La délégation norvégienne - Hugo Boris
René Derain part pour un séjour de chasse avec son chien, dans un chalet isolé en pleine forêt, tout là-haut en Norvège (le lieu n’est
pas nommé mais « la délégation norvégienne » ?). Il retrouve six autres passionnés, quatre hommes et deux femmes, venus de différents pays d’Europe, des inconnus qui ont pris comme
lui leur réservation sur Internet. Dès le premier chapitre, l’atmosphère étrange et inquiétante est donnée : pourquoi une telle peur dans le regard de son chien à l’abord de la
forêt ? p. 15 : « Dans les yeux du chien, il n’y avait plus de regard ».
Le séjour ne se déroule pas comme prévu : un froid polaire s’abat sur le site coupé du monde, et c’est le début de la lutte pour
survivre (la faim, le froid, l’isolement). Les livres de la maigre bibliothèque servent à alimenter le feu pour se chauffer, le huis clos devient de plus en plus oppressant, et René Derain de
plus en plus paranoïaque. Pourquoi ce qu’il est en train de vivre est-il écrit dans un livre trouvé dans la bibliothèque ? Et si quelqu’un cherchait à l’assassiner ?
Le dernier cahier du livre n’est pas massicoté, et ce n’est pas un défaut d’éditeur. A vous de le passer au coupe-papier pour
connaître la fin.
A vrai dire, vous ne serez guère plus avancé car vous ne saurez toujours pas pourquoi le propriétaire n’est pas là pour les accueillir comme prévu, pourquoi tous ces phénomènes étranges se déroulent, mais vous aurez vécu un véritable hommage au pouvoir de la littérature. Car ils sont grandioses, tous ces passages sur la lecture !
On ne vous avait jamais dit que les personnages d’un livre ne sortent jamais du format des pages qui leur sont allouées ? Ils restent dans les lignes, et s’ils en sortent, ce n’est que dans l’imagination des lecteurs. Les feuillets non coupés contribuent à cette construction troublante : à vous lecteurs de vivre ce que vous êtes en train de lire. Vous seuls êtes acteurs de vos lectures.
Et de ce point de vue là, c’est très fort.
Un roman lu d’une traite, d’une seule, tant l’atmosphère mystérieuse est prenante et l’éloge de la littérature agréable. Et pour ceux
que le thème de la chasse rebuterait, elle m’est apparue comme secondaire. Au cœur du livre, prenant de la place, mais servant de prétexte.
Un livre surprenant, fort, hors du commun.
L’avis plus mitigé de Clarabel et de Fashion, et plus enthousiaste de Cuné et Cathulu.
Belfond, sept. 2007, 275 pages, prix : 17,50 €
Ma note : 17/20
Crédit photo couverture : © Sargologo et éd. Belfond