Deux fois par semaine - Christine Orban
Deux fois par semaine, l’auteur se rend chez un psychanalyste de renom, qui lui a été recommandé par … sa gynéco ! (seul médecin qu’elle consultait jusqu’alors). Elle a tout juste vingt ans quand elle apprend que son mari souffre d’un cancer. A la question « combien de temps encore », on lui répond : « un an, ou peut-être deux ». Le monde s’écroule autour d’elle et en elle, on lui dit qu’elle ne surmontera pas cette épreuve toute seule, qu’elle devrait prendre rendez-vous pour se faire aider... Voici les causes de son entrée en analyse. (Une psychothérapie n’aurait-elle pas été plus utile dans ce cas-là ? bref…)
C’est donc le récit détaillé de ces deux rendez-vous par semaine que nous propose ce roman, avec tout le doute, le mal-être, l’artifice qui règne autour du divan. Le psy aussi est décrit avec ses clichés habituels, derrière elle, elle l’entend se limer les ongles ou se racler la gorge, et quand il est loquace, elle a droit à un « hum » synonyme d’encouragement à parler. Il y a la phase de résistance et la phase d’attachement (le transfert ?), les descriptions répétitives des chaussures ou de sa jupe, et toujours l’impossibilité à parler. Si le lecteur cherche à savoir comment elle sort du gouffre ou comment elle exprime la souffrance de l’accompagnement du mari qui se meurt, c’est peine perdue : il n’y a rien là-dessus. Seulement une description minutieuse - et je l’avoue très réussie – de ce qu’est le début d’une analyse chez un psy, le déroulement immuable et bien réglé des séances. La fin me laisse un peu sur ma faim : une larme d’émotion pour l’homme habituellement de marbre, une modeste compassion, mais poursuivra-t-elle sa cure, comment surmontera-t-elle le deuil ? Comme un goût d’inachevé…
Les passages que j’ai aimés :
p. 35 : « Je viens d’acheter une parcelle de temps à un homme.
Disons plutôt que je viens de louer, louer deux fois par semaine, les trois quarts d’une heure à un propriétaire de temps, docteur en psychiatrie.
[…] je loue un espace de temps pour le remplir de mots. »
Voilà qui définit bien le binôme temps/argent : les séquences bihebdomadaires au tarif de 500 F les 45 minutes, l’importance du contrat et de la régularité quasi immuable. Sur 11 mois (il y a un mois de repos), faites le calcul annuel. (44 000 F, oui à l’époque c’était des francs, bon allez, en gros, 6 700 €). Je persiste à penser que seuls les riches peuvent se payer le divan, du moins celui-ci.
p.92 : « Parfois je me demande s’il n’existe pas méthodes plus efficaces. On appuie sur le ventre des femmes pour les accoucher, sur les blessures pour en extraire le pus, il n’appuyait nulle part. Comment parvenir à un résultat ? Il ne dit rien, et moi, je suis trop blessée pour donner. Je pourrais recevoir des mots si on me les administrait comme un médicament. Je ne sais pas aller les chercher. Surtout pas les bons. »
Albin Michel, sept. 2005, 191 pages, ISBN 2-226-16809-5, prix 15.90 €