Frère et soeur - Patrice Juiff
« Rien n’est ordinaire dans ce premier roman hors mesures qu’on lit avec stupéfaction. Une découverte comme on en fait parfois, très rarement. » Ainsi conclut la 4ème de couverture, et si je la cite, c’est parce que c’est tout à fait cela !
Jeanne est obèse, 160 kg de chairs molles qu’elle peine à bouger, elle s’occupe de la maison, fait un peu de repassage pour les familles du village ; elle vit avec son frère, Robin, thanatopracteur dans un salon de pompes funèbres. Son cachalot, son frère qu’elle aime, tout comme il l’adore, sa baleine, sa Moby, comme il la surnomme affectueusement.
Ils forment une famille isolée dans une cour de ferme, avec deux Rottweillers qui montent la garde, et un bâtard, Django, le chien d’un jeune frère décédé. C’est une famille à histoires, de celles dont on parle à mots couverts et qui font enfler les ragots : l’alcool, la violence, l’inceste, ces familles sombres qu’on fuit comme la peste… Les parents sont tous deux décédés.
Rien n’est ordinaire dans cette histoire mais je ne veux point trop en dire, sinon qu’il faut la lire et accuser l’uppercut en pleine face, la force terrible des mots, des phrases courtes, scandées, qui font mouche et monter toute l’horreur dans ce huis-clos, en même temps qu’un amour qui balaie tout. Et quand on approche de la fin, après s’être souvent dit « c’est terrible », on se prend un dernier coup de poing dans l’estomac. C’est terrible, mais quel talent ! Ce ne sont « rien que des mots » mais ils vous hanteront longtemps et Patrice Juiff réussit là un coup de maître.
Plon, janvier 2003, 160 pages, prix : 14 €
Ma note : 4,5/5
Crédit photo couverture : éd. Plon