La drôle de vie de Bibow Bradley – Axl Cendres
Attention pépite ! Une vraie, puisque ce roman a obtenu la pépite du roman adolescent européen au salon de Montreuil en novembre 2012. Destiné aux grands ados (à partir de 15 ans ?), il sera lu bien entendu par tout adulte un peu curieux de ce qui se fait de bon en littérature jeunesse.
Roman singulier, tant dans son style, très familier que dans le sujet traité, qui l’air de ne pas y toucher, aborde des questions sérieuses telles que ce que l’on demande réellement aux soldats américains et comment on les utilise.
Robert Bradley est le troisième du nom : après son père surnommé Rob ou Robby, revenu de la guerre de Corée avec une jambe de moins, et son grand-père surnommé Bob ou Bobby, rentrée borgne de Normandie en 44, c’est à son tour de prendre un surnom : ce sera Bibow. Pour la guerre, ce sera le Vietnam. Mais Bibow a une particularité : il ne connaît pas la peur, au sens propre du terme, particularité génétique, il sera donc récupéré par la CIA pour des missions hautement meurtrières.
J’aime beaucoup la conclusion de Michel Abescat dans Télérama : « On s’amuse beaucoup. Et on réfléchit après ! » C’est bien là le tour de force de ce roman : dire des choses graves d’un ton léger et sans en avoir l’air. C’est pêchu, ça fait sourire, juste avant de glacer. Tout est maîtrisé, du début à la fin, et c’est parfait !
Pour vous donner une idée du ton (qui peut en faire fuir certains, pourtant, ce n’est pas gratuit et cela participe et du personnage et de la logique de l’histoire) :
p. 30 : « 1960 : Je me fais virer de l’école, où j’allais quand même de temps en temps, pour avoir traité Mademoiselle Kingsley de « suceuse de grosses queues poilues » - c’est Lou qui m’avait appris cette expression. Cette connasse de Kingsley m’avait ridiculisé parce que j’avais du mal à lire un texte, et c’est tout ce que j’ai trouvé à lui dire.
Le soir même, je passe pour un héros au bar ; et je me dis en me couchant, que ma vie ne peut prendre qu’un seul chemin : celui qui mène à devenir un tocard… comme le veut la tradition familiale. »
p. 51 « Le site de Fort Sill se trouve en pleine nature, près des montagnes de Wichita. Il a été choisi vers 1870 par un Major de mes couilles qui menait une « campagne en territoire indien pour mettre fin aux raids des tribus hostiles sur les colonies de pionniers installés aux frontières du Texas et du Kansas ». En d’autres termes : il butait des Indiens histoire qu’ils aillent pas faire chier les Blancs qui leur avaient piqué leurs terres. »
Vous l’aurez compris, le vocabulaire n’est pas académique mais c’est ce qui est dit derrière (et sur toute la longueur de l’ouvrage concernant les guerres et l’armée) qui mérite la discussion. Je ne connaissais pas Axl Cendres, jeune auteur(e) française, mais je vais m’intéresser de plus près à ses anciens titres !
Sarbacane, coll. Exprim’, septembre 2012, 205 pages, prix : 15,50 €
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Crédit photo couverture : ©Gettyimages et éd. Sarbacane