Jeu de mains - Adeline Yzac
Valantin (oui, avec 2 a) est en classe de seconde et a à peine 15 ans, non qu’il ait une année d’avance, mais il est de la fin de l’année, 14 ans et 10 mois, quoi… Valantin est comme tous les garçons de son âge : curieux et angoissé face à sa sexualité naissante, et pour tout dire obsédé. Mater les filles et se masturber, voilà qui occupe la quasi-totalité de son temps, du moins de ses pensées ! Mais cet après-midi-là, dans une papeterie près de la place du Capitole à Toulouse, Valantin achète une paire de ciseaux, des ciseaux rouges, pointus, qu’il choisit longuement, méticuleusement.
Adeline Yzac réussit là un double exploit : celui de parler ouvertement et clairement de la masturbation masculine adolescente pendant 110 pages, sans jamais être vulgaire ou graveleuse, et celui de faire mine de nous mener quelque part pour nous conduire finalement tout à fait ailleurs. Car au fil des pages, la tension monte, à force de nous parler du tranchant de ses lames et du courage qu’il va lui falloir, Valantin nous stresse un peu quand même, sur l’utilisation qu’il compte faire de ses nouveaux ciseaux ! Or la chute est surprenante, vraiment bien conduite !
J’ai aimé également le regard porté par l’adolescent sur ses parents, c’est tout à fait ça !
A conseiller dès 14 ans.
J’avoue tout de même que la médiation de ce livre n’est pas évidente. J’ai un fils de 14 ans et 10 mois et quelques (comme dans le livre quoi) et je ne me vois pas le lui offrir. Parce que les garçons de 14 ans ne lisent pas, ou pas de romans (parce que ce n’est pas vrai qu’ils ne lisent pas !), et que c’est un sujet qu’une mère ne sent pas d’aborder si facilement. N’y aurait-il pas dans le coin une mamie moderne qui dirait nonchalamment : tiens, je ne l’ai pas lu, mais mon libraire me l’a vivement conseillé pour les jeunes de ton âge, ou un parrain bienveillant, je ne sais pas moi, parce que même si je le laisse traîner sur le canapé, j’ai plus de chances qu’il soit lu par mes filles ou qu’il serve de coussin au chat que de se retrouver entre les mains de l’adolescent en question. Adolescent qui ne nous plaignons pas, après avoir lu Schopenhauer ( !), m’a demandé les Misérables, a failli le regretter quand je lui ai ramené les 1800 pages imprimées en caractère taille fourmi des deux tomes en Folio, mais qui s’est remis à lire après 2 ou 3 ans de désert sidéral (informatique, surtout), des trucs qu’il pioche je ne sais où mais en tous les cas pas au collège (parce qu’à chaque fois que je lui demande quel prof a parlé de ce livre, il me répond que non, c’est sur Internet avec les copains). Parce qu’il n’y a que lui pour lire le laboratoire des poisons sous un cocotier à la Réunion (quand sa mère lit Gala ou Voici quoi, n'est-ce pas Véro ?) et Kesey, Vol au-dessus d’un nid de coucou dans les TGV pour aller chez son père. Finalement, je suis comme la mère du livre : il est bien mon fils !
L’avis de Laurence, du Biblioblog et celui de Clarabel.
Ed. du Rouergue, coll. DoAdo, 110 pages, janvier 2009, prix : 7 €
Ma note :
Crédit photo couverture : © Marion Bataille et Le Rouergue