Les jardins d'Hélène

theatre

Une séparation - Véronique Olmi

2 Novembre 2013, 19:14pm

Publié par Laure

J'ai été surprise de découvrir un nouveau livre de Véronique Olmi début octobre alors que venait de sortir à peine quelques semaines auparavant son dernier roman La nuit en vérité. Il s'agit en réalité d'une réédition d'un texte de théâtre à l'occasion de sa sortie sur scène. La pièce se joue en effet au théâtre des Mathurins jusqu'au 22 décembre (plus d'infos ici : www.theatredesmathurins.com), avec Véronique Olmi elle-même dans le rôle de Marie, et Jean-Philippe Puymartin dans le rôle de Paul, acteur qui signe aussi la mise en scène de la pièce.

 

Si le sujet semble banal et rebattu (la séparation d'un couple), les mots de Véronique Olmi lui offrent une grâce particulière. Le texte prend une forme épistolaire, échange de lettres entre la femme qui quitte et l'homme quitté.

P. 11 : « Je te quitte, Paul. Je me suis levée pour te l'écrire. Je commence cette journée par faire ça. » Point d'adultère ou de nouvel amour secret, juste l'érosion habituelle d'une vie commune :

p. 22 : « Tu demandes la raison de cette rupture, je te la donne, elle tient en un mot : l'ennui. Comment avons-nous pu passer si vite de l'émerveillement à la léthargie à la léthargie ? »

Pourquoi et comment quitter quelqu'un qu'on aime encore ? Paul commence par refuser cette rupture, ce n'est pas son choix. Il répond à Marie. Tous deux poursuivent la correspondance. Les mots sont élégants, l'analyse est fine, le texte est beau et tout un chacun peut s'y retrouver quelque part. Mais en s'écrivant ainsi, ne s'aimeraient-ils pas à nouveau ? Les propos se font à nouveau séducteurs et amoureux, en quête d'un nouvel espoir, l'amour pas tout à fait mort se frayant son chemin dans la nostalgie douce. La fin, superbe et mystérieuse, triste peut-être, laisse le lecteur pourtant dans un cocon de douceur : ce texte est beau, tout simplement.

 

(et j'aimerais le voir joué, mais je ne suis pas parisienne!)

 

Albin Michel, octobre 2013, 70 pages, prix : 10 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © éd. Albin Michel

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Mathilde - Véronique Olmi

16 Février 2010, 06:51am

Publié par Laure

mathilde.jpgMathilde sort de prison, après avoir purgé une peine de trois mois pour avoir eu une relation amoureuse avec un adolescent de quatorze ans. Lorsqu’elle revient chez elle, son mari, médecin qui a mis sa vie entre parenthèses par peur du scandale, a mis toutes ses affaires en cartons.

Un face-à-face qui prend le lecteur dans sa tension, celle qui s’installe dans ce couple qui se retrouve. Avant, Mathilde écrivait. Elle était un peu connue, mais depuis « l’affaire », les ventes ont décollé. Son mari la pousse à raconter son histoire, à écrire pour se libérer de ses peurs et de la violence encourue, mais elle ne le peut pas. D’un couple qu’on pense voir exploser et se séparer, on va passer peu à peu à une réappropriation, de la vie, de l’amour blessé, du désir… On ne fera pas le procès de Mathilde dans ce texte, mais l’auteur propose une belle interrogation sur le désir et la nécessité de vivre la vie qui s’ouvre à vous, dans un cheminement intrigant. Le rapport à l’écriture et les cartons symbolisant la vie d’avant prennent une grande place dans le texte.

Le regret du théâtre, c’est que même s’il est agréable à lire, on se demande toujours ce que cela donnerait sur scène… je n’ai pas eu la chance de voir la pièce !

 

p. 40 « PIERRE : Qu’est-ce que je vais faire de tout ce que je connais de toi, si tu me quittes ? Mathilde, on est liés, reliés, attachés… je sais tant de choses, je les ai apprises, jour après jour, je les ai là… au fond de moi, sous ma peau !

MATHILDE : ça s’appelle « des souvenirs », Pierre. Tout le monde en a. Tout le monde vit avec. »

 

Lu et aimé aussi par Clarabel

 

Actes Sud-Papiers, octobre 2001, 56 pages, prix : 9 €

Etoiles : stars-5-0__V7092072_.gif

Crédit photo couverture : © Cheryl Koralik / Photonica 2001 et éd. Actes Sud

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Louise / les ours - Karin Serres

13 Octobre 2009, 16:46pm

Publié par Laure

Je lis très peu de théâtre, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce qu’on n’apprend pas aux enfants ou même aux adultes à lire du théâtre pour le plaisir, autrement que pour un atelier ou un travail scolaire. Peut-être aussi parce que je crois que le théâtre est fait pour être vu, pas lu (par ceux qui ne le jouent pas donc), bref, je ne sais pas parler de théâtre. (Pas plus que d’autres littératures soit dit en passant, mais de théâtre, encore moins !)

J’ai eu l’occasion de rencontrer Karin Serres récemment dans un salon du livre, pour un très chouette roman jeunesse (Mongol, cherchez pas, je n’ai pas écrit de billet), et j’ai appris alors qu’elle écrit surtout du théâtre, pour adultes et pour les jeunes. Elle est aussi décoratrice et scénographe, bref, le théâtre, c’est son domaine.

Soyons fous, j’ai pioché dans ses textes de théâtre à l’école des loisirs, et pour le premier que j’ai lu, j’ai adoré ! L’impression de retomber dans le plaisir de l’enfance, de rêver avec une histoire dont on se demande sans cesse où est la vérité, si c’est fantastique ou imagé, où est la réalité, faut-il seulement la chercher, laissons-nous juste porter par le texte…

C’est l’histoire de Louise, 11 ans, qui vit au Canada avec son père Ian et sa sœur Elinor. Elinor, c’est la génération ado parfaite : seuls les garçons l’intéressent, et se moquer de sa sœur ! Alors quand un beau jour Louise rentre en expliquant qu’un ours blanc la suit, un ours transparent, derrière elle, et qu’il lui parle, forcément tout le monde la regarde bizarrement, car Louise est bien la seule à le voir, cet ours. Même quand ils se démultiplient, les ours transparents, accompagnant son père, sa sœur, et les gens dans la rue. Existent-ils vraiment ces ours ? Louise est-elle folledingue comme le pense Elinor ? Représentent-ils des anges gardiens ? Ou un ami confident quand on n’est plus tout à fait une enfant mais pas encore une adolescente, comme un doudou rassurant toujours là pour soi ? Faut-il se prêter au jeu comme le papa ?

Un vrai plaisir de lecture que ce texte étrange qui joue sans cesse avec la réalité très terre à terre de l’adolescence, de la famille, du langage familier, de la vie banale et quotidienne, et le fantastique, étrange, bizarre… L’envie d’y croire et de ne pas se poser de questions, de prendre le texte comme il vient, parce que c’est très bien ainsi ! Une jolie découverte, et comme j’ai acheté quelques pièces, vous entendrez sans doute encore parler de Karin Serres dans ces pages…

 

Ecole des Loisirs, coll. théâtre, décembre 2008, 64 pages, prix : 6,50 €

Etoiles : stars-4-0. V192553758

Crédit photo couverture : L’école des Loisirs.

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Incendies - Wajdi Mouawad

22 Juillet 2008, 09:37am

Publié par Laure

Tout a commencé par la pièce que j’ai vue sur scène, au théâtre municipal du Mans, par hasard, une amie m’offrait la place d’une abonnée absente ce jour-là. Je ne savais pas ce que j’allais voir, juste que ça durait 3 heures, que l’auteur était libanais vivant au Québec, et travaillait beaucoup sur la quête de l’identité.

Et puis quelle force sur scène ! Quel texte ! Quelle mise en scène ! et 3 heures, ça ne suffisait pas, on aurait voulu que ça dure encore, 20 minutes d’applaudissements debout, et un retour complètement anéantie, longtemps imprégnée encore du spectacle vu, de la force et de l’horreur, de l’humour qui ponctuait régulièrement cette atroce gravité, de la qualité de la représentation. Le spectacle vivant, d’un tel niveau, surpasse tout le reste.

 

Pour prolonger ce moment, Amanda m’a proposé de m’envoyer le texte, ce qui m’a permis de retrouver les images de cette magnifique soirée.

2002. Hermile Lebel, notaire québécois, ouvre le testament de Madame Nawal Marwan et lit ses dernières volontés en présence de ses deux enfants, Jeanne et Simon, nés tous deux le même jour, 20 août 1980. Ils ont 22 ans. En plus du partage des biens entre ses jumeaux, elle demande à être enterrée sans cercueil, visage vers le sol. Pas de pierre, pas de nom. Jeanne doit retrouver son père et lui remettre une enveloppe confiée au notaire, Simon de même doit remettre une enveloppe, mais à son frère. Père qu’ils croyaient mort et frère dont ils ignoraient l’existence.

Pourquoi après des années de silence leur mère a-t-elle prononcé cette phrase avant de mourir : « maintenant que nous sommes ensemble, ça va mieux » ?

Tout a commencé quand Nawal avait 14 ans. Amoureuse de Wahab, elle tombe enceinte, ce qui n’est pas accepté par sa famille. L’enfant lui sera enlevé et placé en orphelinat.

 

Par le biais d’une mise en scène exceptionnelle et d’un texte parfaitement construit, les enfants vont reconstituer l’histoire de leur mère, entre Québec et guerre du Liban, entre effroi et violences, amour et force. La gravité de certaines scènes est heureusement ponctuée de touches légères, par l’humour du personnage du notaire, son accent québécois, son franc-parler et ses expressions colorées.

Une pièce qui revisite des grands mythes de la tragédie grecque, qui aborde la question des origines, l’amour et le pardon, la liberté que donne le fait de savoir lire et écrire,  les violences et les guerres, une pièce rare et exceptionnelle.

 

(Depuis, Amanda, j’ai commandé toutes ses pièces disponibles et je vais surveiller la programmation des théâtres !)

 

En savoir plus sur la représentation 

 

Actes Sud Papiers / Léméac, mai 2003, 92 pages, 11 €

Ma note :  stars-5-0__V7092072_.gif

Crédit photo couverture : éd. Actes Sud Papiers

 

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Le dieu du carnage - Yasmina Reza

9 Juin 2008, 21:14pm

Publié par Laure

J’inaugure la rubrique théâtre avec cette petite pièce prêtée par Amanda, alors que je lui demandais simplement des conseils en théâtre contemporain, elle m’a envoyé un colis ! (Merci merci Amanda !)

 

Cette pièce de Yasmina Reza est aussi savoureuse que drôle et cocasse, en dévoilant que derrière toute civilité se cache une violence primaire pas toujours facile à canaliser.

 

Michel et Véronique Houllié, couple de quadras, ont invité chez eux le couple Reille, Alain et Annette, pour discuter de la bagarre qui a eu lieu entre leurs fils, au cours de laquelle Ferdinand Reille a cassé deux dents à Bruno Houllié. Alors que tout démarre dans une ambiance pacifiste et polie, les personnalités se dévoilent peu à peu. Alain est insupportable à toujours répondre à son portable qui sonne non-stop, Annette commence à vomir sur les beaux livres d’art des Houllié (ça donne quoi sur scène ?), Michel ne parvient pas à trouver grâce aux yeux de quiconque en tentant de  justifier l’abandon du hamster de sa fille sur un trottoir, les couples s’engueulent, mais c’est drôle !

Je suis ravie d’avoir découvert ce texte, car je n’ai pas du tout l’habitude de lire du théâtre, et bien sûr l’idéal serait de le voir sur scène. Joué à Paris jusque fin mai au théâtre Antoine (trop tard, hélas), avec Isabelle Huppert, Eric Elmosnino, Valérie Bonneton (qui a eu le Molière 2008 de l’actrice dans un second rôle pour cette pièce) et André Marcon.

 

Extrait : p. 78 : « Je vais vous dire, toutes ces délibérations à la con, j’en ai par-dessus la tête. On a voulu être sympathiques, on a acheté des tulipes, ma femme m’a déguisé en type de gauche, mais la vérité est que je n’ai aucun self control, je suis un caractériel pur. »

 

Lire aussi les 2 bonnes critiques de lecteurs sur Critiques Libres.


Albin Michel, janv. 2007, 124 pages, prix : 10 €

Ma note : stars-4-0. V192553758

Crédit photo couverture : éd. Albin Michel

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