique, qui ne tarderait pas à s’assombrir, mais bien un rêve, tant la vérité et réalité en étaient absentes. Là encore, et malgré la sensation apparente de liberté, il fallait jouer au mieux l’histoire, accepter les rôles qu’on nous attribuait, fermer les yeux et croire aux contes.
« Au pied de l’arc-en-ciel se dissimule toujours un trésor » nous répétait mon père. Notre univers avait la texture d’un rêve, oui, une enfance rêvée, plutôt qu’une enfance de rêve ».
« Pourquoi n’ai-je jamais su quitter les lieux que j’aimais ? Pourquoi est-ce si difficile de les laisser, d’accepter qu’on ne pourra pas les revoir car ils ne nous appartiennent plus, la porte s’est claquée pour toujours, le temps ne fera que nous éloigner, à moins d’être un bon rêveur, celui qui se souvient toujours de ses rêves, de rêves si clairs et précis qu’ils permettent de s’y attarder encore, d’entrer à nouveau dans ces pièces de l’enfance, sans autre clé que le désir constant d’y revenir. »
Grasset, janvier 2018, 304 pages, prix : 20 €, ISBN : 978-2-246-81384-2
Crédit photo couverture : © éd. Grasset