Rafael, derniers jours - Gregory Mcdonald
Traduit de l’américain par Jean-François Merle
Repéré sur le site de Jean-Marc Laherrère, son article m’a laissé croire qu’il ne fallait pas passer à côté de ce livre, et ouachh, quel coup de poing dans la figure !
Rafael est un pauvre type, alcoolique, illettré, qui vit dans une sorte de bidonville entre l’autoroute et la décharge publique. Père de 3 très jeunes enfants, il vit là en communauté avec sa femme, le reste de sa famille et d’autres gens comme eux. Impossible de trouver un job pour des gens comme eux, et le peu de ferraille qu’ils récupèrent à la décharge ne suffit pas à faire vivre tout le monde. Mais Rafael est content, il vient de trouver un job : 300 dollars payés d’avance, le solde (30 000 $ en tout) le contrat rempli. Le contrat ? Tourner dans un snuff movie, ces films où la torture et la mort ne sont pas simulées mais bien réelles, pour le plaisir de quelques déséquilibrés fans du genre. Sa vie contre une heure de torture et 30 000 $. D’emblée l’auteur prévient, en préambule du roman, que le chapitre 3 sera difficile à lire, éprouvant, difficilement soutenable, mais qu’il sert le propos général du livre. En effet dans ce chapitre, le producteur du film décrit par le menu toutes les tortures qui seront infligées à Rafael. Et Rafael signe.
Mais le plus insoutenable dans ce livre, c’est l’impuissance du lecteur face à la manipulation des uns, la complicité tacite des autres, et la naïveté de Rafaël. Bien sûr que sa femme ne touchera jamais les 30 000 $, mais seul le lecteur le comprend, et il faut le suivre dans sa fierté toute neuve dépenser son avance en cadeaux symboliques pour ses enfants, robes pour sa femme et une risible dinde. Il faut encaisser la pauvreté de ces familles et la dignité de Rafael, et les tripes qui se nouent au fil des pages.
Court roman (190 pages), il se lit d’une traite, et d’ailleurs il faut le lire d’une traite, pour en accuser toute la force.
Titre original : The Brave, © Gregory McDonald, 1991, © 1996 pour la traduction française chez Fleuve Noir.
10-18, 190 pages, juin 2005, prix :6,50 €
Ma
note :
Crédit photo couverture : © Karnil Vojnar / photonica et éd. 10-18
(PS : et contrairement à ce que je disais en marge (blog-it), ce 10-18 là est lisible sans arracher les pages, même si les marges sont petites, elles existent et la typographie est correcte. Il semble que seuls les pavés classique souffrent d’une densité maximale).