Les jardins d'Hélène

Séminaire en bord de mer - fantaisie 2

24 Janvier 2007, 19:30pm

Publié par Laure

Elle parcourt les quatre-vingts kilomètres de petite route qui la séparent de son lieu de stage, l’esprit un peu ailleurs. Il est sept heures trente,  il fait nuit, elle suit distraitement les feux rouges de la voiture devant. Elle pense à son fils qui a pris le car une heure plus tôt pour mille deux cents kilomètres vers Rome, sa joie de partir une semaine en Italie avec son collège, le pique-nique qu’elle a tout naturellement préparé à cinq heures du matin, et les vingt-quatre heures d’anxiété qui l’attendent, avant d’apprendre qu’ils sont bien arrivés.

Juste avant de tourner la clé, l’ordinateur de bord lui a rappelé qu’il y avait un risque de verglas, que l’éclairage automatique des feux était activé, tout comme l’essuyage automatique des vitres. Heureusement, la voiture écrit mais ne cause pas, sinon il y a longtemps qu’elle lui aurait rabattu le caquet. Cette voiture… son vieux rêve de mère… elle se souvient soudain comme il avait tiqué lorsqu’elle avait fait mettre la carte grise à son nom. Toutes les voitures qu’elle a conduites ont toujours été à son nom d’épouse, ça ne l’avait jamais choqué, alors où était le problème cette fois ? Elle avait mérité les Fiat successives (Uno, Brava), la vieille 806 à petit prix, mais pas la grosse 807 à plus de trente mille euros, elle qui trimballe la marmaille toute l’année et qui n’a jamais accidenté aucun véhicule ? Envisageait-il déjà de devoir peut-être un jour lui laisser cette voiture ? Elle ne l'a pas empêché d'acheter son V6 lui, ce machin qui consomme une station essence à chaque sortie...

Elle part en stage « Excel », enfin un stage qui lui sera vraiment utile, elle a une convocation, la liste des participants, le programme détaillé des quatre jours répartis en deux fois deux journées sur deux semaines d’affilée. Le midi, elle a une pause déjeuner d’une heure, le temps d’aller au restaurant inter-entreprises que l’organisme de formation leur octroie, traduire : cantine dégueu. Le soir, elle refait les quatre-vingts kilomètres dans l’autre sens. A peine arrivée, elle n’a que le temps d’enlever ses bottes qu’il faut se coller aux fourneaux, écouter et nourrir les filles. Puis elle repart en réunion de parents d’élèves, elle rentre à 23h30. Elle n’a pas le courage de lire.

Le lendemain, elle recommence. Mais cette fois elle zappe la pause déjeuner pour aller acheter des fleurs pour les soixante ans de la nounou, et des bricoles pour le dîner. Au retour, elle s’arrête sur son lieu de travail pour éteindre le réseau informatique qu’elle est passée allumer tôt le matin, et voir s’il y a des messages urgents. Elle travaillera quinze jours d’affilée, sans autre repos que les dimanches, c’est comme ça.

Pendant ce temps-là, il part en séminaire au bord de la mer. Lui qui a toujours détesté la Bretagne ! Dans un village où il n’y a qu’un hôtel en bord de plage. Pour une grande entreprise de transport ferroviaire, choisir une ville sans gare, joli paradoxe. Il n’aura sans doute pas d’autre souci que de descendre dîner au restaurant et de zapper à la télé. A moins qu’il n’y soit pas seul ? Des frustrations au parfum d’iode... On doit trouver pire dans la vie ?

Ses déplacements à elle sont finis pour la semaine, elle regarde la neige tomber, se dit que peut-être demain il faudra aller à l’école et au bureau à pied, que ses filles mangent des nouilles depuis deux jours mais que c’est pas grave, et que ce soir quand même, elle est un peu fatiguée. Elle, elle adore la Bretagne.

 

Nota : ce texte n’est pas une plainte, juste une fugue, réaliste, si vous voulez

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G
Cela ressemble plutôt à de la pudeur. Te lire est très agréable ; je parle de ta façon d'écrire ... bien sûr, je préfèrerais que tout cela ne soit qu'un roman ...<br /> Je pense bien à toi et je t'admire pour ton énergie et ton courage. Ceci dit, n'oublie pas de prendre soin de toi !
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V
Bien sûr que non ce n'est pas prétentieux ! cela permet de prendre de la distance par rapport aux événements. C'est tout à fait normal.
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V
J'aime beaucoup la façon dont tu écris Laure. C'est très beau ; même si tu es triste tu sais partager tes émotions. Cela me touche beaucoup et je me sens impuissante à te consoler. Pour avoir vécu des moments difficiles avec mon homme (et plusieurs séparations), je trouve que tu sais bien parler de ton état d'esprit. Moi j'avais du mal.
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L
Merci Véro. En fait sur ce sujet je ne suis capable d'écrire qu'avec un détachement à la troisième personne, cette histoire c'est pas forcément la mienne, juste celle d'une femme... (bon vous n'êtes pas dupes, mais je serais bien incapable de dire je là-dedans) . Je m'attends aussi à ce qu'on me balance à la figure qu'écrire à la troisième personne c'est prétentieux, mais je m'en fiche...
C
C'est cool ! tu nous as tous pris à bord de ton monospace, pas très loin de tes petites pensées, ça rumine, ça rumine ... N'oublie pas de songer à quelque autre chose de plus fabuleux pour ta bibliothèque ! ! !  Bizz aux enfants ! ;-)
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L
Rassure-toi, je me fais aussi "l'interview d'auteur", je rumine... les questions que je pourrai lui poser quand elle viendra, peut-être ;-))