Les jardins d'Hélène

Passager de l’été – Jean-Philippe Blondel

23 Août 2023, 15:44pm

Publié par Laure

Samuel a dix-huit ans et quelques, le bac depuis dix jours (en vrai depuis la réforme il savait qu’il l’avait depuis bien longtemps), et il s’apprête à partir sillonner l’Europe en train avec son pote, non, son meilleur ami : Adrien. C’est même pour cela qu’il est serveur dans un bar tout le mois de juillet, pour financer ce voyage tant attendu. Alors quand Adrien lui annonce dans un vocal qu’il ne part pas, c’est un coup dur pour Samuel. Peu importe, il partira seul. Il embobine un peu les parents, et zou, direction Amsterdam, Hambourg, Copenhague, Lund, Cologne …

Vous connaissez Blondel (ou pas), le voyage est autant réel qu’intérieur. Samuel écrit, filme des jeunes qu’il interviewe au fil des rencontres. Passager de l’été est un roman initiatique, de ceux qui vous font basculer de l’adolescence à l’âge adulte. On y sourit, on y aime les personnages rencontrés, ancrés dans la réalité (le Covid-19, la guerre en Ukraine) et l’on y retrouve les petits cailloux semés dans d’autres romans, qui s’entremêlent à ceux de la vie personnelle que l’auteur dévoile parfois sur les réseaux sociaux : les parents décédés dans un accident de voiture, la maladie, et ce thème fort : l’amitié. Ou le deuil d’une amitié.

Une rupture amicale, on en souffre autant qu’une rupture amoureuse, si ce n’est plus. Il faudra bien l’été pour traverser cette épreuve. Et en ressortir grandi.

Un beau roman simple et vrai qui vous fait chaud au cœur (tout en vous le serrant parfois), Blondel continue de faire ce qu’il sait faire le mieux : nous parler de l’intime et donc de nous.

 

Extraits :

p. 41-42 (Stendhal et la cristallisation) : « J’avais pris des notes, cette fois-là. J’avais trouvé ça intéressant, même si j’étais persuadé que ce type de fantasme, ça marchait au XIXe siècle, quand les gens s’ennuyaient et n’avaient rien d’autre à foutre qu’à rêvasser sur leur partenaire, alors qu’au XXIe, avec des blasés saturés d’écrans, de réseaux sociaux et de sites de rencontres comme nous, ça ne pouvait plus fonctionner. La triche, l’hypocrisie, les trahisons, on a été biberonnés à ça, entre les émissions de téléréalité où tout le monde prétend s’aimer mais va dégueuler sur ses camarades dès qu’ils ont le dos tourné, les jeux vidéo où le premier but est de survivre en éliminant tous les autres, et les réseaux sociaux, inutile de s’éterniser. On ne nous fera pas gober n’importe quoi. Un truc que je dois apprendre de toute urgence, c’est l’humilité. Parce que vu comme je me suis comporté avec Adrien, je ne vaux pas mieux que n’importe quel héros de livre sentimental du XIXe siècle. Une midinette. »

p. 47 : « Juste après, j’ai éliminé Adrien. Je l’ai viré de tous mes contacts. Je lui ai interdit l’accès à toutes mes sources. Je l’ai empêché de partager des photos, des vidéos, des messages. Je l’ai rayé. Pour être tout à fait honnête, cela n’a pas été aussi satisfaisant que je le croyais. On reste attachés à ceux qu’on a aimés, qu’on le veuille ou non. »

p. 113 : « On croit toujours que les autres s’intéressent à nos vies parce qu’ils regardent dix secondes ce que nous postons, mais ils scrollent, ils s’en foutent, ils nous ont oubliés au bout de dix minutes, ils continuent leur existence dans laquelle on n’est rien ».

p. 135 : « Je ne sais plus exactement qui sont mes amis. Mais, au fond, ça n’a aucune importance. Resteront dans ma vie ceux qui en ont vraiment envie, en sortiront ceux qui ne sont pas réellement attachés. C’est beaucoup plus simple qu’on ne croit ». 

C'est tellement cela.

 

 

Actes Sud jeunesse, août 2023, 173 pages, prix : 15,60 €, ISBN : 978-2-330-18094-2

 

 

Crédit photo couverture : © Germain Barthélémy et éd. Actes Sud jeunesse

Commenter cet article
A
Je l'ai dévoré en une matinée, aujourd'hui... J'ai adoré. Un de ses meilleurs, de mon point de vue.
Répondre
L
Contente que tu aies aimé ! d'autres de ses titres m'ont davantage touchée mais celui-ci a visé juste aussi.
A
Les extraits que tu as choisis me parlent tellement... plus d'hésitation à avoir ;-)
Répondre
L
Ravie qu'ils te parlent ! :-))