Les jardins d'Hélène

Avoir un corps - Brigitte Giraud

22 Juillet 2015, 10:07am

Publié par Laure

J’aime l’écriture de Brigitte Giraud et sa capacité à nommer des sensations, des émotions et à mettre en lumière ici la vie d’une femme par le biais de sa relation au corps. De l’enfance à la quarantaine, de la prise de conscience « d’avoir un corps » jusqu’à la maternité, on revit avec la narratrice les jeux de l’enfance, la question du poids / de l’alimentation, le plaisir, la douleur, l’avortement, l’accouchement… Chemin universel d’un corps féminin.

 

J’ai aimé tout particulièrement le passage sur l’avortement (le geste de la maman sur sa joue), et l’accouchement, tous deux très justes dans les peurs, perceptions et sentiments appréhendés.

 

J'ai ri au passage sur le "space-cake" à Amsterdam !

 

J’ai aimé aussi la partie douloureuse sur le deuil, lorsque son compagnon meurt dans un accident, celui qu’elle a toujours nommé ici « le garçon », le père de son enfant, et qui dans à présent s’appelait Claude. J’ai aimé cette intertextualité qui surgit soudain pour le lecteur familier des romans de l’auteur.

 

Un roman sensible et juste sur l’intime et l’universel, comme je les aime.

 

Mes autres lectures de Brigitte Giraud sur ce blog (cliquer sur les titres) :

 

- A présent (2001)

- Marée noire (2004)

- J’apprends (2005)

- Une année étrangère (2009)

 

 

Extraits :

 

p.90 [ quand il faut demander l'autorisation parentale pour l'avortement ] : « Et là où la mère devrait rejouer sa phrase, là où elle devrait risquer : « Tu n’as pas fait de bêtise, au moins ? » elle demeure muette, elle garde pour elle la phrase terrible. Ce qui suit est sans doute le plus délicat, ce qui arrive ensuite est un geste, celui de la mère qui écarte les cheveux de devant le visage inondé et esquisse une caresse contre la joue, geste perdu en chemin, si hésitant et si fragile qu’au lieu de s’annuler il compte double, il compte comme l’impossibilité de dire, d’agir, il compte comme la peur qui arrête, la peur qu’éprouve une mère devant son enfant souffrant, devant son enfant qui vit sa vie propre et solitaire, qu’elle n’a vue ni grandir, ni s’éloigner, ni même se débattre, qu’elle tente de retenir, de regarder aussi en improvisant ce geste. »

 

p. 148 [à l'entrée à la maternité / salle d'accouchement] : « Après il ne faut plus imaginer être une fille, une femme ou quelque chose d’approchant. Il faut accepter de n’être qu’une enveloppe de chair, tant le cerveau ni la mémoire ne comptent plus. Il faut se changer en une denrée concrète, sans éducation ni affect, n’obéir qu’à une logique mécanique, laisser de côté sa culture et son style. Son orgueil aussi. Sur la table d’accouchement toutes les femmes sont égales, c’est-à-dire impuissantes et soumises. Terrassées. Alors on repense aux girafes, on a vu les images à la télévision, l’élégance et la grâce, la longue descente, comme sur un toboggan, du girafon qui glisse hors de l’enveloppe et, contrairement au bébé humain, se met sur ses pattes et vit bientôt sa vie autonome. »

 

 

Éd. Stock, août 2013, 234 pages, prix : 18,50 €  - Existe en poche

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Crédit photo couverture : © éd. Stock

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F
J'aime beaucoup aussi l'écriture de Brigitte Giraud, mais n'ai pas encore eu l'occasion de lire ce roman-ci! je vais me le procurer en poche prochainement :)
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L
Je prends toujours plaisir à lire ses romans, je te souhaite de même :-)
C
j'aime beaucoup les livres de cette auteure et celui-ci n'a pas dérogé à la règle.
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L
oui, et dire que j'avais ce livre à la maison depuis presque 2 ans et que je l'ai ouvert que tout récemment !
A
Comme j'aime la lire. J'ai eu la chance de la rencontrer aussi. ;) C'est vrai que retrouver des bribes ici et là de ce que l'on connaît déjà est toujours un petit plaisir de lectrice adepte.
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L
Elle m'a dédicacée ce livre au Salon du Livre du Mans en 2013. J'étais complètement stupide et ne savais pas dire autre chose que "j'aime beaucoup vos livres" (trop émue sans doute !) mais comme j'ai été incapable de lui parler ne serait-ce que de l'un d'entre eux, elle n'a pas dû me croire ou me prendre pour une folle !