La tête en friche, un film de Jean Becker (2010)
Germain Chaze n'a pas été aidé dans la vie : non désiré, arrivé par
accident, il est élevé durement par sa mère et subit les moqueries tant de ses camarades que de ses enseignants. A 50 ans, il est toujours le benêt du village, mais il mène une vie tranquille au
fond du jardin de sa mère, dans sa caravane. La belle et jeune Annette adoucit sa solitude. Mais c'est la rencontre avec Margueritte, une petite vieille adorable qui lui lit des romans sur un
banc public, qui va changer sa vie.
Autant commencer par là, je n'ai pas lu le roman de Marie-Sabine Roger, aussi j'ignore si le film lui est fidèle ou non. Et que dire quand en sortant de la salle, tous s'exclament sur la beauté et la tendresse du film, la larme encore au coin de l’œil : j'ai l'impression d'être un monstre. J'en suis peut-être un après tout : oui c'est mignon, mais que c'est gentillet ! C'est quand même si caricatural, si convenu, la fin est attendue à des km, ça manque de finesse, hélas. Certes les acteurs sont parfaits (Depardieu et Gisèle Casadesus tout particulièrement), mais règle-t-on vraiment tant d'années de désamour et d'abandon culturel avec trois pages de Camus et un regard bienveillant ?
Ce film plaît parce qu'il raconte une jolie histoire, simple, touchante, qui fait du bien, et que le spectateur d'aujourd'hui est en attente de cela, comme le lecteur de nos bibliothèques veut une lecture facile, « détente » et positive, quand il nous rend visite. Tout cela est légitime, et respectable. Mais il ne faut pas que cela.
Moi j'ai surtout failli m'étouffer pendant la scène qui se passe à la bibliothèque publique : mon Dieu il y a encore des gens pour croire qu'une bibliothèque ressemble à ça ? (Pas de date précise mais le car que conduit Annette est quand même super moderne). Jusque dans le portrait de la bibliothécaire grisâtre et momifiée ? N'importe quel être humain même benêt part en courant quand il voit ça, ces kilomètres de gris et de poussière. Et là, notre Depardieu demande un roman court et facile à lire. Aujourd'hui vous répondriez Lévy ou Musso, ou Nothomb, allez, (Pancol, ça marche pas avec « court ») et que croyez-vous qu'il emportât ? Supervielle ! Ah elle est belle la vie au cinéma, mais tellement pas réelle !
La conclusion de Thomas Sotinel dans sa critique au Monde est assassine :
« A tout ce malheur, Jean Becker oppose des rebondissements très prévisibles (Germain se révèle moins abruti que Gérard Depardieu n'en a l'air ; on découvre que sa maman n'est pas une vraie peau de vache ; il découvre la valeur de l'amour qu'on lui porte), qui acheminent le film vers une conclusion qui permettra aux spectateurs de sortir le sourire aux lèvres. On obtient le même résultat en regardant des vidéos de chatons qui courent sur un clavier de piano. » cette dernière phrase est cruelle mais sur le reste oui, je suis d'accord.
Ce que j'ai aimé dans ce film, c'est surtout Annette (Sophie Guillemin), et le chat.
[Vu en ciné itinérant en milieu rural, autrement dit le soir dans la salle municipale, que des gens du coin, vous connaissez tout le monde]
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