Le bord de la rivière qui coule dans le ruisseau qui mouille quand ça pleut pas.
(oui c’est un titre stupide mais les habitués comprendront)
Mon premier roman est paru il y a quelques semaines à peine. Sept exactement. Si vous saviez l’exaltation tremblante quand je suis allée à la Fnac de Tours le 7 novembre pour vérifier qu’il était bien en place. J’ai failli pleurer là, debout plantée au milieu du rayon littérature et embrasser le vendeur qui était plié en deux au-dessus de sa caisse grise pleine de bouquins à mettre à plat sur table.
Nan mais Ducon, on s’en fout du roman de Tartempion, c’est le mien qu’il faut qu’on voie, le mien seulement. Enfin, le mien surtout. Hop, ni vue ni connue, j’ai mis le premier de la pile des miens sur le haut de la pile d’à côté, un truc moche au titre incompréhensible.
En rentrant, j’ai donné double ration de croquettes au chat, tellement je ne savais plus ce que je faisais. Et champagne ! Même si j’étais déjà grise de ce rêve enfin réalisé. Le bonheur. Du bonheur en barre à l’état pur.
Depuis, tous les matins, je tape mon nom dans Yahoo et Google pour voir si… au cas où…
J’ai déjà trois super commentaires sur F***c.com : 10/10, époustouflant. 9/10, un premier roman très abouti. Et 10/10, excellent !
Bon, à vous je peux bien le dire maintenant, le premier c’est tante Georgette, elle se met à l’Internet avec le club des aînés, elle était ravie de me rendre service. Le deuxième, c’est ma petite sœur Caro. Merci soeurette, j’t’adore. Le troisième, c’est grand-père André. On l’a écrit pour lui parce qu’à son âge, vous pensez bien qu’il n’a pas d’ordinateur, et qu’il n’y songe même pas. On a même créé une nouvelle adresse email pour l’occasion. Pépé André sur Internet, sacré pépé va !
Le mois dernier Evelyne Delassarre a publié un article adorable dans le Bord de la Loire Libéré (à croire que c’est seulement le bord qui a été libéré). Le problème, c’est qu’il y a peu de gens qui lisent le Bord de la Loire Libéré. Et ceux qui le lisent ne décortiquent pas vraiment les pages culture. N’empêche que l’article d’Evelyne (oui, maintenant je l’appelle Evelyne tellement elle est gentille), je l’ai découpé, scanné, et envoyé aux copines par mail. Même qu’Anne-Sophie a fait sa chouineuse parce que ça remplissait sa boîte mails et qu’elle attendait des choses plus urgentes que ma gloire toute neuve. Des photos de son chéri sûrement, le bel Edouard. Ah les copines, sympas je vous jure ! Tiens, tu veux que je te le dise, il devrait te quitter, Edouard !
Et puis ce matin, en allant sur www.lapagequidéchapitre.fr, j’ai vu. J’ai lu. L’horreur.
Une inconnue sortie de je ne sais où qui a eu le culot de trouver mon roman pas mal, mais bof quoi. Enfin je ne sais plus, j’ai failli balancer l’écran tellement elle m’a énervée. Merde, un écran plat 21’ à quatre cent cinquante euros ! Heureusement, je me suis retenue.
Nan mais qui c’est cette pétasse d’abord ? Pour qui elle se prend ? « Laure ». Ouais, ben c’est pas de l’or son commentaire ! Quelle conne ! Et pourquoi elle l’a acheté alors mon roman hein ? Vous pouvez me dire ? Et ça se prétend critique littéraire ? Je vais lui montrer ce que c’est moi, une vraie critique littéraire. Comment ça je ne suis pas critique littéraire non plus ? Mais on s’en fiche, c’est pas le problème ! En plus elle est conne comme ses pieds, elle a même laissé son adresse mail dans son profil, faut pas être futée quand même ! Elle aurait pu se la jouer secret life. Je vais me la faire celle-là, tu vas voir ! Non mais pour qui elle se prend cette nana ?
Voilà, je lui ai balancé un mail bien salé à cette bécasse, et je vous préviens, le premier qui dit encore un mot de travers sur mon roman alors que je ne lui ai rien demandé, c’est mon poing direct dans la gueule. Critique littéraire, c’est ça ouais ! Heureusement que Tante Georgette est venue à la rescousse, on va tous les dégommer ces abrutis qui pètent plus haut que leur … non là je deviens vraiment trop vulgaire, faut que je me calme.
Marie, mon éditrice, vient de m’appeler.
- Mais arrête, tu ne vas pas te laisser abattre par un petit commentaire de rien du tout, on s’en moque, qui la connaît d’abord, cette Laure ? Tu crois vraiment que c’est elle qui va influer sur tes ventes ? Te bile pas, un petit mail à Frédérique, et je t’obtiens un super papier dans l’Echo des Livres. Ça au moins, c’est du sérieux.
- Oui, mais tu vas encore devoir envoyer des SP, et la maison n’est pas bien riche…
- T’occupe ma puce, pour ton roman, faut ce qu’il faut, et je me battrai pour toi ! Et fais-moi plaisir, arrête de penser à cette Laure. Quand on mettra les cons sur orbite, elle a pas fini de tourner celle-là !
- Merci Marie, merci. Je vais demander à Natacha de mettre un commentaire positif sur lapagequidéchap… attends, ne quitte pas, on m’appelle sur mon portable. – quoi ?! Non ce n’est pas possible ! Vous vous trompez ! Où ça ? Mais pourquoi ? OK, j’arrive tout de suite. Oh mon Dieu. – Ciao Marie, je t’expliquerai plus tard.
Cela fait trois heures que je tourne en rond dans la salle d’attente à attendre qu’un médecin vienne me parler. Je sors tous les quarts d’heure fumer une cigarette à peine sur le pas de la porte de peur de manquer le médecin. Mon fils a glissé à scooter sur la route mouillée, a percuté de plein fouet la voiture qui venait en face.
Quand je pense qu’il y a trois heures je me prenais encore le chou pour un commentaire désobligeant, je veux bien en vendre zéro exemplaire de mon roman, mais mon Dieu, faites que mon fils s’en sorte, c’est tout ce que je demande.
NB : comme tous les articles de la catégorie « fantaisies », ce texte est une fiction, et RIEN QU’UNE FICTION.