Les jardins d'Hélène

La confusion des peines - Laurence Tardieu

14 Décembre 2011, 11:17am

Publié par Laure

confusion-des-peines.jpgJe m’interroge toujours sur cet ouvrage qui indique bien « roman » sur sa page de titre mais qui pour moi n’en est pas un, dans le sens habituel où en effet il ne crée pas de toute pièce une histoire, mais il questionne sur ce qu’est la littérature pour écrire la vie.

Pour résumer succinctement, Laurence Tardieu revient sur sa nécessité vitale de s’adresser à son père pour lui dire enfin ce que depuis dix ans elle cherche à lui dire. En 2000, son père, haut dirigeant de la Générale des Eaux, était condamné à de la prison ferme pour corruption dans une affaire de marchés publics. Au même moment mourait sa mère, emportée rapidement par un cancer. Elle n’a jamais réussi à parler de tout cela avec son père, car dans sa famille, on se tait, on ne dit pas ses émotions ni ses sentiments. L’affaire elle-même n’est pas le sujet du livre, elle a été jugée, il a purgé sa peine, mais c’est son rapport au père qui intéresse l’auteur, et la transgression de l’interdit qu’il lui a intimé : « Tu ne veux pas que j’écrive ce livre. Tu me l’as demandé. […] Ce livre, Laurence, tu l’écriras quand je serai mort. Voilà  ce que tu m’as dit. » Mais il en va pour elle comme d’une renaissance, du besoin vital d’enfin prendre à bras le corps cette incommunicabilité, et de dire à son père l’amour qu’elle a pour lui.

Je me suis souvent sentie embarquée contre mon gré dans des propos trop intimes, qu’avais-je à faire là moi lectrice dans une histoire qui ne concerne que Laurence Tardieu et son propre père ? Allais-je pouvoir me raccrocher à une universalité des mots, d’un propos littéraire, pour me sentir pleinement lectrice d’une œuvre et non plus spectatrice affublée d’un voyeurisme malsain ? Je ne sais toujours pas dénouer tout cela, en revanche j’ai retrouvé, comme dans ses précédents romans, la grande sensibilité de l’auteur, sa justesse à exprimer des émotions, sa douceur qui ne tait pas la violence intérieure qui était la sienne.

Et le très beau titre dit aussi à lui seul cette « confusion des peines », qui trouve sa lumière à la fin.

 

 

Stock, août 2011, 153 pages, prix : 16 €

Etoiles : stars-4-0__V7092073_.gif

Crédit photo couverture : © éd. stock

Commenter cet article
F
<br /> J'aime Laurence Tardieu d'une manière générale, mais je n'ai pas beaucoup apprécié La confusion des peines, je me suis sentie engluée et mal à<br /> l'aise dans un rôle de lectrice-confidente.<br />
Répondre
A
<br /> C'est un livre qui m'a plutôt plu, mais j'ai par instant ressenti également une certaine gêne, que l'on ressent moins dans ses autres romans je trouve... Il reste intéressant, pas son meilleur,<br /> mais intéressant...<br />
Répondre
L
<br /> <br /> oui je préfère aussi ses précédents romans, mais il y a qqch d'intéressant aussi dans celui-ci, tout comme tu dis.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Le livre de Delphie de Vigan est différent à mon sens. Comme toi j'ai eu peur d'être mal venue dans ce livre. Ce n'est pas mon préféré de cette auteure mais j'ai été contente de retrouver sa<br /> sensibilité.<br />
Répondre
S
<br /> Je crois que certains lecteurs ont eu un peu les mêmes sentiments avec "Rien ne s'oppose à la nuit" de Delphine de Vignan.<br />
Répondre
L
<br /> <br /> Je n'ai pas encore lu le Delphine Vigan (il est tout le temps réservé à la bibli !) mais c'est tout à fait possible, je pense le lire quand je le trouverai, je te<br /> redirai !<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Ah oui, c'est vrai... Les auteurs ont coutume de tourner toujours autour du même thème (regarde Tatiana et sa mémoire des murs). Bref, je sens ton trouble avec ce livre et je ne suis pas prête à<br /> y plonger. <br />
Répondre
L
<br /> <br /> pourtant tu me connais d'ordinaire je suis très bon public pour les romans intimistes, parce qu'ils ont nénamoins souvent valeur universelle, celui-ci... ça me<br /> semble plus compliqué..<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Les mots de L. Tardieu me touchent généralement beaucoup, mais là, non, je ne peux pas, je ne veux pas... pas envie. Un jour, peut-être.<br />
Répondre
L
<br /> <br /> Je me suis sentie mal à l'aise d'entrer à ce point dans son histoire personnelle (sauf à reconsidérer que tout est roman (= fiction), ce qui n'est a priori pas le<br /> cas), mais j'ai été aussi très touchée par ses mots, sa douceur, sa sensibilité, qui sont des constantes chez elle.<br /> <br /> <br /> Par exemple aussi je n'avais pas remarqué que ses deux premiers romans parlaient de la prison, et ce livre-là l'éclaire. Comme quoi l'oeuvre générale se construit et<br /> parfois une clé est donnée au lecteur...<br /> <br /> <br /> <br />