Si tu passes la rivière – Geneviève Damas
« moi qui avant n’avais que du vent dans la tête et des cochons comme amis » (p.98)
Quel petit bijou que ce livre ! L’histoire nous est racontée par un jeune garçon, François, dont on ignore l’âge au départ – on saura plus tard qu’il a 17 ans, et l’on remarque qu’il est un peu le simplet du village et le laissé-pour-compte de la famille.
Très jeune, son père lui a dit : « Si tu passes la rivière, si tu passes la rivière […], tu ne mettras plus les pieds dans cette maison. Si tu vas de l’autre côté, gare à toi, si tu vas de l’autre côté. »
Bien sûr, cet autre côté intrigue et inquiète le garçon. Qu’y a-t-il sur l’autre bord, et pourquoi sa sœur Maryse, la seule qui semblait l’aimer, n’est-elle jamais revenue depuis qu’elle a bravé cet interdit ?
François vit dans son monde intérieur, à défaut d’amour venant des siens, c’est à la truie Hyménée qu’il confie sa souffrance et ses secrets.
Roman vraiment touchant et sensible, tout en fausse simplicité, qui fait une belle part à la lecture (en tant que « savoir lire ») comme outil de liberté, car François est analphabète, mais c’est patiemment qu’il va apprendre à lire, avec le curé du village (aux mœurs par ailleurs pas très catholiques !) et qu’il va pouvoir ainsi, seul et contre tous, percer le mystère de son enfance, le secret familial et la disparition mystérieuse de sa mère.
C’est un roman lumineux malgré le côté sombre et rustre du père, un cheminement intérieur et d’ouverture que fait le jeune garçon par le biais des mots, que le lecteur suit avec émotion et plaisir. Un très beau premier roman passé hélas inaperçu.
(J’ai eu une frayeur à un moment, mon exemplaire s’étant révélé défectueux et passant de la page 112 à 97 à nouveau, j’ai cru à un mauvais montage des cahiers, et un manque de l’un d’entre eux, mais par chance, je n’ai eu qu’une quinzaine de pages en doublon avant de retrouver, ouf, la fin !)
Éditions Luce Wilquin, août 2011, 114 pages, prix : 13 €
Etoiles :
Crédit photo couverture : © Dimitri Delcourt et éd. Luce Wilquin