Incendies - Wajdi Mouawad
Tout a commencé par la pièce que j’ai vue sur scène, au théâtre municipal du Mans, par hasard, une amie m’offrait la place d’une abonnée absente ce jour-là. Je ne savais pas ce que j’allais voir, juste que ça durait 3 heures, que l’auteur était libanais vivant au Québec, et travaillait beaucoup sur la quête de l’identité.
Et puis quelle force sur scène ! Quel texte ! Quelle mise en scène ! et 3 heures, ça ne suffisait pas, on aurait voulu que ça dure encore, 20 minutes d’applaudissements debout, et un retour complètement anéantie, longtemps imprégnée encore du spectacle vu, de la force et de l’horreur, de l’humour qui ponctuait régulièrement cette atroce gravité, de la qualité de la représentation. Le spectacle vivant, d’un tel niveau, surpasse tout le reste.
Pour prolonger ce moment, Amanda m’a proposé de m’envoyer le texte, ce qui m’a permis de retrouver les images de cette magnifique soirée.
2002. Hermile Lebel, notaire québécois, ouvre le testament de Madame Nawal Marwan et lit ses dernières volontés en présence de ses deux enfants, Jeanne et Simon, nés tous deux le même jour, 20 août 1980. Ils ont 22 ans. En plus du partage des biens entre ses jumeaux, elle demande à être enterrée sans cercueil, visage vers le sol. Pas de pierre, pas de nom. Jeanne doit retrouver son père et lui remettre une enveloppe confiée au notaire, Simon de même doit remettre une enveloppe, mais à son frère. Père qu’ils croyaient mort et frère dont ils ignoraient l’existence.
Pourquoi après des années de silence leur mère a-t-elle prononcé cette phrase avant de mourir : « maintenant que nous sommes ensemble, ça va mieux » ?
Tout a commencé quand Nawal avait 14 ans. Amoureuse de Wahab, elle tombe enceinte, ce qui n’est pas accepté par sa famille. L’enfant lui sera enlevé et placé en orphelinat.
Par le biais d’une mise en scène exceptionnelle et d’un texte parfaitement construit, les enfants vont reconstituer l’histoire de leur mère, entre Québec et guerre du Liban, entre effroi et violences, amour et force. La gravité de certaines scènes est heureusement ponctuée de touches légères, par l’humour du personnage du notaire, son accent québécois, son franc-parler et ses expressions colorées.
Une pièce qui revisite des grands mythes de la tragédie grecque, qui aborde la question des origines, l’amour et le pardon, la liberté que donne le fait de savoir lire et écrire, les violences et les guerres, une pièce rare et exceptionnelle.
(Depuis, Amanda, j’ai commandé toutes ses pièces disponibles et je vais surveiller la programmation des théâtres !)
En savoir plus sur la représentation
Actes Sud Papiers / Léméac, mai 2003, 92 pages, 11 €
Ma note :
Crédit photo couverture : éd. Actes Sud Papiers