Marguerite n'aime pas ses fesses - Erwan Larher
Marguerite n'aime pas ses fesses : qui commencerait un roman par une telle phrase, aussi ambiguë d'un point de vue syntaxique ? Ses fesses : lesquelles, les siennes propres ou celles de son mec, ou celles d'une copine, ou celles de n'importe qui ?
En plus de ne pas aimer ses propres fesses, Marguerite a un mec pas très fréquentable mais elle n'y voit goutte, une mère complètement libérée qui jouit de la vie (et des hommes), mais Marguerite est aussi en manque de père et en quête d'elle-même. Aussi va-t-elle se découvrir peu à peu au contact d'Aymeric Delaroche de Montjoie (DDM pour faire court), ancien président qu'elle rencontre quotidiennement pour écrire ses Mémoires, et il faut faire vite, car la mémoire, il la perd.
J'ai été sceptique sur les 50 premières pages, parce que dérangée sans doute : Jonas, le compagnon de Marguerite est absolument détestable (et les scènes liées à ses obsessions sexuelles sont nombreuses), et cela me semblait bavard et creux, jusqu'à ce que je tombe sur cette phrase : « Tout se mélange en continuum fadasse, chaque journée ressemble à la précédente, la suivante les copie, fainéante. Seuls changent les épiphénomènes, les petites phrases des personnalités médiatiques, les lieux des conflits et la température extérieure. Sinon, c'est le même bout de chemin vers rien, choisir ses vêtements, interviewer le vieux, voir ses copines ou pas, y'a quoi à la télé ce soir ? » (p.63)
Ce rien qui occupe les journées de Marguerite, n'est-ce pas ce que l'auteur est en train de me décrire depuis le début ? Et quand quelques pages plus loin je suis tombée sur le salon du Livre du Mans (voir photo cliquable plus bas), « ma » 25ème heure (j'étais peut-être moi-aussi à la table derrière !), et sur une réflexion aussi drôle que juste sur les auteurs, les blogs et la lecture, je suis passée de « à cran » à « accro », en tous les cas loin des écrans.
Et je n'ai plus lâché le roman, que j'ai dévoré d'une traite (voilà à quoi sert le dimanche).
J'ai aimé la critique politique (et à quoi tient vraiment le pouvoir), j'ai aimé reconnaître plusieurs présidents en un seul, j'ai aimé le personnage foutraque de la mère, le réalisme des copines, l'évolution de Marguerite (à qui on crève d'envie d'ouvrir les yeux sur son mec), l'intrigue policière légère qui ajoute du piment à l'affaire (et d'intéressants personnages secondaires), bref, j'ai aimé l'ensemble, avec un seul regret sur la fin, mais ça c'est parce que je déteste les fins ouvertes. Je ne veux pas qu'on me laisse imaginer ce qui va se passer, en bien ou en mal, je veux qu'on me le dise. Parce que des hypothèses j'en ai, évidemment, mais rester dans le doute me laisse insatisfaite.
Dérangeant, engagé, moderne et décrivant avec réalisme une époque, avec ce qu'il faut de fantaisie et de jubilation pour le lecteur, Marguerite n'aime pas ses fesses tient toutes ses promesses. Foncez si vous aimez être bousculé !
Et vous savez ce qu me réjouit ? C'est que je n'ai pas encore tout lu d'Erwan Larher.
Sur ce blog également :
- l'Abandon du mâle en milieu hostile
Quidam éditeur, avril 2016, 252 pages, prix : 20 €
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Crédit photo couverture : © Hugues Vollant et Quidam éd.