La confusion des peines - Laurence Tardieu
Je m’interroge toujours sur cet ouvrage qui
indique bien « roman » sur sa page de titre mais qui pour moi n’en est pas un, dans le sens habituel où en effet il ne crée pas de toute pièce une histoire, mais il questionne sur ce
qu’est la littérature pour écrire la vie.
Pour résumer succinctement, Laurence Tardieu revient sur sa nécessité vitale de s’adresser à son père pour lui dire enfin ce que depuis dix ans elle cherche à lui dire. En 2000, son père, haut dirigeant de la Générale des Eaux, était condamné à de la prison ferme pour corruption dans une affaire de marchés publics. Au même moment mourait sa mère, emportée rapidement par un cancer. Elle n’a jamais réussi à parler de tout cela avec son père, car dans sa famille, on se tait, on ne dit pas ses émotions ni ses sentiments. L’affaire elle-même n’est pas le sujet du livre, elle a été jugée, il a purgé sa peine, mais c’est son rapport au père qui intéresse l’auteur, et la transgression de l’interdit qu’il lui a intimé : « Tu ne veux pas que j’écrive ce livre. Tu me l’as demandé. […] Ce livre, Laurence, tu l’écriras quand je serai mort. Voilà ce que tu m’as dit. » Mais il en va pour elle comme d’une renaissance, du besoin vital d’enfin prendre à bras le corps cette incommunicabilité, et de dire à son père l’amour qu’elle a pour lui.
Je me suis souvent sentie embarquée contre mon gré dans des propos trop intimes, qu’avais-je à faire là moi lectrice dans une histoire qui ne concerne que Laurence Tardieu et son propre père ? Allais-je pouvoir me raccrocher à une universalité des mots, d’un propos littéraire, pour me sentir pleinement lectrice d’une œuvre et non plus spectatrice affublée d’un voyeurisme malsain ? Je ne sais toujours pas dénouer tout cela, en revanche j’ai retrouvé, comme dans ses précédents romans, la grande sensibilité de l’auteur, sa justesse à exprimer des émotions, sa douceur qui ne tait pas la violence intérieure qui était la sienne.
Et le très beau titre dit aussi à lui seul cette « confusion des peines », qui trouve sa lumière à la fin.
Stock, août 2011, 153 pages, prix : 16 €
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Crédit photo couverture : © éd. stock