Le vertige des auteurs - Georges Flipo
Sylvain Vasseur, le plus ancien employé du département marketing de chez Air
Hexagone, est mis en préretraite forcée. Avant son départ, il peaufine ses dernières lettres « relations clientèle » qu’il porte à la signature du grand patron, Noël Delorgey. Celui-ci
voit déjà en lui un futur grand écrivain, et lui offre en cadeau de départ le PC portable qui ne pourra qu’encourager son talent…
Osez passer la couverture quelque peu austère de ce (premier) roman et succombez vite au vertige des auteurs, le gouffre est aussi profond que drôle et … douloureux. Sylvain est un personnage détestable et pourtant je ne compte plus le nombre de fois où j’ai éclaté de rire toute seule : plus il est pitoyable, plus c’est hilarant ! Il faut le voir tenter de résumer son grand roman de science-fiction métaphysique dont il n’a pas encore l’ombre d’une brindille d’idée… C’est moqueur, manipulateur, et assez réjouissant ! Même Arlette, sa chère et tendre, va vite comprendre que femme d’écrivain, c’est un calvaire qui n’était pas dans le contrat de mariage, et qu’elle fait bien mieux de se consacrer à la broderie J
Si le premier tiers du roman est empli de rires sarcastiques, la suite est plus triste et presque déprimante. Sylvain Vasseur va tout écluser : les concours de nouvelles, les photocopies « au thon », « au mérou » ou « à la baleine », les lettres de refus des éditeurs, l’édition à compte d’on ne sait trop quelle arnaque, mais toujours, toujours, il caressera ce doux vertige d’être enfin reconnu pour son œuvre, fut-ce par la seule bibliothécaire de Plesson-Châtillis qui semble mieux s’y connaître en tantrisme qu’en littérature… Il mérite la médaille de la ténacité, ce Sylvain – écrivain.
Si l’on a beaucoup ri, il y a quelques jeux de mots un peu vaseux, qu’on aurait pu oublier : ainsi Plesson-Châtillis ne ravira peut-être pas les habitants lecteurs du Plessis-Robinson ou de Châtillon, Cartier et Mauboussin n’aimeront pas la collection Cartoussin de la place Vendôme et Graal-Limeuil aurait pu rester GalliGrasSeuil sans qu’on y perde au change. 5tout le reste était quand même beaucoup plus fin !) Hormis ces petits détails, j’ai aimé l’humour caustique qui finit en véritable pitié pour ce pauvre type : c’est vrai, quoi, pourquoi vouloir à tout prix écrire quand on n’a déjà pas assez d’une vie pour lire ?
George Flipo nous démontre avec humour et semble-t-il une bonne connaissance du milieu qu’écrire rend fou : voilà qui devrait calmer bon nombre d’écrivaillons en herbe le temps d’une lecture, celle de son roman !
PS : Ouf, Sylvain Vasseur a oublié un truc dans son parcours : c’est d’envoyer son roman en PDF à toutes les blogueuses de la place, et pour ça, je ne vous remercierai jamais assez, Monsieur Flipo, parce que déjà, la science-fiction, j’ai du mal, mais si en plus elle est métaphysique et sur écran, hein… J
Pour finir, cet extrait, parce qu’il fonctionne aussi pour les lecteurs :
p. 191 : « Le médecin, après lui avoir prescrit un traitement, l’avait raccompagné, embarrassé. En regardant s’éloigner Sylvain, le praticien avait pensé que la littérature était sans doute le plus implacable des virus, une sale maladie, incurable : plus on est contaminé, moins on a envie d’en guérir. »
Lu aussi par Cuné, Essel, Turquoise, Florinette, ...
Un petit tour sur le site de l’auteur , ou encore, sur son blog
Le castor astral, janv. 2007, 272 pages, prix : 15 €
Ma note : 4/5
Crédit photo couverture : © Philippe Roux et éd. du castor astral