Les jardins d'Hélène

Un endroit pour vivre - Jean-Philippe Blondel

6 Octobre 2007, 09:42am

Publié par Laure

endroit-pour-vivre.jpg Par le biais de ce petit roman « ados » je découvre en même temps une nouvelle collection de chez Actes Sud Junior qui m’était passée inaperçue. D’une seule voix, collection dirigée par Jeanne Benameur et Claire David, énonce cette ambition : « des textes d’un seul souffle. Les émotions secrètes trouvent leur respiration dans la parole. Des textes à murmurer à l’oreille d’un ami, à hurler devant son miroir, à partager avec soi et le monde. » Le texte écrit est aéré et imprimé très gros : « la taille du caractère a été spécialement étudiée pour faciliter une lecture à voix haute », précision reproduite à plusieurs endroits dans le livre, sans quoi on pourrait (peut-être) imaginer qu’il s’agit d’un roman léger pour petits lecteurs en difficulté, même au lycée. Je n’ai pas lu le texte à voix haute, mais on peut l’imaginer travaillé en ateliers en solo théâtre. Ce petit texte de Jean-Philippe Blondel est donc le dernier paru de cette collection qui en compte à présent 6
Venons-en à l’histoire : le narrateur est un élève de 1ère, âgé de 16 ans, un peu solitaire, rêveur et contemplatif, qui s’enferme volontiers dans la lecture, un élève sans histoires, mais sans problèmes non plus. Le nouveau proviseur est un pète-sec qui ne veut pas que son lycée soit un lieu de vie, mais un lieu de travail, de labeur et de savoir. Oui aux résultats, non aux flirts dans les couloirs.

Notre élève croit en son lycée comme un endroit pour vivre, et bascule de la lecture vers le cinéma : il se met à filmer (avec leur accord) les baisers tendres de ses camarades, les roucoulades de couples qui « se frottent » dans les couloirs, comme dit le proviseur. Et d’en être très ému. Une fin très …  très … cercle des poètes disparus… !

 

Chat échaudé craint l’eau froide, je me garderai bien de tout commentaire sur cet opus, mais je laisse des extraits parler pour moi, comprenne qui voudra :

 

pp 43-44 : « Devant moi – un baiser.

Un baiser filmé.

Long langoureux mouillé passionné doux violent tendre.

Je regardais la scène. J’étais hypnotisé par leurs peaux. Par la façon dont Sonia s’était collée à son homme. J’en avais la gorge nouée. Je me suis demandé si j’avais déjà été désiré de cette manière-là. »

 

pp. 53-55 : « C’est venu petit à petit. Tandis que je tenais la caméra à bout de bras et que je restais prisonnier du spectacle qui s’offrait à moi. La soie des doigts de Lise, ils amadouent les dieux – calment les peurs – font pénétrer la confiance – un onguent – une pommade. La naissance du visage enfoui de Samuel. Le dessin de son oreille gauche – c’est si fin, une oreille, si fragile – et les mains de Lise comme un murmure – je suis là, ne t’en fais pas, je suis là – il y avait là un tel abandon – le frisson est monté d’au-dessus du nombril – il est remonté le long du torse – un serpent dans les herbes hautes – il s’est lové à la base du cou – et soudain, il est parti à l’attaque des sinus – les yeux ont perlé presque immédiatement – j’aurais pu refouler en gardant le ciel imperturbablement bleu de ce mois d’avril – je n’ai pas pu ou pas voulu – je suis resté là devant le petit carré mouvant – devant les mains de Lise et les mèches de Samuel – j’ai laissé couler ce qui devait couler.

Quand tout a été fini – quand ils m’ont vu – les rigoles sur les joues – Lise s’est approchée. Samuel aussi. Ils m’ont serré dans leurs bras. Longtemps. Sans un mot. Et puis après, nous nous sommes arrachés.

Je sais qu’un morceau infime de leur corps a laissé son empreinte sur ma peau.

Je sais qu’ils m’accompagneront jusqu’au bout désormais. »

 

pp. 70-71 : « Yvan m’a téléphoné dans l’après-midi. Il venait de visionner le DVD. Il a dit : « Il manque quelque chose dans ton film – Quoi ? – Toi. Tu n’apparais nulle part » […] Il enclenche le film et puis soudain, il se détache, il s’approche de moi. De plus en plus près. Son haleine dans mon cou. Les battements de mon cœur. La respiration qui s’accélère.

Et le baiser. »

 

Et le clin d’œil : p.7 : « Mais on m’apprécie. Certaines filles commencent à me tourner autour. Gentiment. Tendrement. Elles me disent que je les comprends. Elles se persuadent toutes seules que je suis sensible. Il n’y a rien pour étayer leurs propos. Je ne montre jamais rien. Je sais très bien me taire. Et observer. C’est ce que j’aime surtout – observer. »  Ce passage m’a fait sourire. Ah il me plaît ce Blondel, quand même ! Même quand… non j’ai dit que ne je commenterais pas.

 

Et si Monsieur Blondel pouvait maintenant m’enlever cette chanson de la tête (oui je sais, j’abuse) : 

Imagine-toi dans une rue toute en ville
Mais avec une lumière comme y a pas chez toi
Et ce s'rait p't-êt' là un endroit pour vivre
Je s'rais bien loin de savoir ou dire
Si l'on verrait des jours ou bien meileurs ou pires
Ce s'rait p't-êt' là un endroit pour vivre
Ce s'rait p't-êt' là un endroit pour vivre
 (Un endroit pour vivre, William Sheller)

 

Actes Sud Junior, coll. D’une seule voix, octobre 2007, 77 pages, prix : 7.80 €

Ma note : 4/5

Crédit photo couverture : éd. Actes Sud, © Anne-Marie Adda, et Amazon.fr

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I
<br /> Je viens tout juste de lire ce roman et je dois dire que je suis une fois de plus touchée par son auteur.<br />
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L
A yest ! Je l'ai lu. :)Bon, même si je comprends tout à fait tes réserves, je n'oublie pas que ce roman s'adresse avant tout à des adolescents. Et pour cela, je lui ai trouvé des qualités indéniables. Mais peut-être n'ai-je pas beaucoup grandi finalement depuis cette époque-là. ;-)
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C
La dernière citation est pleine de tendresse. Rien que pour elle, on lira le roman. Celles d'avant font un peu "cliché" à mon avis.... Mais elles sont présentée hors du contexte  ;-) (ça va comme commentaire mi-figue mi-raisin pour-ne-pas-se-faire-lyncher  ?......)
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L
oui oui Cathe, tu vois d'ailleurs, peu de réactions sur ce titre !
Z
Merci de me faire découvrir cette collection et ce titre...
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L
mais.. de rien !