Le passage à niveau - Philippe Routier
Premier roman.
Si comme moi vous avez un proche qui travaille à la SNCF, qui plus est à la traction (les conducteurs ou l’encadrement de ceux-ci), ce livre vous sera familier, car le vocabulaire propre à l’entreprise y est partout. Et si vous ne connaissez rien aux foyers de roulants, aux grèves légendaires, aux découchés et à la croix de Saint-André, ce livre peut vous parler quand même. C’est l’histoire de Guillaume, trentenaire, qui vit en couple avec Alice. Il est aiguilleur. Mais Alice n’en peut plus de le voir travailler en 3-8, d’être absent de longues nuits. Elle le pousse à passer conducteur, pour le prestige du métier, pour les primes assurées, pour le travail en 2-8 qui lui rendra son homme plus présent. Guillaume cède à contre cœur. Quand, au passage à niveau non protégé, le TER qu’il conduit écrase et traîne sur 800 mètres une 405 vert céladon avec 3 personnes à bord, dont une fillette, sa vie s’arrête. Statistiquement, « l’accident de personne », c’est ainsi qu’on nomme les suicides ou les accidents de ce type, a 2 chances sur 3 d’arriver à un conducteur dans sa carrière. Il y a des cellules de crise « accompagnement psychologique », mais cela suffit-il à vous faire oublier le drame ? Guillaume n’est en rien responsable de l’accident, il a fait tout ce qu’il a pu quand il a vu la voiture engagée, mais on n’arrête pas un train en une fraction de seconde. Alors il culpabilise, se sent responsable. Ce retour sur soi est un moment aussi pour faire le bilan de son couple qui va à vau l’eau, et en échangeant avec un proche de la famille décédée, il va connaître la cause première de l’accident, dans lequel il n’est pour rien.
Banal dans le sujet, ce roman touche néanmoins par la volonté de sa compagne à gérer la vie de Guillaume à sa place, mais jusqu’où peut-on décider à la place de l’autre ce que sera sa vie ? Un roman triste, mais qui sonne juste.
Stock, août 2006, 157 pages, 15 €
Ma note : 3,5/5