Les petites mères - Sandrine Roudeix
L'auteur a du mérite, car j'avais égratigné son premier roman, et c'est sans rancune qu'elle est revenue vers moi pour me proposer la lecture du second. Je la remercie pour cette confiance et son ouverture d'esprit.
Les petites mères, c'est l'histoire d'une lignée de femmes, dont Rose est la dernière. Âgée de 23 ans, elle doit présenter son fiancé à sa mère et aux aînées de la famille.
Les femmes de cette famille semblent reproduire un même schéma : toutes ont été abandonnées par leur homme. Toutes souhaitent bien sûr que Rose rompe cette malédiction et épouse son Martin.
C'est dans la préparation du dîner et des retrouvailles avec Rose et son compagnon que se dévoile l'histoire de ces quatre femmes : l'arrière grand-mère, Conception, 88 ans, dite ici « la vieille en sucre », fille-mère elle a épousé l'épicier italien qui a bien voulu accepter l'enfant d'un autre, elle a eu quatre filles dont deux sont mortes ; Fernande, 64 ans, la grand-mère ; Babeth, la mère chez qui se passe le dîner, et Rose, l'arrière petite-fille vers qui se portent tous les espoirs.
Elles ont souffert ces femmes, se sont forgé leur caractère, et se demandent si un jour la reproduction de ces tristesses amoureuses cessera.
Si le roman se lit tout seul, je suis trop souvent restée sur ma faim : j'aurais aimé en savoir plus sur les hommes et leur raison de partir, sur la vie de ces femmes et leur rapport à l'amour, plus sur le pourquoi d'une telle méchanceté dans les propos de Fernande. Je me suis parfois presque perdue dans les propos d'unetelle ou unetelle (mince, qui est-elle déjà), le choix narratif surprenant m'ayant parfois un peu égarée : alternance de récit à la première personne et à la troisième personne pour un même personnage. De même j'ai trouvé dommage d'avoir indiqué une fratrie de filles (Concepcion a eu quatre filles notamment) et de les avoir occultées pour ne se concentrer que sur une seule : Fernande (car si j'ai bien tout suivi, l'une est mariée). Cela n'aurait-il pas mieux fonctionné avec une lignée de filles uniques ? (car ici toutes donc n'ont pas reproduit le schéma)
Une fin comme une boule dans un jeu de quilles, étonnante et logique à la fois.
A lire de préférence d'une traite, afin de ne pas oublier, quand une fille parle de sa mère, de laquelle il s'agit (ou peut-être étais-je trop fatiguée, bref mieux vaut rester concentré!)
Un portrait familial aux traits féminins, mais qui manque encore d'un petit quelque chose à mon goût pour être vraiment touchant.
Rose, p. 14 : « ça fait tellement longtemps qu'elle n'a pas embrassé sa mère, sa grand-mère et son arrière-grand-mère. Trois ans exactement, depuis son installation avec Martin, qu'elle n'a pas vu ses petites mères, comme elle les appelait, enfant. »
p. 59 : « Personne ne soupçonne qu'elle n'est pas du milieu. Du milieu des gens bien élevés, ceux qui ont appris. Personne ne soupçonne que sa mère est secrétaire, que sa grand-mère marchande de légumes, et son arrière grand-mère, ancienne femme de ménage immigrée, fille d'ouvrière. Personne ne sait qu'elles ont toutes été abandonnées par leur homme pendant ou juste après leur grossesse. Quatre femmes larguées comme des baleines échouées. »
p. 88 : « C'est un événement, un tremblement de terre, d'accueillir un mâle dans leur famille. Un homme légitime, enfin. Il n'y en a pas eu beaucoup dans leurs vies. »
L'avis de sylire, Lucie, Antigone
(tiens d'ailleurs ça ne m'interpelle que maintenant : le roman est sorti en
février 2012 et c'est en avril 2013 qu'il est envoyé à quelques blogueuses... besoin de rattraper un titre passé inaperçu ?)
Flammarion, février 2012, 179 pages, prix : 16 €
Etoiles :
Crédit bandeau couverture : © Sandrine Roudeix (oui elle est aussi photographe!) et éd. Flammarion.